Thèmes : Enquête / Historique / Chine / Action / Politique
Romance : 10 % / Bromance : 80 % / Paternalisme : 0% / Féminisme : 60 %
An 744, durant la dynastie Tang. A Chang'an, capitale de l'empire chinois, on s'apprête à célébrer la Fête des Lanternes. Le couvre-feu est levé pour cette soirée exceptionnelle, les portes principales de la ville seront ouvertes, les foules de tous rangs sociaux seront librement autorisés à se déplacer. Or, c'est au cour de cette journée que le Corps pour le maintien de la paix, sous l'égide du tout jeune Li Bi, ami proche du prince héritier, soupçonne que l'escouade des loups, un groupe criminel, pourrait avoir planifié une attaque de grande ampleur sur la ville. Afin de maintenir la sécurité et d'arrêter le groupe, il sort de prison un ancien soldat et policier, tombé en disgrâce et condamné à mort, Zhang Xiaojing. Ce dernier a été désigné comme étant le meilleur candidat pour cette tâche, par les archives...
The Longest Day in Chang'an était dans ma PAV depuis longtemps. Je m'en veux énormément de ne pas l'avoir regardé plus tôt. J'ai été soufflée par la qualité de la série et j'ai bien pris mon temps pour savourer chaque épisode.
L'histoire est adaptée d'un roman non traduit en France, bien sûr, de Ma Bo Yong (impliqué dans la série), Le jour le plus long de Chang'an (publié en 2016).
La série compte 48 épisodes, chacun d'environ 35 minutes. Soit au total, un peu plus de 24 h de course poursuite effrénée et de beauté. Si le concept de la série en temps réel fait irrémédiablement songer à 24, il n'y a pas tellement plus en commun : The Longest Day in Chang'an est autrement plus élaboré, de part son contexte historique, mais la série rend aussi le spectateur véritablement actif au cours du visionnage et présente énormément de ramifications et de fils emmêlés qui ne se dénoueront qu'au fil des épisodes (il faut bien être attentif car des intrigues et des personnages introduits dans un épisode ne vont avoir leur explication/complément que plus tard dans la série).
Elle nous permet de plonger, au cours de 48 épisodes palpitants, dans la ville de Chang'an (aujourd'hui Xi'an) et dans la vie de ses habitants. Le réalisateur, Cao Dun, originaire de Xi'an, a souhaité faire revivre pour 24 heures la ville sous la dynastie Tang, avec le maximum de détails historiques possibles. Techniquement, tout a été soigneusement reconstitué avec respect, réalisme et précision. Ici, le personnage principal, avant Zhang Xiaojing, c'est d'abord Chang'an et ses habitants. Et le travail a été titanesque. D'un point de vue visuel, tout est absolument remarquable : reconstitution de Chang'an (7 mois de travail), accessoires, maquillages, costumes, décors, photographie, lumière, tout est splendide. L'équipe a passé au peigne fin les peintures d'époque pour une reconstitution minutieuse du style, des coutumes, de l'architecture... Et on est très vite en totale immersion dans la ville, dans la société de l'époque et ses injustices, dans le quotidien du peuple de Chang'an, grâce au soin porté à l'ensemble de la production.
Le scénario donne la parole à de nombreux personnages, au fil de 48 épisodes qui filent comme le vent : de la prostituée amoureuse à la concubine de l'empereur, de l'artisan à l'ancien esclave, du soldat au fonctionnaire dévoué... C'était le souhait de Cao Dun, de mettre en lumière en premier lieu les habitants de la ville. Et il a réussit. Ça grouille de vie, ça bouillonne même, ça ne s'arrête jamais. Et j'ai beaucoup comment la série donne la parole aux petites gens, au fil de l'histoire.
