Le temps. L'espace. Bollo.
Le premier épisode de The Mighty Boosh fut pour moi une sorte de choc métaphysique. J’y ai fait la connaissance de deux employés de zoo, Howard Moon (joué par Julian Barratt) et Vince Noir (joué par Noel Fielding, le génial Richmond de The IT Crowd). Le premier est un trentenaire plutôt banal quoique vainement ambitieux. Le second, plus jeune, soigne son look comme si sa vie en dépendait et nage dans l’optimisme. A priori, rien de nouveau sous le soleil : un duo looser/winner plutôt classique, pas de quoi hurler au génie. Sauf que quand Howard Moon, dès les premières minutes, se voit contraint par son boss d’affronter un kangourou en combat singulier, là ça devient intéressant. A partir de là, il s’agit de se débarrasser de tout sens commun.
Car la suite, je veux dire par là non seulement l’intégralité de la première saison, mais aussi des deux suivantes, est une pure folie en roue libre. En ce qui me concerne, il m’a fallu quatre ou cinq épisodes pour arrêter de vérifier constamment le fond de mon verre au cas où on y aurait versé une substance quelconque. C’en est presque décevant : à force d’avalanche d’absurde, l’esprit humain finit par s’y habituer. Très vite, le zoo cesse d’être le décor principal et nos personnages tendent à se retrouver dans divers endroits plus ou moins probables pour affronter des situations que la décence m’empêche d’énumérer. D’ailleurs, le zoo disparaît dès la saison deux pour laisser place à de nouveaux lieux principaux, prétextes à de nouvelles possibilités scénaristiques. Le tout, bien sûr, prend place dans des décors en carton qui contribuent grandement au charme de la série.
A l’origine, The Mighty Boosh est joué au théâtre et ça se sent. Hormis Howard Moon et Vince Noir, d’autres personnages sont présents de manière récurrente : Naboo, un shaman énigmatique défoncé en permanence, son gorille de compagnie du nom de Bollo (sûrement mon personnage préféré) et, enfin, Bob Fossil, patron de zoo incompétent et attardé. Noel Fielding et Julian Barratt jouent aussi toute une série de personnages secondaires fameux. Le premier campe notamment « The Hitcher », un cockney excentrique au pouce démesuré, mais aussi la Lune qui nous gratifie d’interventions hésitantes à partir de la seconde saison, ou encore une espèce de grosse tête rose à tentacules du nom de Tony Harrisson. Je ne peux pas non plus m’empêcher de signaler la présence au casting de Matt Berry et de Richard Ayoade, dont chaque apparition est un plaisir sans égal.
Multipliant les références à la culture pop, The Mighty Boosh perdrait beaucoup de sa saveur sans ses nombreuses chansons allumées. On s’y fait très vite : chaque épisode comprend au moins une chanson d’un niveau élevé sur l’échelle de l’épique, donnant à la série un petit côté comédie musicale déglinguée. De plus, elles ratissent larges : funk, pop, new-wave, glam rock, folk, psychédélique, ou que sais-je encore, c’est pas la variété qui manque. Préciser qu'il s'agit d'un show profondément britannique est à la fois crucial et inutile tellement ça se sent à des kilomètres. Quiconque n’est pas réceptif à l’humour absurde poussé à son paroxysme se contentera de hurler d’horreur dès les premières minutes et son cerveau rejettera ce qu’il refuse d’admettre. Les autres accueilleront avec joie cette formidable entreprise de lobotomisation globale devenue culte au Royaume-Uni.