"Magic ? It doesn't comes from talent, it comes from pain." "Please tell me someone has pointed out to you that magic doesn't comes from sunshine and iced cream. For any of us."
Critique d'ensemble, c'est à dire saisons 1 à 5 qui est actuellement en cours (et certainement la dernière). Je manquais gravement de recul lors de ma 1ère version donc "on prend les mêmes et on recommence". Je ne la réécris que parce qu'aucun membre à ma connaissance n'en a écrit comprenant les saison 4 et 5, et c'est fondamental parce que le virage est serré. La série se termine bientôt à mon avis donc ça sera sympa d'avoir un peu une vue d'ensemble. Cette critique ne contient aucun synopsis (ni spoiler évidemment) donc je ne rappelle pas le contexte, débrouillez-vous.
Ne vous y trompez pas à cause de tous ces critiques qui comparent The Magicians à Harry Potter+Narnia sous Xanax, ce n'est pas tout à fait seulement cela. The Magicians ressemble à de la fantasy, ça fait le bruit criard et de la fantasy, ça a presque l'odeur remplie d'espoir de la fantasy, ça contient les créatures et les boucles scénaristiques de la fantasy. Mais en bouche cela aura le goût cendreux et frustrant de l'absurde et du désespoir. Le contraste, là est tout l'intérêt.
La série ne porte pas le nom d'un lieu comme Narnia, ou du personnage "point of view" slash héros comme dans Harry Potter™. Les Magiciens. Le titre parle d'une catégorie de personne, d'une façon d'être au monde et de souffrir le monde. The Magicians feint de ressembler à un "coming of age" story sur de jeunes adultes apprenant à accepter l'horreur aléatoire que constitue la vie d'adulte ou au contraire à montrer comment ils se vautrent pathétiquement à cause de la magie en voulant y échapper...grâce à la magie. Mais plus on avance et plus on remarque que c'est en fait essentiellement un tableau nihiliste de la vie où les Hommes veulent devenir l'égal des dieux parce que les dits dieux, décevants, ne sont malgré leur amusement condescendant des humains, que des abrutis comme les autres et eux aussi soumis aux aléas du Destin. Ça vous rappelle pas quelque chose ? Non, bon...
Si vous regardez cette série au premier degré sans regarder à travers le décor, vous serez quasi certainement déçu ou blasé. Cela explique aussi le nombre de "critiques" qui ne dépassent pas la 1ère saison, voir les...4 premiers épisodes..... C'est un test, vraiment. Les personnages principaux sur le départ sont volontairement, je répète, VOLONTAIREMENT, des clichés de tout ce qu'on a pu voir comme personnage cliché dans des séries/films collégiaux américain pour ado ces 50 dernières années. Normal, vu que ce sont des archétypes de personnages : Le gay flamboyant indifférent à tout, l'impulsive guidée par la griserie, le nerd introverti et névrosé jusqu'à l'os, la bad-ass roublarde qui vient de la rue, le bad-boy solitaire, la surdouée coincée, la bimbo menaçante, le mentor impuissant, la salope sans âme, et d'autres tout aussi résumables en 3 mots. Eux-mêmes savent qu'ils sont stéréotypés, c'est dire. Je n'ai pas encore lu les livres dont la série est "inspirée" mais je sais que les showrunners s'en éloignent dès le milieu de saison 1, en continuant de piocher ce qu'ils veulent du matériaux original et en partant en freestyle complet à partir de la saison 3. Ils prennent ces personnages clichés et les manipulent, les montrent noyés dans leurs mécanismes de fuite/défense à la palette variée (oui la psychologie/santé mentale prend une part assez importante dans cette œuvre, en plus de la philosophie) et tournant en rond dans leurs névroses et luttant contre vanité de leurs actions, et c'est assez pathétique à regarder parfois. Mais aussi terriblement humain, et malheureusement, réaliste. Et on se surprend à s'attacher terriblement à eux par moments. Parce que c'est aussi parce qu'ils sont si archétypiques qu'on peut s'identifier à au moins quelque uns dans la poignée de personnages principaux.
C'est peut-être assez lourd ce que je suis en train de raconter ça donne pas forcément envie. Oh je pourrais aussi dire qu'il y a de grands moments de télévision, des moments d'espoir, des lignes de dialogues qui vous hanteront pour longtemps pour le meilleur comme pour le pire, des moments de stupidité collective consentie où la puissance de l'amour (ou du sexe) sauve tout le monde, où parfois ça chante comme ça pour le délire, des moments où vous ne serez plus étonnés de voir des personnages se disputer avec des animaux parlant ou une dose certaine d'humour grivois voire paillard qui ravirait les satyres eux-mêmes, des sous-entendus "meta" sur les cahiers des charges de la fantasy/series, et des sous-entendus sur la politique/culture américaine qui sont assez savoureux (d'ailleurs si vous aimez l'humour absurde de "conte de fée ruiné" un peu à la Shrek, vous êtes au bon endroit). Mais reste-on accroché à une série pour son optimisme, ou pour son contraste douloureux entre les moments d'horreur et les moments de gloire pure. Game of Thrones, pour ne citer que celle-là, nous l'a déjà tous prouvé. The Magicians, avec son propre budget cheap à mille lieues de là, tente de suivre cet esprit.
Note sans transition parce que je sais pas comment le placer : La série doit obligatoirement être regardée en VO désolée mais la VF c'est juste pas possible, un grande partie des dialogues tourne autour de la culture américaine et des jeux de mots et expressions intraduisibles (ou très gauchement) en français. Doublement désolée car les sous-titres français sont pas terribles sur la version DVD, mais bon. VO sous-titrée en anglais serait l'optimal.
Pour qui connaît la psychologie humaine, le genre de la tragédie et la mythologie grecque, la magie initiatique, ou les 3 à la fois, ou aucun, The Magicians vaut le coup d'oeil.
The Magicians est à propos de la faiblesse humaine (hubris) et sa tendance à l'autodestruction/sabotage.
The Magicians est à propos de la magie comme mécanisme de fuite de la réalité (addiction type drogue dure).
The Magicians est à propos de la magie comme l'incarnation métaphorique de la résilience ("it comes from pain").
The Magicians est à propos de la vanité et de l'absurdité du destin en dépit de nos plus honnêtes efforts pour faire ce qui nous semble juste.
The Magicians honore la tragédie traumatisante et la comédie décongestionnante. Et la mythologie greco-latine en général.
The Magicians est profondément nihiliste, grotesque, pathétique, absurde, cathartique, et délirant.
The Magicians a le mérite d'exister et c'est déjà pas mal.
Attention : Cette série a un potentiel de choc émotionnel conséquent chez les personnes sensibles. Si vous pouvez, ne la regardez pas tout seul ou assurez vous d'avoir quelqu'un dans votre entourage pour partager vos impressions à long terme. Je le dis parce que ce n'est pas une série connue donc imaginez si vous aviez du digérer les noces pourpres de Game of Thrones tout seul voilà c'est tout. Prenez soin de vous, et prenez pas tout trop au sérieux, ça inclut cet avertissement