Un début haletant...
... pour une fin ennuyeuse.
le 16 nov. 2020
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Saison 1 :
Peu regardée du fait du succès limité de la plateforme Apple TV+, "Téhéran" est pourtant une « série d’espionnage » capable de séduire a priori les adeptes du "Bureau des Légendes" ou de "Fauda". Evacuons dès le départ le problème fondamental de la série : production israélienne traitant de l’Iran, il est difficile de porter grand crédit à sa description de la société iranienne sous contrôle des Mollahs, nous sommes bien d’accord sur ce point. Reste que, quand il s’agit de divertissement, aucun d’entre nous n’a fondamentalement de problème avec le fait de voir des films états-uniens parlant de méchants russes, chinois, voire européens… !
Bref, en acceptant que notre esprit critique restera aux aguets devant la série, il est difficile de ne pas prendre plaisir devant "Téhéran", qui est une sorte de modèle en matière de tension et de rebondissements : le périple de Tamar, hacker recrutée par le Mossad pour créer une panne électrique incapacitant le système de défense iranien de leurs installations nucléaires, permettant le bombardement de ces sites par l’aviation israélienne, voilà le sujet de "Téhéran". A la manière d’un "24 Heures Chrono" en plus intelligent, car plus enraciné dans la réalité géopolitique de notre époque, il s’agit avant tout de divertir le téléspectateur, non de traiter de manière vraiment sérieuse les enjeux politiques d’une situation que l’on sait globalement explosive…
… Et c’est d’ailleurs là que se manifeste le plus clairement la faiblesse d’écriture de la série au fur et à mesure des épisodes : après un démarrage remarquable sur un premier épisode frôlant la perfection dans le genre, on réalise que le scénario accumule, même de manière peu logique parfois, les difficultés sur la route de notre héroïne, pour créer une sorte de suspense quasi-permanent assez artificiel. Et on intègre à l’intrigue, qui se suffisait pourtant à elle-même, des éléments « étrangers » sentimentaux (la relation peu crédible entre l’héroïne, Tamar, et Milad, son complice hacker) ou policiers (l’épisodes, assez invraisemblable du trafic de drogues pendant la rave party). Dans la même logique, on utilise les personnages secondaires, dont certains, comme la famille iranienne de Tamar, sont vraiment intéressants, de manière totalement utilitaire (c’est-à-dire qu’on les oublie dès qu’ils ne servent plus à rien pour le scénario…).
Lorsque l’on réalise dans les derniers épisodes qu’il n’y a aucune logique particulière à présenter de nouvelles façons pour l’héroïne de réussir sa mission, il y a un risque clair que le téléspectateur un tant soit peu exigeant « se déconnecte » de "Téhéran"… Heureusement, la qualité générale de l’interprétation nous aide à tenir : on soulignera particulièrement la performance de Shaun Toub, déjà vu dans "Homeland" et plus récemment dans "Snowpiercer", qui crève littéralement l’écran et ajoute une vraie complexité émotionnelle à la série.
On pourra aussi apprécier la révélation finale d’une manipulation bien plus complexe qu’on l’imaginait, mais il n’y a rien là qu’un lecteur avisé de John Le Carré n’aurait pas vu venir… Et regretter néanmoins que le dernier plan, ouvert, laisse présager une seconde saison, franchement inutile…
S’il y a quelque chose dont on aura envie de se souvenir dans "Téhéran", c’est avant tout l’infinie tristesse de l’exil, d’un départ forcé d’une partie de la population (iraniens d’origine juive bien entendu, mais pas que…) littéralement chassée du pays par le régime des Mollahs. Cette douleur du manque du pays que l’on aimera toujours, de la perte des racines, est l’un des sujets – certes secondaires – mais également les plus nobles d’une série qui aurait clairement gagné à moins jouer la carte du divertissement « facile ».
[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/07/23/apple-tv-teheran-saison-1-une-serie-qui-joue-un-peu-trop-la-carte-du-divertissement-facile/
Après une première saison qui nous avait séduits grâce à une certaine véracité humaine, mais qui n’hésitait pas à tomber dans des facilités scénaristiques pour créer des situations périlleuses à répétition à l’intention son héroïne, l’agent du Mossad Tamar, il était facile d’imaginer qu’une seconde saison, totalement inutile, n’apporterait rien à Téhéran.
Nous étions malheureusement trop optimistes, car cette seconde livraison de 8 épisodes est une grosse déception : en gardant et en accentuant les défauts déjà identifiés – comme par exemple l’enchaînement d’une série de manières pour l’héroïne d’arriver à ses fins (tuer un ministre important du gouvernement iranien), chaque échec rencontré conduisant à une nouvelle tentative encore moins crédible -, tout en abandonnant ce qui restait intéressant dans sa facture – disons la description à peu près crédible de ce que cela peut signifier de vivre (ou de survivre) sous une dictature comme celle des Mollahs, Téhéran perd quasiment tout son charme.
Avec l’exécution des membres de sa famille, Tamar se lance cette fois, largement contre l’avis de ses employeurs du Mossad, dans une vendetta personnelle contre un haut dignitaire iranien… ce qui pose quand même un gros problème de vraisemblance quand on voit les indécisions et les revirements des services secrets israéliens, dont on connaît la fermeté implacable dans la « vraie vie ». Si l’on peut admettre à la rigueur que Tamar arrive à noyauter aussi facilement la haute société de Téhéran grâce à son charme (oui, Niv Sultan est très jolie !), la participation active de son petit ami, hacker iranien, Milad, reste d’une invraisemblance complète jusqu’à la fin. Pire, en réduisant le charismatique Shaun Toub – dans le rôle de Faraz, le grand antagoniste de la première saison – à une participation épisodique alors que son personnage semble littéralement s’être effondré, les scénaristes de cette seconde saison se sont tiré une balle dans le pied, en se privant de leur plus grand atout. L’introduction au casting d’une Glenn Close en psychologue britannique installée en Iran et travaillant elle aussi pour les Israéliens ne fonctionne pas, malgré le talent de cette grande actrice, et se révèle plus un irritant qu’autre chose.
Les deux derniers épisodes sont quand même assez trépidants, et permettant à la saison de se clore sur une bonne impression, mais il faut bien admettre qu’il y a longtemps que Téhéran a perdu toute crédibilité et ne se savoure plus que comme une histoire d’espionnage pas très intelligente.
Nous offrir un simple divertissement sans conséquences sur le dos d’un sujet aussi brûlant, politiquement, ce n’est pas seulement une déception, ça s’apparente à une faute.
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/08/02/apple-tv-teheran-saison-2-le-declin/
Créée
le 2 août 2022
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