The Jinx est une mini-série documentaire réalisée par Andrew Jarecki. Et l’une des plus passionnantes (et troublantes) séries que vous verrez à la télévision cette année. Andrew Jarecki, ce nom vous dit peut-être quelque chose. Il était notamment le producteur de l’excellent documentaire Catfish (dont je vous parlais ici) mais aussi le réalisateur du film All Good Things, sorti directement en DVD chez nous sous le titre Love & Secrets. Je ne l’ai pas vu. Comme beaucoup de monde sans doute bien qu’il réunisse un casting alléchant dont Ryan Gosling, Kirsten Dunst, Frank Langella ou encore Kristen Wiig. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce long-métrage s’inspire de la vie de Robert Durst (David Marks dans le film). Et si je vous en parle, c’est parce que Robert Durst, admiratif d’All Good Things, est lui-même venu trouver le réalisateur pour lui proposer une interview, chose qu’il avait refusée à tous les journalistes du monde entier.
Si vous ne savez rien de plus sur l’affaire, il est préférable de regarder la série avant de lire ce qui suit, même si cela n’enlève rien à sa puissance. Pour définir un peu mieux le contexte (la série le fait très bien), il faut savoir que Robert Durst est un riche héritier soupçonné de plusieurs meutres. La série apparaît ainsi comme une enquête revenant sur l’étrange disparition de la femme de Durst, le meurtre de son amie Susan Berman ainsi que celui de son voisin, Morris Black. Dans la lignée de l’excellent documentaire The Thin Blue Line d’Erroll Morris, les premiers épisodes reviennent ainsi sur les nombreux éléments des enquêtes en cours, reconstitutions à l’appui. Précisons d’ailleurs que ces dernières sont très réussies, loin d’être kitsch comme c’est souvent le cas (on n’est pas dans Faites entrer l’accusée – même si la série en reprend quelque part la formule). Peu à peu, la série dresse aussi un portrait saisissant de Robert Durst (ainsi que de sa famille). Personnage incroyable, insaisissable, à la diction unique et d’un sang-froid à glacer le sang (des yeux noirs, comme éteints). Un homme sûr de lui, qui n’hésite pas à dire qu’on ne dit jamais vraiment toute la vérité. The Jinx, déjà, est une série formidable.
Mais ce qui la caractérise davantage, c’est bien entendu son final inouï. L’un des plus beaux climax que l’on puisse rêver à la télévision. Le truc rêvé par tous les documentaristes. Alors que l’équipe de la série parvient à dénicher une nouvelle preuve qui semble bel et bien accuser Robert Durst (une lettre anonyme où l’on retrouve la même faute d’orthographe : Beverley au lieu de Beverly), Andrew Jarecki veut une dernière fois confronter l’homme. Pour la première fois, Durst semble désemparé, ne répond pas lorsqu’on lui demande s’il a écrit cette lettre. Pour la première fois, on peut lire quelque chose dans son regard, comme s’il se rendait pour la première fois compte de son erreur. La série semble s’achever là-dessus, nous laissant malgré tout sur cette incertitude : est-il oui ou non le meurtrier ? La caméra continue pourtant de filmer la salle d’interview qui se vide petit à petit. Le son, lui, continue de capter celui qui émane du micro cravate de Robert Durst, parti aux toilettes. Ironiquement, il avait déjà fait la même erreur à la fin de l’épisode 4. Là encore, il ne s’en rend pas compte. Tout se joue alors en voix off. Et l’impensable arrive. Il avoue : « There it is. You’re caught. You’re right, of course. But you can’t imagine. Arrest him. I don’t know what’s in the house. Oh, I want this. What a disaster. He was right. I was wrong. And the burping. I’m having difficulty with the question. What the hell did I do? Killed them all, of course. »
Si l’on ressort bouche bée de The Jinx, la série soulève forcément de nombreuses questions, notamment éthiques. Ce qu’il faut savoir, c’est que Robert Durst a été arrêté la veille de la diffusion du dernier épisode. Une coïncidence qui suffit à semer le doute, à faire dire à certains que tout ceci a été monté de toutes pièces ou même que les créateurs auraient attendu le bon moment pour délivrer les nouvelles preuves accumulées. Jeracki s’est défendu en affirmant avoir livré chaque pièce plusieurs mois avant. La police a elle aussi certifié qu’il n’y avait aucune corrélation entre l’arrestation de Robert Durst et la diffusion du sixième et dernier épisode de The Jinx. Forcément, le doute subsistera toujours. Ce qui ne fait que rendre cette série d’autant plus unique.
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