La série bénéficie également d'une réalisation éblouissante, à l'image de ce brillant plan-séquence d'ouverture, jusqu'à la scène finale, sobre et magnifique... J'ai fait un second visionnage de certains épisodes et je me suis rendue compte qu'il n'y avait aucun dialogue, aucune scène de trop ou inutile. Tout est à sa place, précis et concis, pour aboutir à un tableau finale minutieux et flamboyant. L'OST est magnifique et chaque épisode se clôt sur une scène "bonus" astucieuse, souvent intrigante, qui apporte une info complémentaire, une interrogation ou vient tout simplement illustrer un moment du passé ou du futur de l'histoire.
Côté interprétation, Lei Jiayin, qui interprète Zhang Xiaojin, est tout bonnement spectaculaire. On le suit h-24 dans Chang'an, courir, sauter (l'acteur semble avoir effectué une très grande partie de ses cascades), se lancer à corps perdu dans une mission qui ne lui apportera rien à part une liberté de courte durée. Le comédien apporte un charisme et une aura infinis à son personnage, qui bouffe l'écran et qui peut être aussi rageur qu'il peut être doux. Zhang Xiaojing, tenace et dévoué à Chang'an, est, sous ses abords bruts, un être d'une extrême compassion, en décalage, qui suit son cœur dans une époque d'une extrême rigidité... Sa rugosité et son physique terreux contraste instantanément avec le côté racé et longiligne du personnage de Li Bi, au physique d'adolescent et malin comme un singe. Comme il contraste aussi avec l'élégance et le calme apparent de son alter égo négatif, Long Bo, interprété par Zhou Yiwei, lui aussi remarquable d'intensité et de charisme. Et un petit mot sur Jackson Lee, qui interprète le très malin Li Bi, et qui a le mérite d'exister face à son imposant partenaire...
Il n'y a que des acteurs formidables et des personnages intéressants ici, avec des arcs narratifs propres et passionnants. Certains sont admirables, d'autres troublants, lâches, détestables ou séduisants. Aucun n'est simple. Certains font forte impression, comme le capitaine Cui Qi, le chambellan Xu Bin, Tan Qi, Long Bo, Yu Chang ou Ge Lao. Ce dernier est interprété par l'acteur US Djimon Hounsou. Ge Lao, arrivé en tant qu'esclave à Chang'an, depuis affranchi, dirige désormais une grande partie des bas-fonds de la ville. Ce personnage symbolise parfaitement le côté cosmopolite de Chang'an, où se croisent des personnages de diverses origines, influences et religions. On le remarque également dans la richesse et la variété des costumes et des coiffures... Une phrase aussi sur le magnifique personnage de l'intendant He, absolument bouleversant...
Les personnages féminins sont moins nombreux, et les femmes ont moins de pouvoirs que les hommes, dans cette Chine du 8e siècle, mais elles sont cependant toutes fortes et déterminées. Je pense notamment à l'émouvante Tong'er, la jeune prostituée contrôlée par Ge Lao. Je pense aussi bien sûr à Tan Qi, la jeune servante de Li Bi, qui cherche une liberté qu'elle ne peut pas trouver avec son maître, et que la rencontre avec Zhang Xiaojing va faire chavirer. C'est clairement l'un des plus beaux personnages de la série, avec un arc narratif très riche... Il y a aussi Wen Ran, la jeune protégée de Zhang Xiaojing, qui cherche vengeance, et puis Yu Chang, la guerrière badass de la série, qui, dans sa relation à Long Bo, est touchante...
