Tout cela s'est terminé avec une telle puissance que je dois écrire quelque chose pour faire sortir ce qui sommeille en moi depuis 24h. Pour faire ma thérapie, mon deuil de The Leftovers jusqu'à la prochaine saison.
Donc, The Leftovers tient pour l'instant en une saison de 10 épisodes, et comme je l'ai déjà dit un peu partout sur les internets : les 5 premiers sont moyens, les 5 derniers sont tous des chefs-d'oeuvre. J'ai eu la chance de ne voir que ces 5 premiers épisodes avec mon frère, et j'ai vécu les 5 derniers seuls, ce que je vous conseille de faire. Il est toujours plus intéressant de se prendre une immense claque dans la gueule seul plutôt qu'avec quelqu'un d'autre à côté, surtout avec une série qui vient chercher la tristesse enfouie en vous depuis bien trop longtemps pour la faire ressortir dans une violence incontrôlable.
Bon. Dans The Leftovers, il n'y a qu'une chose qui compte vraiment : les personnages.
Les personnages parfaits de The Leftovers.
Waouh.
Justin Theroux, waouh. Non mais il n'y a pas d'autre mot, en fait. Christopher Eccleston, waouh. Carrie Coon, waouh. Tout le monde, du début à la fin, waouh. Même si les premiers épisodes sont plutôt ennuyeux, je suis tout de suite tombé amoureux des personnages. De TOUS les personnages. Je n'ai jamais vu des gens aussi tristes et aussi violents (et pas forcément physiquement, voire presque jamais physiquement), à chaque instant de leur vie depuis 3 ans. Mon frère disait dans les premiers épisodes que Kevin Garvey (Justin Theroux) n'était pas un personnage très intéressant parce qu'il était "tout le temps énervé". Mais, justement, The Leftovers est tout le temps atroce, sans respirations, et c'est cela qui la rend fabuleuse.
C'est une série qui construit beaucoup de choses, qui met du temps à se mettre en place, parce que la psychologie et les rapports de force des personnages sont complexes et inhabituels. On ne pouvait pas passer à l'émotion tout de suite, sinon on n'aurait rien compris, il fallait d'abord faire exister ce monde abandonné, perdu, désespéré, qui tente de survivre en permanence. Vous me direz, mais survivre face à quoi ? Il n'y a aucun zombie dans la rue, aucune épidémie mortelle dans les hôpitaux, encore moins de monstre affamé devant chaque porte. Il n'y a que des êtres humains qui essayent de se contenir, tout le temps, tout le temps, tout le temps, face à un événement qu'ils n'ont pas compris, qu'ils n'ont pas choisi. On ne sait pas vraiment s'ils ont encore de l'espoir, mais il leur reste en tout cas cette petite part de raison à laquelle ils s'accrochent pour ne pas sombrer dans la folie. Voilà, il faut survivre face à la folie. The Leftovers raconte l'histoire des hommes et des femmes qui ont tenté de ne pas sombrer dans la folie.
Cette folie qui plane en permanence dans l'atmosphère de Mapleton, et que tous les personnages vont toucher du doigt les uns après les autres, est à l'origine de la tension que l'on ressent dans toutes les actions de The Leftovers. L'ambiance est tendue lorsqu'un personnage conduit sa voiture, va faire ses courses, se balade en forêt ou choisit de rester assis sur son canapé toute l'après-midi. Tout est tendu, dès les premières secondes du premier épisode, et c'est là la force de The Leftovers : elle s'immisce en vous lentement, vous penserez même que c'est très moyen au début, et puis finalement, un jour, c'est le drame, vous vous retrouvez complètement absorbé dans la tornade d'émotions qui défile devant vous.
Et à partir de là, ça y est, tout explose. Quand vous vous rendez compte que la série que vous avez devant les yeux est une sorte de Black Mirror de notre monde, que ces personnages sont comme nous mais en plus instables, qu'ils ont les mêmes réactions que nous mais en plus extrêmes, qu'ils sont nous, mais un peu plus proche de ce puits sans fin qu'est le désespoir, où ils risquent de tomber n'importe quand, tout explose. Alors oui, vous mettrez du temps à vous en rendre compte, moi, il m'a fallu une moitié de saison entière pour le faire. Mais c'est normal, continuez, ce qui suit est tellement beau.
Comme disait Alexandre Hervaud, "Je sais plus à partir de quand mon manque quasi total d'intérêt pour The Leftovers a muté en pure fascination". Moi non plus. Mais c'est arrivé, et je n'ai rien pu y faire. Les personnages sont emplis d'une rage tellement forte, qui ne fait qu'augmenter, dans leurs ventres, à travers leurs yeux, qu'au début on ne le sentira pas, mais d'un coup, elle arrive sur nous. Oh, rien n'aura changé dans l'écran, mais pourtant tout aura changé en vous. Une fois rentré dans The Leftovers, vous ne pourrez plus en sortir.
Alors arrive l'épisode 6. Puis l'épisode 7... Le 8, on ne les lâche plus... Le 9, bon Dieu, le 9... Et, enfin, le dixième épisode de The Leftovers. Un déferlement de violence comme rarement vous avez pu en voir. Je dois vous avouer que j'ai pleuré, beaucoup, en fait j'ai pleuré 40 minutes pendant cet épisode, rien que ça. La puissance des personnages éclate un peu plus à chaque seconde, jusqu'au dernier plan, qui nous laisse seul, face au vide, face à soi-même. Waouh. C'était, waouh. Dans tous ces épisodes, une scène, une action, ou même juste un plan fixe, voire un regard d'un personnage, porte tellement de sens qu'il est impossible de rester de marbre. Les rapports de force, les idéaux qui animent les personnages, sont démultipliés : ce qui a mis autant de temps à se construire et à se faire comprendre est pendant ces 5 épisodes à une niveau d'intensité presque jamais égalé (je dis presque pour ceux qui ont vu des séries comme Six Feet Under, rassurez-vous, le dernier épisode de The Leftovers ne dépasse quand même pas la fin de Six Feet Under hein). J'ai appris tellement de choses en regardant The Leftovers et en vivant pendant 10 épisodes avec ses personnages incroyables. J'ai compris que c'était grâce à toutes les séries et tous les films que je regarde que je suis ce que je suis, et je suis fier d'être tout ça. The Leftovers a clairement apporté une pierre de plus à mon âme, j'y ai compris la puissance des sentiments, la solitude des hommes, et la beauté de la vie. Celle qu'on a laissé là, à l'abandon, mais qui essaie par tous les moyens d'exister encore.