Je ne sais pas quoi penser de cette série. Sur tous les aspects, il y a de nombreux défauts et des points notables.
Empress Ki nous relate l'ascension d'une jeune femme originaire du royaume de Goryeo, qui passe du rang d'esclave envoyée en tribut (à l'empire Yuan) à celui d'impératrice de cet empire (ce n'est pas un spoiler car la première scène est celle de son accession au trône). Se posent alors les bases d'un triangle amoureux entre l'héroïne, Ki Seung-nyang/Yang (Ha Ji-won), le roi de Goryeo qui s'avère être un homme droit, austère et fidèle à ses principes (Wang Yu, joué par Joo Jin-mo), et le prince héritier de Yuan (Ta Hwan, joué par Ji Chang-wook), instable, peu sûr de lui, agissant comme un enfant et traité comme tel. Au-delà d'un simple conflit amoureux, l'on comprend dès lors les enjeux de leur histoire puisqu'ils opposent Yuan et Goryeo, et forceront donc Seung-nyang à faire un choix qui ne sera pas dépourvu de conséquences.
L'histoire nous relate notamment la lutte pour le pouvoir, les trahisons, complots, injustices auxquels même les plus haut placés s'exposaient à l'époque. A noter que celle-ci est inspirée d'une histoire vraie (même si en réalité, l'impératrice Gi n'avait pas eu a priori de relation avec un roi de Goryeo), et que même si la série s'appelle "Empress Ki", c'est surtout son combat pour le devenir qui nous est relaté, donc ne vous attendez pas à la voir régner longtemps en tant qu'impératrice.
Déjà, le scénario a beaucoup à offrir. Celui-ci est globalement assez novateur, et même si il s'agit d'une fiction, d'une adaptation trèèès romancée, ce n'est pas dérangeant. La romance ne prend pas toute la place, elle n'est pas non plus intercalée bizarrement entre deux scènes de combat (bon, au début un peu, mais on a connu pire). Comme celle-ci a beaucoup d'enjeux, elle sert à faire avancer le scénario sur tous les plans : intrigues politiques, guerres, amour, émancipation et ascension de Yang... Donc finalement, elle s'intégrait très bien à l'intrigue générale, qui elle-même était intéressante et très bien taillée. Presque tous les malentendus, conflits etc. s'expliquent. Chaque personnage a ses raisons d'agir et l'on comprend bien leur psychologie. La série s'affirme dans son rejet du manichéisme et c'est là son point fort. La révélation finale est bien amenée, quoique très étonnante. Par ailleurs les costumes sont somptueux et le drama s'accompagne de belles musiques qui introduisent des scènes épiques ou arrachent une petite larme dans des scènes fortes, lourdes en émotion.
Le deuxième gros point fort du drama est le développement des personnages, notamment de Ta Hwan et de l'impératrice Tanashiri (Baek Jin-hee). Ta Hwan est instable, en constante évolution. Il a grandi dans un milieu de complots auxquels il n'a pas pu se préparer. Il est au début pathétique, faible, lâche et manipulable ; mais très vite il va s'attacher à Yang, étant la seule personne en qui il peut avoir confiance, malgré le fait (voire justement grâce au fait) qu'elle ne mâche pas ses mots face à lui. Dans sa quête de vengeance, elle va le forcer à devenir plus fort, à ce qu'il s'émancipe du machiavélique grand conseiller (Jeon Gook-hwan), au risque qu'il devienne dépendant d'elle. L'évolution de Ta Hwan était très intéressante à suivre. Il était attachant et m'a touchée dans sa simplicité. Au départ, il est un peu la "lumière" du drama, au sens où son personnage semble se restreindre au comique (d'où le "surjeu", l'extravagance du jeu d'acteur, qui disparaît très vite). Mais à l'instar de l'atmosphère du drama, il va changer, et au fil des trahisons, sa peur va se changer en dégoût, en force puis finalement en colère
voire en folie
alors que l'aspect "sérieux" du drama devient quasi-omniprésent. Ce rôle offre à Ji Chang-wook une belle palette de personnalités à adopter, qu'il a très bien su retranscrire, ce sans quoi le personnage aurait été bien moins attachant.
Pour ce qui est de Tanashiri, elle représente une jeune fille fiancée à l'empereur par son père, le grand conseiller. Toujours utilisée comme objet politique, sa vie dépendant de sa famille, l'on comprend qu'elle soit aussi désespérée et tordue. Au final, même si ses actions demeurent inexcusables, elle n'est pas si différente de Yang, au sens où toutes deux usent de leurs atouts ou de leur statut pour parvenir à leurs fins. J'en suis même arrivée à avoir de l'empathie pour elle, et le jeu de Baek Jin-hee, une actrice qui a beaucoup de potentiel, y a contribué.
Yang était assez intéressante aussi, c'est une femme forte, déterminée, qui change du stéréotype de la damsel-in-distress. Cependant, elle n'évolue plus tellement à partir de la moitié du drama.
