Royal

Dire que l'histoire et la monarchie britannique m'intéresse est un euphémisme. Il fut un temps (assez lointain certes) où je pouvais réciter la généalogie des monarques grands bretons et ce depuis la dynastie des Wessex avec leurs noms à coucher dehors de type Edred ou Ethelstan.

Je suis tout naturellement attirée donc par ce qui se rapporte à cette monarchie aujourd'hui constitutionnelle et à ceux qui la représentent. "The Queen", "le Discours d'un Roi", "The Young Victoria" et autres biographies écrites/filmées ont droit de cité sur mes étagères. C'est une monarchie fascinante car elle change de mains très régulièrement et assez fréquemment dans le sang, la guerre et autres joyeusetés. Il y a des fous, des centenaires, des révolutions, des pignoufs et des héros. C'est donc tout simplement que j'ai décidé sans hésitation de voir cette série malgré une petite voix grinçante dans ma tête qui me disait : ça va être cheap, ils vont ultra romancer toute ça, ils sont tous trop vivants pour qu'ils aient les mains libres, etc....

Hé bien la petite voix n'avait pas tout à fait tort mais elle n'avait pas raison non plus. J'ai mis 10 sans hésiter à cette série d'une grande qualité et qui fait mouche sur bien des points, sans m'avoir donné l'impression qu'on me servait de la soupe.

C'est certes romancé et quelques évènements sont légèrement déplacés pour un effet dramatique nécessaire, chaque épisode ayant un thème bien particulier. Je ne m'accrocherais pas à quelques mois de différence ou bien à un personnage inventer pour mettre un peu d'huile dans les rouages, ce n'est pas le but. Ce n'est pas un documentaire, c'est une série et pour ce que j'en sais, ils ont fait un très bon boulot de recherche. Comme dans l'excellent film "The Queen" beaucoup est laissé à l'appréciation et la sagacité de l'auteur. En gros il invente tout, toutes ces interactions entre membres de la famille royale, les membres du cabinet, les divers employés : Peter Morgan n'a aucun moyen d'information précis si ce n'est des rapports de seconde main pour savoir ce qu'il s'est réellement passé. Il fait preuve, à mon avis, de finesse et fait des paris calculés sur ce qu'il s'est passé et m'a gardée moi, en tant que spectatrice, sur un chemin de vraisemblance dont je le remercie.

Les acteurs font également partie intégrante de ce qui fait fonctionner le tout. Le casting est brillant aussi bien en mimétisme (si ce n'est en ressemblance) qu'en interprétation. Claire Foy a parfaitement saisi les attitudes, la voix, la nature d'Elizabeth Windsor et d'Elizabeth II, elle tient les premières saisons de la série sur ses frêles épaules avec grande classe. Certes elle n'est pas seule mais si elle ne fonctionne pas, le début de la série ne fonctionne pas. La Reine, c'est elle et c'est bien là tout le sujet de la série.
(petit bémol pour Matt Smith en Prince Philip, c'est très personnel, mais je m'attendais toujours à ce qu'il sorte un noeud pap' (bowties are cool) et se mette à crier géronimo avant de foncer dans le Tardis qui serait planqué quelque part dans Buckingham)

Après Claire, il y aura Olivia Coleman et Imelda Staunton pour prendre le rôle et les 2 feront un travail exceptionnel et très fin.

Tous les autres acteurs sont impeccables de Tobias Menzies et Jonathan Price pour le Prince Philip en passant par Helena Bonham Carter, Vanessa Kirby et Lesley Manville pour la Princesse Margaret.

Tout le monde est au top, voilà!

Pourquoi la série fonctionne et surtout fonctionne sur la longueur (je sais que les 2 dernières saisons ont été un peu critiquées et moins aimées mais pour moi elles sont parfaitement au diapason des autres et les thématiques sont respectées) ?

La série dans son entier fonctionne donc parce qu'elle ne cherche pas à être seulement une biopic d'Elizabeth même si elle en a les ingrédients. La série s'appelle "The Crown", la série est sur la "Couronne" avec un grand "C", la monarchie, ce qu'elle représente, ce qu'elle est pour ceux qui la serve, pour ceux qui l'admire et pour ce qui n'en veulent pas.
Elizabeth en elle même n'est pas génératrice d'évènements, en cela sa sœur est beaucoup plus prolifique. Mais Elizabeth n'est pas une femme, c'est une Reine, une déesse presque, un symbole. Elle doit disparaitre derrière cette couronne et n'être plus qu'une image, parfaite et rassurante. C'est en tout cas ce que les gens attendaient dans les années 50. Comme la série s'étale sur tout le règne, on voit les changements d'attentes du peuple anglais au cours des années. Et de ce fait, on voit également la femme disparaitre derrière la fonction, derrière le symbole, une personnalité s'atrophier pour se conformer à un idéal indispensable face à l'épée de Damoclès qu'est la chute de la monarchie. En effet, le méchant de l'histoire au début, c'est l'abdication d'Edouard VII. Ce n'est pas le Duc de Windsor (même s'il n'est pas aussi idéalisé qu'il a pu l'être et c'est une bonne chose), c'est l'abdication elle même. Cet évènement est traité comme un traumatisme très profond pour la Grande Bretagne et pour la famille royale aussi et c'est un fait, ils ne s'en sont pas tout à fait remis.

Mais la Couronne affrontera par la suite bien d'autres scandales à répétition avec Fergie et Diana notamment pour que cet épouvantail primal finisse au placard. On note d'ailleurs une approche très franche et directe en ce qui concerne le cas Diana, sans diaboliser qui que ce soit mais un passage sous silence assourdissant du mariage d'Andrew et Fergie et de manière générale l'absence du Prince lui même. Quant à Edward, il est encore plus inexistant mais lui contrairement aux autres n'a jamais posé de problèmes.

Le Prince Andrew étant extrêmement controversé ces dernières années et, disons le, dans une mouise noire, je comprends qu'ils aient lâché la patate chaude! Et puis après tout, la série est sur la Couronne. Andrew et Edward ne sont pas destinés à la porter. C'est aussi le cas de Harry, laissé assez de côté également. Pour le mieux, à mon avis.

La réalisation est extrêmement soignée avec un générique d'une très grande beauté et qui fait entrer de plain pied dans le thème de la série. On oublie trop souvent l'importante d'un bon générique.

J'ai vraiment été happée par cette série faite avec classe, mesure et franchise.

La saison 2 tient les promesses de la saison 1. L'avancée du règne d'Elizabeth II reste prenant et fascinant même si elle-même passe un peu au second plan parfois. Une réalisation soignée et des évènements moins connus qu'en première saison maintiennent le niveau.

Les saison 3 et 4 continuent sur la lancée avec des années charnières et les saisons 5 et 6, qui gèrent les décennies les plus récentes et donc les plus fraiches dans la mémoire des spectateurs, bouclent la boucle et redonnent sur la fin le premier rôle à Elizabeth dans un au revoir assez émouvant, je trouve.

Un grande série à ne pas manquer, qu'on aime l'histoire ou pas, ça se regarde comme Dallas, qu'on s'intéresse à la monarchie ou pas, ça se regarde comme les Feux de l'Amour mais avec de la classe!