Fin de saison 3. Un dernier souffle puis l’écran noir apparait. Se constitue alors un silence de quelques minutes, moment précis où l’on se rend compte qu’il n’est pas bon de conclure une série de David Simon trop rapidement. Le choc, vif et brutal, m’évoque directement une sensation de déjà vu, un ressenti semblable à ces précédentes séries.
Viens à présent la période de réflexion et de nostalgie que suscite chaque série de l’ancien journaliste, à l'image d’une dernière scène où Vincent, errant dans ce Times Square moderne, repense au bon vieux temps passé en compagnie des personnes ayant comptés pour lui, sur un fond sonore de Blondie « The Sidewalks of New York », venant clôturer en beauté la série.
Un élan de plusieurs émotions grandit donc après le visionnage de l’ultime épisode.
Simon reste définitivement le maître absolu dans la progression d’un récit, dans l’analyse et le raisonnement d’un sujet ainsi que dans l’approfondissement des personnages. La densité des protagonistes est telle que la mort de certains personnages phares n’empêche pas la vie de continuer et l’histoire d’être toujours aussi palpitante. Le manque d’un personnage en particulier ne se ressent pas, mise à part la non-apparition surprenante de Larry Brown durant l’ultime saison.
Autrement, côté casting, on retrouve les têtes connues de The Wire(Lawrence Gilliard Jr., Chris Bauer, Mbenga Akinnagbe, Anwan Glover, Method Man) et celle de Treme (David Morse ; brève apparition) mais également de belles surprises comme Margarita Levieva, Emily Meade ou encore Chris Coy. Le tout tenu par un James Franco charismatique et impérial et une Maggie Gyllenhaal bluffante, trouvant ici tous deux leurs meilleurs rôles.
Les épisodes s’enchainent, les discussions et péripéties prennent place, la critique fuse, le débat s’intensifie, arrivant à une conclusion pas toujours espérée ni acceptée par la majorité.
Mais qu’importe, avec Simon on était prévenu. Il ne nous fait pas rêver (le destin tragique de Lori Madison notamment), filmant la vie sans fioritures, sans artifices. Chacun s’assume, avec ses qualités et défauts. Personne n’est parfaitement normal comme l’évoque Candy : « Normal is a lie ».
Ce point de vue, sans cesse mature, réaliste et humain dont il fait preuve reste sa grande force et démontre une capacité intellectuelle au dessus de la moyenne dans un univers télévisée qui en manque cruellement. Rare sont ceux qui maintiennent un niveau identique et harmonieux du début à la fin.
Ici, s’étalant sur quinze années, de 1971 à 1985, l’histoire va tour à tour évoquer les sujets les plus fâcheux de l’époque. Sexe, drogue, corruption, crime, maladie. Tout est passé au crible.
Les douleurs et les tromperies sont énormes, les moyens, quant à eux, sont faibles et restreints.
Tout ce système, ici le milieu de la pornographie principalement, est, en parti, régi, contrôlé et financé par une économie souterraine fructueuse s’adaptant en permanence à l’évolution du désir des moeurs. L’émancipation et la mise en place de nouveautés alléchantes (peep-show, porno amateur, trafic de drogue) permettent à la fois de s’enrichir davantage avec plusieurs sources de revenus et de surfer sur la vague du moment.
Devenu maintenant légal et professionnel, la reconversion de quelques-uns s’avère parfois difficile (les macs sur le déclin dès le début de la saison 2).
Un « art » en manque de moyens pouvant donc être financé par de l’argent douteux. En face, une police corrompue, laissant une grande liberté d’action en fermant les yeux sur leur trafic et informant ces derniers sur des descentes avec en prime une part leur revenant.
Mais l’étau se resserre. Comme pour la mafia, les méthodes du gouvernement changent et évoluent avec le temps. Des plans d’action sur un nouveau Times Square, contemporain et « propre » en apparence, exige des mesures importantes, radicales et agressives. Pourtant, est-ce la bonne solution ? N’y a-t-il pas un travail de fond plus essentiel et précieux à réaliser ?
Comme le dit l’expérimenté Chris Alston à Gene Goldman lors de la saison 3 : « On ne fait que déplacer le problème ». En effet, déplacer un problème au lieu de le résoudre de façon directe devient finalement une normalité voire une facilité.
Simon expose donc un New York mouvementé et animé mais également inquiétant et pauvre pour le plus grand nombre. Le progrès est profitable pour certains tandis que d’autres ne se relèveront jamais.
Ejecter les indésirables, tel est le souhait du gouvernement. La légalisation de ce milieu devient ainsi leur instrument, leur moyen fondamental et leur arme juridique majeure permettant de passer à l’action sans essuyer de retombées.
Note générale : 9/10