Big Brother is Misogyne
The Handmaid's Tale, la nouvelle série à la mode adaptée du roman éponyme de Margaret Atwood, cherche à dépeindre une société totalitaire où les femmes ne seraient relayées qu'au rang de...
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le 17 oct. 2017
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La pollution et les maladies sexuellement transmissibles ont drastiquement diminué le taux de natalité. Les femmes qui ont été déchues de leurs droits sont subdivisées en castes, dont les servantes qui ont pour but leur « destin biologique », c’est-à-dire la procréation, elles se font conséquemment constamment violer.
La première saison de La Servante écarlate est une œuvre d'une puissance inouïe, un chef-d'œuvre télévisuel qui saisit le spectateur à la gorge et le plonge dans une dystopie terrifiante de réalisme. En seulement dix épisodes, cette série parvient à construire un univers glaçant, une société totalitaire et patriarcale où les femmes sont réduites à des fonctions reproductives.
L'analogie avec l'ère conservatrice ayant secoué les États-Unis sous Donald Trump est frappante, particulièrement dans la régression des droits des femmes, notamment sur l'avortement. La série dépeint avec une acuité remarquable les dérives phallocratiques, révélant la fragilité des acquis et la facilité avec laquelle les libertés individuelles peuvent être érodées.
La performance d'Elizabeth Moss est tout simplement magistrale, incarnant avec une intensité déchirante la résilience et la souffrance de son personnage. Les autres acteurs ne sont pas en reste, offrant des interprétations nuancées et complexes.
Ann Dowd, dans son interprétation magistrale de Tante Lydia, transcende la simple fonction d'antagoniste pour nous offrir un portrait d'une complexité et d'une profondeur rares. Son personnage, loin d'être une caricature de la tyrannie, se révèle être une figure nuancée, oscillant entre la cruauté et une forme perverse de compassion.
Tante Lydia incarne à la perfection le rôle de la marâtre au sein du gynécée de Gilead. Elle règne sur les Servantes avec une autorité absolue, mêlant punitions corporelles et manipulations psychologiques. Son but ultime : les façonner selon les préceptes de la République de Gilead, les transformer en instruments dociles de la reproduction.
Mais au-delà de sa façade de gardienne intransigeante de l'ordre, Ann Dowd parvient à insuffler à Tante Lydia une dimension humaine troublante. On perçoit chez elle une forme de dévotion sincère envers le régime, une conviction profonde que ses actions sont justifiées. Elle croit sincèrement qu'elle œuvre pour le bien des Servantes, qu'elle les prépare à leur rôle sacré.
Son jeu est d'une subtilité remarquable. Elle parvient à exprimer toute la palette des émotions de Tante Lydia, de la colère froide à la vulnérabilité dissimulée, avec une économie de moyens qui force l'admiration. Sa présence à l'écran est magnétique, captivante, et l'on ne peut s'empêcher d'être fasciné par ce personnage à la fois répugnant et attachant.
La mise en scène est d'une beauté sombre, les plans sont soignés, les couleurs oppressantes, créant une atmosphère à la fois envoûtante et suffocante. L'oxymore d'une « liberté emprisonnante » pourrait résumer cette ambiance, où la servitude est paradoxalement érigée en norme.
Bref, c’est une série nécessaire, un avertissement poignant sur les dangers du fanatisme et de l'oppression. Elle nous confronte à nos propres peurs et interrogations, nous poussant à réfléchir sur la valeur de nos libertés. Cette saison est une promesse, un terreau fertile pour de futures explorations, tant les thèmes abordés sont riches et complexes.
La seconde saison de La Servante écarlate s'aventure plus profondément dans les méandres de la tyrannie patriarcale qui gangrène Gilead, révélant avec une acuité troublante que la phallocratie n'est pas l'apanage d'une seule confession. Loin de se limiter aux extrémismes islamistes, la série met en lumière les racines bibliques de l'oppression féminine, rappelant avec force le verset paulinien : « Femmes, soyez soumises à votre mari, comme au Seigneur » (Éphésiens 5:22).
L'ambivalence du personnage de Serena Joy Waterford atteint des sommets vertigineux. Yvonne Strahovski livre une performance magistrale, oscillant entre froideur calculatrice et vulnérabilité poignante, incarnant à la perfection les contradictions d'une femme à la fois victime et complice d'un système abject. Sa scène de danse dans le club clandestin, où elle exprime une rage rentrée, est un moment d'anthologie, capturant l'essence même de son conflit intérieur.
Néanmoins, cette saison souffre d'un rythme parfois soporifique, s'égarant dans des longueurs inutiles. Les circonvolutions narratives, bien que visant à approfondir la psychologie des personnages, finissent par diluer la tension dramatique. On déplore un manque de concision, une propension à l'étirement qui nuit à l'intensité de l'ensemble.
Bref, les derniers épisodes laissent entrevoir une suite potentiellement époustouflante. Les enjeux se complexifient, les alliances se fragilisent, et l'espoir d'une rébellion se ravive. On reste suspendu à la question : quand ces promesses se concrétiseront-elles ? L'attente, hélas, risque d'être longue.
