The Deuce
7.8
The Deuce

Série HBO (2017)

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Nouveau fait d'armes de David Simon... nouvelle gifle et pas du genre timide. Remplacez la drogue par une bonne dose de sexe en guise de denrée addictive et c'est parti pour un nouveau tour de montagnes russes dans les tréfonds malades de la nature humaine. Inutile de préciser qu'on n'est pas chez Disney, le wagon de tête n'est pas aux mains d'une gentille souris, mais bel et bien entre les grosses paluches peu amicales d'un gros rat curieux auquel rien ne fait peur : mesdames, mesdemoiselles, messieurs, vous l'avez demandé, votre aller simple en première classe pour les chambres miteuses où 40 pièces suffisent à capturer, pour 5 minutes, l'âme d'une butineuse résignée à se faire malmener par un bienfaiteur enrobé d'Hermine, est avancé. Pas la peine de boucler votre ceinture, il serait dommage de ne pas laisser son tarin frapper le pare-brise avec violence à l'arrivée au terminus.


C'était déjà la marque de fabrique de The Corner, The Wire ou Treme, la grande force de The Deuce, c'est son ambiance générale, son travail de reconstitution d'un New York sauce seventies cradasse. On y devine un effort de documentation évident, tous ceux qui se sont renseignés sur l'envers du décor des aventures de McNulty le savent : David Simon n'est pas homme à se laisser aller à la facilité. Alors quand, en guise de copain de plume, il se choisit le sieur Pelecanos, les dialogues se font savoureux, les références cinématographiques ou musicales pleuvent, l'alchimie y est : The Deuce se vit à 300% pendant 8 heures, vous métamorphosant en un habitant discret du quartier auquel tout le monde se confie.


Chaque personnage est dosé de manière à ne pas dévorer les autres ; l'intérêt de The Deuce n'est pas de conter un destin en particulier, mais de faire un état des lieux d'une période charnière des États Unis qui a conduit à la popularisation de la pornographie. Un bilan sans réelle prise de position, très noir évidemment (le Deuce n'est pas le quartier où naissent les princesses de nos livres d'enfants), mais pas non plus totalement dépourvu d'espoir: certes la vie est rude dans ces blocs qui cachent tous types de trafics, les corps s'y entassent dans l'indifférence générale, mais certaines âmes réussissent à s'en évader, et celles qui sont condamnées à y rester ne perdent pas leur humanité pour autant.
Ce sont les sensibilités combinées de ses auteurs qui permettent à The Deuce de rester en équilibre stable entre devoir de mémoire et discours critique. Une intention qui semble paradoxale, puisqu'en opposition avec la nature intime des différentes trames en présence, mais il n'en est rien. Ce recul leur permet d'évoquer tout un tas de thématiques particulièrement sujettes à la polémique —tous les discours sur la perception de l'homosexualité, mais aussi, et c'est plus subtil, sur la place, et l'importance, du mariage ou en tout cas, d'une vie dite traditionnelle— sans pour autant donner l'impression de marteler un message moralisateur.


Outre l'univers et la richesse thématique des deux bonshommes à l'origine du show, The Deuce fait aussi forte impression grâce à son casting et sa direction d'acteurs. J'étais pourtant le premier à nourrir des réserves en voyant James Franco —que j'aime beaucoup mais dont j'attends encore une performance marquante— et Maggie Gyllenhaal en têtes d'affiche, mais les deux bougres ont su me remettre à ma place.
Le premier, sans proposer une performance prodigieuse, se sort très bien d'un double rôle particulièrement casse-gueule.
La seconde, par contre, est littéralement bluffante dans un rôle difficile qui a dû lui bouffer une quantité d'énergie monumentale. Qui aurait pu penser qu'elle serait prête à aller aussi loin pour donner du crédit à son personnage : se livrer autant alors que sa réputation est déjà assise, c'est remarquable et inespéré. Candy en voit des vertes et des pas mûres, Maggie la suit sans réserve et prouve au monde qu'elle a des épaules en béton armé. Bluffante.


Autour d'eux, on s'accroche. Qu'il s'agisse des différents pimps particulièrement soignés (nécessaire pour illustrer la relation ambiguë qui les lie à leurs filles), des mafieux tchatcheurs (Michael Rispoli échappé des sopranos !) ou des électrons libres qui servent de passerelles entre les différents mondes (Aby, troublante Margarita Levieva), tous font l'effort pour se mettre au diapason... dommage toutefois que certains seconds rôles s'enlisent un peu (Chris Coy, un brin absent ou encore Chris Bauer, assez peu crédible en beau frère aux multiples visages), mais c'est le risque quand on multiplie autant les personnages, et c'est du chipotage : dans l'ensemble, tout le monde est bon.


En somme, rien de nuisible à cette première saison qui ne fait que briller en réussissant le pari de ne jamais céder au mojo « better, faster, cooler » qui caractérise notre époque.
Point de cliffangher de fin d'épisode pour vous faire dévorer le suivant, point de discours démago pour faire passer la pilule, point de mise en scène tape-à-l'oeil, ni de sur-intellectualisation de son propos. Non ici, tout est assumé de A à Z. En témoigne d'ailleurs son dosage subtil en matière de violence : même si rien n'est affadi ou nuancé, il n'est pas question de se faire un nom en choquant gratuitement les âmes sensibles. The Deuce parle de sexe, et sans cache-misère. Il y a fort à parier que certains passages seront jugés limites par certains (Candy qui fait joujou avec le trilili d'un cardiaque en phase terminale, Ruby qui s'essuie le bas-ventre après une passe) mais c'est la marque de fabrique de David Simon, celle qui permet à ses shows de nourrir une authenticité qui leur est propre. Certes, je ne suis pas spécialement coutumier des rodéos mouvementés dans des hôtels sordides, ni ne suis assermenté assistant-réalisateur sur des plateaux coquins et encore moins la cible d'australopithèques énervés qui aimeraient me violenter les pommettes (enfin, j'espère), mais pour le coup, devant The Deuce, je ne remets pas en question ce que je vois, tout me paraît finement dosé en réalisme.


Et quand bien même ce ne serait pas le cas, peu importe finalement, puisque l'émotion sait se faire une place entre les différentes scénettes qui permettent à la série de se construire, aux personnages de s'incruster en profondeur dans les souvenirs, au point que l'on se sent mal pour eux quand il leur arrive une tuile. Tout est là pour serrer les cœurs au moment opportun.


Ce chevalier blanc qui montre enfin les crocs après avoir retenu le couperet de la justice trop longtemps, cette pauvre grande goule de la bande qui loupe les escaliers, mais aussi James Franco quand il conclut la saison par un aveu d'impuissance.


La beauté de ces 8 épisodes, c'est qu'ils pourraient se suffire à eux-mêmes. Mais bizarrement, alors que j'ai pour habitude de cracher sur la volonté des producteurs à faire durer les choses, je suis d'ores et déjà très impatient de déguster la prochaine saison pour retrouver toutes les ganaches avec lesquelles j'ai vécu, rigolé et souffert pendant 8 heures dans les ruelles malfamées du Deuce....

oso
9
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le 20 nov. 2017

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oso

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