La série est également éminemment politique : l'empereur a chargé son fils aîné, le prince héritier, pour lequel il n'a que peu d'affection, de résoudre le problème de l'escouade des loups. Ce problème pourrait avoir de lourdes répercussions politiques si le Corps de maintien de la paix -mis en place par le jeune homme- venait à échouer dans sa mission... Car les loups ne sont pas que dans la rue et les allers-retours dans la maison du conseiller de droite, Lin Jiulang, favori de l'empereur et pourri jusqu'à la moelle, donne rapidement le ton : l'opération en cours sera tôt ou tard récupérée par les uns ou les autres à leur avantage... Et la série passe beaucoup de temps à nous faire comprendre toute la complexité des rapports qu'il peut y avoir entre les différents corps et rangs. On est dans une société où tout est affaire de niveau social, où les mérites s'achètent, où on est jugé en fonction du rang qu'on occupe. Comme dit ce cher conseiller de droite à un moment : il ne fait pas bon ne pas avoir d'ambition dans le Grand Tang... La vie sous la dynastie de l'époque est un jeu d'échecs grandeur nature. Tous les mouvements doivent être calculés en fonction des autres pièces. Toute action peut avoir des répercutions qu'il faut savoir anticiper. Le moindre détail peut précipiter l'ascension ou la chute d'une personne, comme un service à thé ébréché...
The Longest Day in Chang'an est d'une richesse folle ! Que ce soit visuellement, mais aussi historiquement. Et c'est passionnant : la reconstitution de Chang'an, le fourmillement des habitants, la modernité de cette ville du 8e siècle possédant des infrastructures admirables (le système de communication des tours de garde, la rapidité de la transmission des informations, la "base de données" des archives, sous la surveillance de Xu Bin, cerveau du Corps de maintien de la paix et âme progressiste...). On apprend beaucoup de choses sur la vie de l'époque, sur l'art, la culture (chants, danse, musique...). Autant qu'on se divertit. C'est bourré de détails et de renseignements sur les traditions de l'époque, sur les différents corps de défense (armée des Dragons, cavalerie de droite...). On est soufflé d'imaginer le travail qu'il y a eu derrière la série, du point de vue de la recherche historique... Et à travers l'histoire de chaque personnage rencontré, chaque "petite" histoire individuelle, nous comprenons les espoirs de certains, les ressentiments des autres. C'est à travers cette authenticité et ces récits successifs que l'on découvre Chang'an, et à travers Chang'an la Chine et son système n'offrant que peu de perspectives aux rangs inférieurs et ayant creusé un fossé qui sépare l'élite d'un peuple maltraité mais toujours plein d'espoir, souriant malgré tout... Le capitaine Cui dit à un moment que l'extérieur de la ville est bordé de "cadavres gelés" mais que la ville elle-même est si vivante : la liberté des gens est bridée, mais à l'intérieur, ils restent plein d'espoir...
Côté action, la série ne faiblit jamais, le rythme est soutenu jusqu'au bout, les scènes de combat et celles de poursuite sont juste prodigieusement filmées. Tout s'imbrique petit à petit comme un puzzle. Aucun personnage n'est véritablement bon ou mauvais. Ils ont chacun leur part d'ombre et de lumière, à l'image du très torturé Yao Runneng...
J'ai adoré tous ces personnages et cette immersion dans Chang'an. J'ai admiré l'humanité de Zhang Xiaojing, à la fois héros romantique et martyr. J'ai été émue par le fait qu'il voit la beauté dans toute chose, même bancale, quand les autres -Long Bo particulièrement- n'en perçoivent que la laideur. J'ai aimé le fait qu'il s'attache aux gens et pas à leur statut social. J'ai aimé qu'il n'ait que l'intention d'aider, sans rien demander en retour, particulièrement dans cette société où tout est affaire de crédits et de mérites. J'ai aimé ces liens qu'il a avec la ville et ses habitants, comme ceux qu'il noue avec Tan Qi (et qui procurent de délicieuses bulles de romance, entre deux comédiens qui partagent une lumineuse alchimie) ... Une série d'une qualité unique, palpitante, intelligente, fastueuse et émouvante, qui regorge de l'affection de ses créateurs pour leur ville et pour leurs semblables, sans naïveté aucune. Un tour de force.
*Voir page d'accueil pour plus d'explications : https://www.senscritique.com/liste/Kdramas_vus/2850094