La troisième saison de La Servante écarlate s'impose comme une œuvre d'une complexité narrative et thématique remarquable, explorant les méandres de l'oppression et les lueurs de résistance dans un Gilead dystopique.
L'atmosphère, d'une claustrophobie savamment orchestrée, plonge le spectateur dans un état de tension constant, rappelant que cette série est une étude implacable de l'étiolement de l'humanité. L'évolution du personnage de Joseph est un paradigme d'ambiguïté, oscillant entre ses idéaux politiques et ses relents de bonté, incarnant la lutte intérieure entre la raison d'État et la conscience morale.
Cette saison se distingue par sa richesse en action, dévoilant les prémices d'une résistance organisée contre le pouvoir phallocrate. Les séquences se déroulant en contrée canadienne sont particulièrement captivantes, offrant une perspective extérieure et un espoir ténu face à l'obscurantisme de Gilead.
Néanmoins, l'absence du personnage de Nick, figure emblématique des saisons précédentes, laisse un vide palpable. De même, le manque d'informations sur les colonies, lieux de relégation et de souffrance, suscite une frustration légitime.
Bref, malgré ces quelques lacunes, la saison 3 de « La Servante écarlate » demeure une œuvre puissante et nécessaire, invitant à une réflexion profonde sur les dangers de l'autoritarisme et la force de la résistance.
La quatrième saison de La Servante écarlate se risque dans des territoires narratifs complexes, où la résilience et la vengeance s'entrelacent dans un ballet macabre. L'insurrection grondante contre le pouvoir théocratique de Gilead, ourdie dans les recoins sombres de la rébellion, offre des moments d'une intensité dramatique soutenue. Les stratégies de subversion, les actes de résistance, les alliances précaires, tout concourt à créer une atmosphère de tension palpable.
Les intrigues ourdies depuis le Canada, terre d'exil et de refuge, ajoutent une dimension géopolitique à la série. Les jeux d'influence, les tractations diplomatiques, les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les personnages, tout cela est dépeint avec une finesse psychologique remarquable.
Le personnage de Serena Joy Waterford, interprété avec une maestria glaçante par YvonneStrahovski, est un véritable tour de force. Emprisonnée dans une spirale de victimisation et de manipulation, elle incarne à la perfection l'ambiguïté morale qui traverse la série. Son double jeu, ses alliances fluctuantes, ses moments de faiblesse et de cruauté, tout cela est dépeint avec une subtilité qui force l'admiration.
Le personnage de Joseph Lawrence, interprété avec une ambivalence savamment dosée par Bradley Whitford, vient renforcer cette complexité morale. Ses motivations restent obscures, ses actions impénétrables. On devine chez lui une forme d'affection pour June, mais ses méthodes sont souvent discutables, voire odieuses. Il est un personnage fascinant, qui échappe à toute catégorisation simpliste.
Néanmoins, il est indéniable qu'Elizabeth Moss, qui incarne June Osborne avec une intensité viscérale, semble avoir atteint les limites de son registre émotionnel. Son visage, si expressif dans les premières saisons, se fige parfois dans une grimace de douleur répétitive d’affliction. On regrette l'absence de nuances, la perte de cette subtilité qui faisait la force de son interprétation.
Bref, la quatrième saison de cette série est une œuvre ambitieuse, qui explore les thèmes de la résistance, de la vengeance et de la complexité morale avec une audace certaine. Malgré quelques réserves sur l'interprétation d'Elizabeth Moss, la série reste un incontournable pour les amateurs de drames dystopiques.
La cinquième saison de La Servante écarlate tente une myriade de rebondissements qui maintient le spectateur en haleine. La question épineuse des réfugiés, abordée frontalement, confère à la série une dimension politique et sociale d'une acuité remarquable. L'analogie du train pour Auschwitz, bien que risquée, souligne avec force la déshumanisation et la violence systémique qui caractérisent Gilead.
Le premier épisode, réalisé par Elizabeth Moss elle-même, témoigne d'une maîtrise technique et d'une vision artistique affirmée. Néanmoins, on regrette que la relation toxique entre Tante Lydia et Janine, qui promettait des développements captivants, connaisse un traitement anecdotique. L'ambiguïté de leurs liens, leur fascination mutuelle, méritaient une exploration plus approfondie.
Le personnage de Serena Joy Waterford, interprété avec un aplomb glaçant, s'affirme comme le plus captivant de la série. Son évolution, ses contradictions, sa capacité à naviguer dans les eaux troubles de la morale, en font un personnage d'une complexité fascinante.
June Osborne, quant à elle, devra faire preuve d'une abnégation hors du commun pour accoucher Serena. Cette situation, riche en symbolisme, met en lumière les liens inextricables qui unissent ces deux femmes, malgré leurs antagonismes. La question de la maternité, de la survie, de la rédemption, est au cœur de cet arc narratif poignant.
Créée
le 28 juil. 2024
Modifiée
il y a 3 jours
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