Pour ce qui est du jeu d'acteurs, c'est compliqué. D'un côté il y en a de très bons (outre Ji Chang-wook et Baek Jin-hee que j'ai déjà mentionnés, Ha Ji-won et Yoo In-young (Yeon Bisu) étaient convaincantes dans leur rôle, idem pour Kim Seo-hyeong dans le rôle de l'impératrice douairière, décidement cette actrice sait vraiment jouer les femmes froides, et Jeon Gook-hwan en grand conseiller n'était pas mal non plus).
Mais d'un autre côté, pour passer aux points négatifs, du côté des acteurs secondaires, c'est très surjoué. C'est d'ailleurs étonnant car ces mêmes acteurs sont pour la plupart assez bons, de ce que j'en ai vu du moins, mais dans Empress Ki, ça ne colle pas. Je pense notamment au jeu des frères de Tanashiri et des soldats de Wang Yu avec leurs réactions excessives lorsqu'ils sont surpris, en colère ou sous le choc. Choix scénaristique douteux, mauvaise appréhension des personnages ou erreur de montage, je ne sais pas, mais toujours est-il qu'à chaque rebondissement (et dieu sait qu'il y en a) le même procédé est utilisé, celui qui consiste à nous montrer tour à tour les visages incrédules d'au moins cinq personnages présents. Passe une fois, ça va encore deux fois, mais quand dans un épisode à trois reprises lors d'une révélation s'enchaînent 4 gros plans sur les réactions des personnages secondaires, oh les mecs, faut pas pousser. Ca alourdit beaucoup le drama, et au vu des critiques que j'ai lues, je m'étonne d'ailleurs d'être la seule que cela semblait déranger. S'ajoutent à cela de nombreuses longueurs et d'innombrables scènes de flashbacks répétitives (ils ont bien dû nous passer 6 fois la scène où Yang et Wang Yu sont attachés à un poteau...), et certes c'est le cas pour beaucoup de k-dramas, mais pour 51 épisodes, ça commence à faire long. Sans ces enchaînements de plans et ces flashbacks foireux, le drama aurait pu être largement raccourci. S'ajoute à ces défauts le personnage de Wang Yu, le roi de Goryeo. C'est il me semble le seul personnage constant, homme de principes, tout au long de la série, au caractère du preux chevalier galant, du coup il permet d'apporter à la série une certaine stabilité. Mais bon sang qu'est-ce qu'il est ennuyeux à regarder. Face aux bouleversements au sein du palais, l'on pourrait s'attendre à ce que ses scènes avec Seung-nyang ou juste à Goryeo soient rafraîchissantes et nous rendent nostalgique, mais pour moi ça a eu l'effet inverse. Le personnage est d'un dramatisme, avec sa mine grave et ses yeux embués ; du coup, je trouvais sa romance avec Yang trop peu naturelle, à part peut-être dans les tout premiers épisodes, et j'y ai préféré celle que Yang nouait avec Ta Hwan, un personnage beaucoup plus complexe et attachant. Je ne remets pas en cause le jeu d'acteur de Joo Jin-mo. Je ne connais pas cet acteur ; soit il a bien interprété son rôle du premier amour loyal, brave et stoïque, soit au contraire il l'a rendu plus plat et ennuyeux qu'il n'aurait dû l'être. Les décors font aussi assez cheap et les scènes de combat ne sont pas crédibles (les personnages auraient eu le temps de se tuer 20 fois à force d'échanger des regards???), c'est dommage. Il y a aussi quelques incohérences (un bébé naît dans une grotte et est couvert par des draps sortis d'on ne sait où, qui plus est sans la moindre goutte de sang?). Par ailleurs, si dans sa globalité le scénario se tient, les dix derniers épisodes traînaient beaucoup trop en longueur et étaient presque malvenus. L'intrigue se perd dans des rebondissements inintéressants ; je ne vois d'ailleurs pas la nécessité de rendre la quasi-totalité des personnages antipathiques, qui plus est suivant un scénario aussi répétitif.
Que l'impératrice douairière redoute et refuse l'accession au pouvoir de Yang s'explique notamment par le fait qu'elle l'ait vue détruire son ennemi de toujours El Temür, et la loyauté de Baekan pour l'empire nous informe également de la raison de ses actions, mais que les deux retournent aussi vite leur veste, simultanément, est tout de même difficile à avaler, d'autant qu'on a droit à une répétition de l'intrigue, mais en moins bien. Baekan devient le nouveau grand conseiller, sa nièce Bayan devient la nouvelle Tanashiri mais en moins convaincante, et l'impératrice douairière devient un peu des deux.
Pour citer Schopenhauer, "c’est la répétition du même drame, avec d’autres personnages et sous des costumes différents." C'est du recyclé sur fond de complots ridicules qui en deviennent lassants, et ça n'a plus l'intérêt d'être novateur, émouvant ou intriguant ; on a juste envie d'arriver à l'épisode 50 et d'en finir. La série se rattrape durant les deux derniers épisodes, mais c'est un peu tard ; il faut dire qu'au fond, pendant 35 épisodes il n'y avait aucun achèvement ou aucun décès significatif, puis ça s'améliore, puis de nouveau dix longs épisodes, ce qui fait qu'on nous balance tout à la toute fin
(Tous les morts, Ki devient impératrice, l'on découvre l'identité du chef de la maison de l'aigle...)
