On l'attendait comme un Messi venu réconcilier le jazz avec le public, il ne sera qu'un passeur de mauvais augure, la voix claire et bouleversante mais le visage gorgé d'incertitudes et de maladresses. Depuis l'excellent "Whiplash", le cinéaste Damien Chazelle est devenu le porte parole de la musique jazz sur grand écran. Aujourd'hui, le réalisateur Franco-Américain change de bord et rejoint le monde impétueux de la série.
"The Eddy" s'ouvre sur un long plan séquence, suivant un barman dans un cabaret jazz parisien. Une caméra tremblante en main (comme un hommage à la Nouvelle Vague), Chazelle nous fait parcourir ce club comme Scorsese à l'époque nous faisait visiter son "Casino". La crash de la batterie fait résonner une mélodie étrangement lourde, les musiciens suivent cette rythmique dense et la caméra en fait de même. Première rencontre avec les protagonistes, on ressent la tension qui se dégage des yeux d'André Holland qui peine à se résoudre à la fierté de son club. On voit passer les stars françaises - Tahar Rahim et Benjamin Biolay - Clap de fin de séquence.
5 minutes visuellement pesantes mais très agréables pour l'oreille.
La suite de la série sera semblable à cette ouverture, surfaite et mal organisée ; il ne restera que la musique pour sauver la face. Le problème principal de cette série est son scénario et le traitement de celui-ci, on en perd le fil dès le deuxième épisode. C'est en souhaitant montrer un Paris cosmopolite que Chazelle et les autres réalisateurs se perdent dans les méandres d'un projet trop large et trop universel. Ce qui manque aux épisodes, c'est une idée motrice. Nous ne savons jamais si on parle de jazz, des relations pères et filles ou de la misère des banlieues parisiennes caricaturée à l'américaine.
Le déroulement de la série suit sept personnages de la série, une bonne idée en soi mais cette fois encore, mal traitée. En huit épisodes de 55min, on n'arrive pas à s'attacher aux personnages, on les suit certes, mais on n'apprend pas grand chose d'eux, du moins, pas assez pour qu'ils deviennent intéressants pour l'esprit.
Pourtant, la série reste digne et agréable grâce à sa bande-son et ses acteurs. On retiendra les performances de la jeune Amanda Stenberg et de l'actrice Joanna Kulig (découverte dans "Cold War"). Les deux actrices sont électriques, elles changent de visage sur un épisode pour mieux se réinventer dans le suivant.
"The Eddy" est donc une série drama-jazzy où le glamour de la grande époque du jazz s'est transformé en une multitude de problématiques financières et familiales qui délaissent la mélodie entrainante d'un piano et d'une contrebasse pour laisser évacuer la rage et les pleurs de toute la misère du monde.