Texhnolyze est l'exemple type d'une production qui débute à la perfection : dés le générique – digne des meilleurs morceaux de Klute et Spahn Ranch – le spectateur se voit littéralement happé, prisonnier de cette ambiance située au carrefour de Blame! (Tsutomu Nihei ; 1998) et d'Avalon (Mamoru Oshii ; 2001) revus par un Studio 4°C sous acide, et merveilleusement servie par une bande-son omniprésente qui ne va pas sans rappeler Eraserhead (David Lynch ; 1977) – mais à la sauce purement indus malgré quelques morceaux simplement classiques. « Noir c'est noir » est le credo de cet anime qui se veut résolument cyberpunk jusque dans les titres de ses épisodes appelés rogues (qui signifie « solitaire » en anglais...) mais aussi dans ses thèmes secondaires, très mûrs et en prise directe avec le présent : homosexualité, sexe SM, pédophilie incestueuse, violence urbaine presque gratuite et particulièrement sanglante,...
Pour étayer plus l'ambiance, la narration se fait dans la longueur, en prenant son temps et sans rentrer dans les détails inutiles qui donnent souvent au spectateur l'impression qu'on le prend pour un imbécile en expliquant lourdement ce qui est pourtant évident ; mais il y a un revers car l'ensemble se montre au final un peu trop long, surtout dans la seconde moitié où les événements tendent à devenir confus et une cassure de rythme assez nette se produit qui aura peut-être tendance à perdre un spectateur ou deux en cours de route. On est toutefois reconnaissant au réalisateur de ne pas avoir tenté une énième variation sur le thème du post-humain en imposant sa propre vision de la chose : comme le fit Otomo dans Akira (1982), le chaînon suivant dans l'évolution de l'Humanité s'avère ici à peine évoqué, et Texhnolyze se contente de narrer son avènement au lieu de décrire l'humain supérieur avec tout ce que ça implique de subjectivité et, comme souvent dans ce registre frisant l'impossible, le ridicule affligeant.
Sur le plan purement technique, on retiendra des qualités d'animation très supérieures à celles de la série moyenne – une autre raison de penser que cette production s'adresse à un public plutôt adulte – avec une utilisation très sensible de l'infographie (jusque dans le générique de début, qui a ses propres réalisateurs) dont les très rares défauts restent d'une discrétion exemplaire. Cadrages, éclairages, designs,... comptent parmi les plus intéressants qu'il m'ait été donné de voir jusqu'ici, tous médias confondus. La réalisation joue habilement sur les paradoxes pour étoffer l'atmosphère, tant au niveau des designs que des situations : ainsi, des voitures, costumes, téléphones,... aux lignes surgies des années 30 ou du fonctionnalisme soviétique du milieu du XXe siècle, se voient côtoyer des cyborgs combattant au sabre ou à mains nues dans un environnement quasiment post-apocalyptique. Il y a quelque chose de Métal Hurlant dans Texhnolyze – ce qui n'est pas fait pour me déplaire – mais modernisé, actualisé pour un public contemporain héritier de cette noirceur ambiante qui a remplacé l'exotisme coloré et délirant post-70s...
Un anime étonnant, pas exempt de défauts malgré ses qualités indiscutables mais qui mérite amplement d'être vu si vous souhaitez vous éloigner du cyberpunk « grand public » ou plus simplement si vous cherchez des sensations fortes d'un genre pour le moins particulier.
Notes :
L'immeuble « administratif » avec les colonnes étranges de l'épisode 19 est inspiré du Building d'Administration SC Johnson de la ville de Racine dans le Wisconsin, une des plus fameuses créations du célèbre architecte Frank Lloyd Wright.
L'artiste responsable du morceau original du générique de début, Juno Reactor, a aussi travaillé sur la trilogie Matrix.