The Neighbors
2.1
The Neighbors

Série Hulu (2014)

Cela fait maintenant 12 ans qu'est sorti The room, de loin le nanar le plus populaire du nouveau millénaire et qui n'a cessé de gagner en popularité au fil des années. Tout récemment, il y a eu The disaster artist, le livre de Greg Sestero sur les coulisses du film, que James Franco compte adapter au cinéma, et il y a aussi un documentaire en cours de préparation.
En dépit de ce qu'on en dit, The room n'est pas le meilleur nanar des années 2000 pour moi (je recommande fortement Kill for love dans le même genre), mais je trouve fascinant tout ce qu'il y a autour de ce film et de son réalisateur/scénariste/acteur/producteur Tommy Wiseau, un véritable phénomène que je ne me lasse jamais de voir en vidéo.
Mais malgré le "succès" de son long-métrage, que Wiseau entretient en continuant à se rendre à des projections où il prétend que son film était censé être comique dès le départ, il a dû être brisé par la façon dont a été reçue cette œuvre qu’il voulait bouleversante. Et en dépit de la demande du public, ça lui a pris du temps pour pouvoir passer à autre chose. Parmi ses projets, il y avait un film de vampires et une sitcom, The neighbors. Le premier trailer pour la série remonte à au moins 6 ans, il n’y a pas eu de nouvelles pendant longtemps, et soudain, en juillet 2014, Tommy met en ligne en teaser qui annonce une sortie en septembre !
Evidemment, aucune chaîne n’a voulu de sa série, et pendant un temps le premier épisode n’était visible que lors de projections spéciales au cinéma.
Et soudain, toujours sans prévenir, la série est apparue sur Hulu. Quatre épisodes d’un coup !
Il a encore fallu que je trouve comment contourner la restriction des vidéos d’Hulu, visibles uniquement aux USA ; je désespérais, mais voilà, j’ai enfin vu The neighbors !


Dès le générique de début, la série fait preuve d’une incompétence et d’un mauvais goût hilarant. Le carton-titre présente le nom de la série en néons bleus, sur un fond psychédélique bleu, avec au bas de l’image tous les personnages incrustés après avoir été filmés sur un fond vert, avec une qualité d'image baveuse, des mains coupées car elles sortaient du cadre avant l’incrustation, et la tête d’un des personnages qui passe soudainement devant le logo alors qu’elle était derrière.
Je suis obligé de mettre une image : http://i.huffpost.com/gen/2722986/images/o-THE-NEIGHBORS-facebook.jpg
Mais les problèmes techniques sont omniprésents dans la série, et tels qu’on n’en voit jamais ailleurs. Il y a de gros problèmes de mixage, le son baissant exagérément à chaque fois que quelqu’un tape dans les mains, ou alors juste inexplicablement au milieu d’une phrase. L’étalonnage est… catastrophique, il n’y a rien d’autre à dire.
Etant donné que des séquences ont été filmées avec plusieurs caméras, synchronisées en post-prod, lors du montage il y avait une piste vidéo au-dessus d’une autre ; or, il y a une scène où l’image de la piste vidéo du dessus a été décalée, ce qui fait que sur les bords du cadre, on voit la piste vidéo du dessous !
Cela laisse vraiment à penser que les épisodes n’ont pas été visionnés avant d’être envoyés sur internet. Même dans des web-séries amateures, je n’avais jamais vu ça.
Concernant le montage en lui-même, j’imagine que les techniciens n’ont pas eu tellement de choix, devant faire avec les rushes qu’ils avaient et avec les instructions d’un Tommy Wiseau borné. C’est ainsi que l’on peut voir une scène surréaliste où un personnage en mène deux autres à la porte de son bureau. Et soudain, suite à une coupe, les personnages qui se font chasser se retrouvent de nouveau dans le bureau, derrière l’autre, qui cette fois ne met que l’un des deux dehors. Etant donné qu’ils reproduisent la même action qu’avant qu’on ne les ait chassés, j’imagine qu’il s’agit de deux prises différentes pour la même scène, sauf que dans l’une, par erreur, les deux personnages sortent, alors qu’il était prévu que l’un reste dans le bureau.
Mais plutôt que de ne garder que la prise qui se finit comme il était convenu, Wiseau a dû vouloir garder les deux prises, peut-être parce qu’il avait aimé ce que les acteurs avaient improvisé. Et il s’est dit que ça passerait…