. A noter d'ailleurs que ça peut être très frustrant, car une bonne partie du drama est basée sur un projet de vengeance et implique des menaces, or... c'est rare que les personnages tiennent leurs promesses ou agissent réellement. Il y a beaucoup de "je jure que je vais...", "je me battrai...", "tu ne perds rien pour attendre...", pourtant un personnage peut se pointer devant un autre et lui lancer "je vais te tuer et tuer tes amis", vous pouvez être sûrs que son interlocuteur ne va pas se débarrasser de cette menace pour une raison x ou y. Pour moi, le drama atteint son point culminant dans les épisodes 30 à 38, mais après cela, il perd de son intérêt. Je concède qu'il aurait été difficile de faire autrement, qu'il était nécessaire de montrer les tensions toujours présentes, mais le problème est que ça a eu un gros impact sur la morale, l'évolution de la romance et de l'un des personnages (ne lisez pas le spoiler si vous n'avez pas fini la série) :
Ta Hwan. A cause de diverses manipulations et trahisons, il est amené à douter de Yang et de ses intentions, ce qui le conduira à la paranoïa, et éventuellement à la folie. Il aura finalement perdu ce qu'il avait construit, à savoir son charisme et sa maturité, se cantonnant au rôle de rival jaloux de Wang Yu (en plus d'avoir été un mauvais père pour Maha, quoiqu'il l'ait regretté). Le fait qu'il devienne vraiment fou et sanguinaire aurait pu s'expliquer et aurait été intéressant, ça aurait apporté à ce drama une originalité et une émancipation affirmée des codes du genre. Sauf que là, son personnage devient vraiment trop duel. D'un côté, on a l'empereur fou, sanguinaire, qui mobilise une armée pour tuer trois hommes, tue des personnes plus ou moins innocentes, boit et rit diaboliquement. D'un autre côté on a toujours l'amoureux transi, innocent, le père attentionné et désolé, qui est prêt à se sacrifier pour le bien commun. Qu'il soit bipolaire pourrait à la rigueur être envisageable si son entourage le traitait comme tel, or ce n'est pas le cas, et ça va gâcher son histoire avec Seung-nyang. Je fais ici référence à l'épisode 45, où, fortement éméché, l'empereur force Yang à l'embrasser, et, bien que ce ne soit pas confirmé, il est très fortement sous-entendu qu'il la viole. OK, soit, il nous déçoit tous. Le lendemain, il la regarde dormir et se retient de l'embrasser, visiblement désolé. Bon, il se sent coupable, il va sans doute s'excuser. Par la suite, il la croise alors qu'elle est avec leur enfant, et lui affirme juste qu'il n'a pas bu depuis ce soir-là. Le gosse est là, admettons ; ils parleront sans doute sérieusement plus tard. Sauf que non. Ils n'en reparlent pas, comme si ça ne s'était jamais passé. Je précise que l'on parle bien de Seung-nyang, une femme fière, qui ne se laisse jamais marcher sur les pieds, rancunière au point de devenir impératrice pour se venger. L'on s'attendrait à ce qu'elle parte, après tout elle a eu sa revanche, ou au moins qu'elle s'en éloigne, sauf que non, elle en tombe amoureuse. Oh les scénaristes, soit vous nous faites une Yang compréhensive et qui pardonne facilement, soit vous nous faites une Yang froide et vengeresse. Soit vous nous faites un Ta Hwan fou et violeur, soit vous nous faites un Ta Hwan amoureux et courageux. Faut choisir. Pour ma part je pense que cette scène était une erreur scénaristique, l'empereur connaissant, respectant, aimant trop et étant trop dépendant de Seung-nyang pour lui faire cela, même bourré. Et ça n'aurait aucun sens que suite à cela, quelqu'un comme Seung-nyang lui dise qu'elle l'aime. C'est déjà assez difficile de croire qu'elle le pardonne pour Wang Yu... Bref, cette scène en particulier m'a bien déçue. Sa romance et sa mort auraient été bien plus marquantes sans cette scène, voire si le drama s'était arrêté avant le saut de cinq ans, alors qu'il était enfin devenu fort et charismatique.
Voilà pour ce qui est des points négatifs.
Dans l'ensemble, j'ai passé un plutôt bon moment devant cette série, principalement pour le scénario et les acteurs principaux, ainsi que pour des scènes tout de même parfois très émouvantes, notamment du côté de l'empereur et Yang. Reste qu'il y a tout de même de (trop) nombreux défauts et, pour une série aussi bien notée, avec ce casting et ces moyens, je m'attendais vraiment à mieux. Je ne sais donc pas vraiment comment qualifier Empress Ki, ma note oscillerait entre 5 et 6 sur 10, mais du fait de la dernière scène mentionnée en spoiler, je l'arrondis au demi-point inférieur.