Malgré son centenaire, on ne peut pas dire que la Première Guerre mondiale est un sujet particulièrement à la mode dans la culture mainstream, malgré quelques projets comme Battlefield 1 ou la chaîne Youtube « The Great War ». Quoi de plus rafraichissant, donc, que de voir une série nippone aborder l’événement ? Ah mais nous parlons d’anime, alors vous comprenez bien qu’il fallait bien ajouter une loli comme personnage principal, ah et des pouvoirs magiques avec plein d’explosions, ce serait pas drôle sinon. Le Japon et ses synopsis délirants ne me décevront jamais.
Regarder le premier épisode de Youjo Senki est une expérience assez fascinante. Comme si la guerre n’était pas un phénomène suffisamment dément en soi, on dirait que l’auteur de l’oeuvre (un Light Novel au départ) a décidé de pousser la folie jusqu’au surréalisme en créant ce passé alternatif où se mélangent No man’s land traditionnel et fillette volante psalmodiant des sortilèges. Le résultat est suffisamment absurde pour faire accepter les bains de sang comme un pur spectacle et en choisissant l’Europe de la Grande Guerre, au lieu de la deuxième guerre sino-japonaise par exemple, on évite les controverses au moins. Ca ou plus probablement, les lolis et les uniformes nazis, les uniformes du Deuxième Reich pardon, sont plus vendeurs. Dans tous les cas, voir constamment les carnages des champs de bataille, agrémenté de réunions stratégiques, est vite barbant et le début de la série peine à convaincre.
Heureusement, l’intérêt de Youjo Senki ne se limite pas à cette formule narrative sommaire. Nous apprenons rapidement que notre jeune protagoniste allemande, Tanya Degurechaff, est en réalité un salaryman japonais contemporain envoyé en réincarnation forcée par « Dieu ». La bizarrerie du synopsis atteint la limite critique mais c’est avec cet arc narratif que l’anime gagne un fil rouge clair et intéressant. En effet, aux actions de hautes voltige sanglantes vient s’ajouter un face à face entre deux enflures de première : Tanya, une sadique peu croyante qui cherche à survivre dans son nouveau monde, et « Dieu », pas content de l’athéisme ambiant de notre époque et dont les interventions miraculeuses sont dignes de Satan.
Le décalage entre apparence de jeune fille et mentalité de sociopathe est amusant, tout comme le sont ses stratagèmes sournois et ses échecs, surtout ses échecs avouons-le. En outre, connaissant les développements de la Grande Guerre, Tanya possède une perspective intéressante sur la trame et cette particularité lui donne un rôle d’anti-héros assez unique (Zipang est déjà passé par là cela dit), même si sa logique impitoyable se heurt aux élans des coeurs et aux aléas de l’Histoire. L’auteur en particulier semble bien informé sur le sujet de les Guerres mondiales et propose des références réels, et moins réels (Full Metal Jacket par exemple), qui donnent plus de poids à ce monde fictif.
Cependant, la série prend un peu de plomb dans l’aile lors de la deuxième moitié de la saison, lorsque celle-ci se concentre presque exclusivement sur les opérations militaires. Les développements qui en ressortent sont assez captivants et promettent une deuxième saison excitante, si Dieu le veut, mais comme pour le premier épisode, voir sans arrêt Tanya en tant que machine de guerre invincible est lassant pour ma part.
Non pas que les scènes d’action soient médiocres, loin de là. Youjo Senki est la première réalisation majeure du studio Nut et pour un anime aussi chargé en combats, le résultat s’avère très plaisant. Certes le dessin n’est pas toujours a son meilleur, et la présence de modèles 3D est parfois légèrement dérangeant, mais cela est franchement compensé par d’excellentes mises en scène. La qualité de la production de manière générale montre un penchant pour l’effort et un sens du détail qui renforcent mon impression que Youjo Senki est franchement au-dessus de la moyenne en terme de réalisation.
En conclusion, Youjo Senki n’‘est pas exactement exceptionnel mais se démarque par une trame plutôt engageante, des combats dynamiques et une protagoniste cinglée, potentiellement aussi génocidaire que son ennemi juré. Un divertissement solide à considérer en tant que tel.