Ceux qui connaissent The room devraient retrouver leurs repères. Tommy Wiseau a toujours le même rire ridicule, et a gardé un sacré ego, malgré tout ce qui a pu lui arriver après son premier film.
Au moins une fois par épisode, les personnages masculins mentionnent leur boxer, de la marque "Tommy Wiseau", et durant le générique de fin, on peut lire que la série est "based on the novel by Tommy Wiseau"… mais de quoi il parle ?!
Tommy se donne aussi deux rôles, Charlie et Ricky Rick, que l’on distingue par leurs habits et leurs perruques différentes. L’un a une perruque brune, l’autre une perruque blonde. Lors des premiers teasers, beaucoup se sont demandés si c’était censé être les vrais cheveux des personnages, ou s'il était considéré que les personnages eux-mêmes portaient des perruques… et du coup, si Tommy jouait un ou deux personnages. Eh bien ce sont deux personnages différents ; tout doute disparaît quand survient une scène où ils sont présents tous les deux (une scène incroyablement mal foutue, évidemment).
Charlie est le propriétaire de l’immeuble où tout se passe (mais absolument tout, on n’en sort jamais), et Ricky Rick est un… type avec un gilet de lycéen, qui a 5 ans d’âge mental. Je ne sais pas quel âge il doit avoir, mais si Tommy veut nous faire accepter par un simple changement de perruque qu’il incarne deux personnages distincts, ça ne m’étonnerait pas qu’il veuille que Ricky Rick ait seulement une vingtaine d’années.
Tommy s’embrouille à un moment en confondant ses deux rôles : Charlie a pour catchphrase "What a day !", ce sont trois mots qu’il dit plusieurs fois par épisode, on sent qu'il a voulu imposer ça comme étant la nouvelle phrase culte que les fans doivent retenir, mais il l’emploie tellement souvent que ces mots perdent tout leur sens. Ça doit être devenu un réflexe pour lui, "What a day ! What a day !", parce qu’il y a une scène où Ricky Rick le dit, l’air de rien. En tout cas, les deux ont pour point commun qu’ils marmonnent et butent fréquemment sur des mots ; sur le tournage de The room, il y avait encore des gens pour pousser Tommy à refaire ses prises, là il faut croire que non.


On reconnaît un auteur à ses thèmes récurrents, au fait que son identité transparaisse à travers son film. Tommy Wiseau est indéniablement un auteur ; on reconnaît bien dans The neighbors son incompréhension de la vraie vie.
Charlie est censé être le propriétaire de l’immeuble, et travaille, accompagné d’une secrétaire, dans un bureau où les résidents ne cessent de venir le voir à longueur de journée (what a day, what a day !) pour se plaindre des autres.
Il y a un épisode où, en son absence, deux locataires réécrivent sur leurs contrats pour changer le loyer qu’ils ont à payer… comme si le propriétaire ne verrait pas qu’on lui verse une plus petite somme qu’avant…
Le plus surprenant, c’est quand on nous annonce l’arrivée d’une princesse britannique dans l’immeuble. Je ne comprends absolument pas, pourquoi une princesse vient là, sans escorte, et se laisse toucher le cul par un des résidents ?
Dans quel monde vit Tommy Wiseau ? Pas le nôtre en tout cas !
Et si dans The room, certaines scènes faisaient penser à un téléfilm érotique, dans The neighbors, il y a tellement de scènes qui font penser au début d’un porno ! Il y a cette bimbo qui se ballade tout le temps dans un bikini trop petit pour elle, il y a cette scène où un homme musclé se fait draguer alors qu’il vient réparer une machine à laver, et cette autre scène encore où un livreur de pizza arrive à l’appartement de deux jeunes femmes en sous-vêtements réticentes à payer !
Et juste après son départ, le livreur s’exclame "It’s hot in here", il retire son t-shirt dans le couloir de l’immeuble… dévoilant alors le haut de son boxer Tommy Wiseau !
On croirait vraiment voir des épisodes de la série PG porn ("For people who like everything about porn, except the sex").
De plus, après avoir vu les deux bimbos, le livreur de pizza décide d’emménager. Il signe un papier, sans même voir dans quel appartement il habitera, et voilà. En revanche, on ne le voit pas dans les épisodes suivants…


C’est tellement n’importe quoi ce qu’il se passe que pendant un temps, je n’ai même pas fait attention au jeu des acteurs, aussi mauvais soit-il. Il y en a un, insupportable, qui joue mal même quand il nettoie simplement le sol. Il n’y a qu’une actrice correcte dans le lot, je la plains un peu.
J'ai une pensée pour ces acteurs, me demandant combien d'entre eux jouent dans The neighbors en pensant que ça va être un tremplin pour leur carrière...
Il y a beaucoup d’improvisation dans cette série, et même si il y a quelques moments où les acteurs ne savent pas quoi dire, ils se sentent forcés de maintenir un certain rythme, ce qui les pousse souvent à faire et dire n’importe quoi (et encore plus souvent à gueuler), ce qui donne forcément des scènes dénuées de sens et des dialogues chaotiques.
Probablement parce qu’elles n’ont pas été écrites, il y a des scènes qui ne servent à rien, or leur inutilité est soulignée par le fait qu’elles soient séparées des autres par un plan de transition. Il s’agit toujours du même exact plan de l’immeuble, automatiquement placé entre deux séquences, avec toujours la même musique électro insupportable. C’est d’autant plus idiot qu’on ne change jamais de lieu, on reste immanquablement dans l’immeuble.


Voir The neighbors était éprouvant. Au bout de 3 épisodes, j’avais déjà mal au crâne. Mais la souffrance était contrebalancée par quelques passages à hurler de rire… qui ne correspondent bien sûr pas aux passages que Tommy veut drôles. Les gags de The neighbors, au mieux, ne sont pas drôles, et au pire consistent en des gens qui se gueulent dessus.
Mais évidemment, je suis content d’avoir été témoin de ça. C’est du Tommy Wiseau après tout, et ce n’est pas rien.


EDIT 30/05/2015 : Les épisodes 5 et 6 ont été mis sur Hulu il y a quelques jours. Chose amusante, dans l'annonce sur Facebook, il y avait une référence à la réplique "What a lovely day", de Mad Max Fury road, qui à la base m'avait fait penser à The neighbors justement. La boucle est bouclée.


La série reste fidèle à elle-même. C'est le chaos complet, on dirait que 90% de ce qu'il se passe est improvisé. Par contre, une nouveauté notable, c'est que Tommy semble avoir découvert la magie des... bruitages ! Du coup, il en abuse, réutilisant les mêmes gags sonores, avec des bruits de cartoons. Et désormais, les paroles du personnage black qui bégaie sont accompagnés d'un claquement de langue incessant, qui évoque beaucoup le petit Ethernopien de South park.
Autre détail hallucinant dans l'épisode 5 : Tommy qui lève son t-shirt, sur des abdos qui ont été incrustés en post-prod ! Je ne sais absolument pas si c'est censé être un gag ou si Tommy pensait vraiment que ce trucage marcherait.
La particularité de l'épisode 6, c'est que tout le monde parle de "triple vanilla sex", un terme apparemment inventé par Tommy, et qu'il nous impose comme s'il essayait d'introduire dans notre monde une nouvelle pratique sexuelle. Alors qu'en fait, je crois que ça consiste juste à s'étaler de la glace à la vanille sur le corps...

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le 13 avr. 2015

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Wykydtron IV

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