Espion brouillon
Série quelque peu divertissante mais l'accumulation d'incohérences la rend vite très indigeste. Les protagonistes et situations sont peu crédibles, ce qui est la base pour une série d'espionnage,...
le 2 janv. 2023
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Saison 1 :
L’espionnage est (à nouveau) à la mode, et, guerre « tiède » avec la Russie oblige, les séries TV consacrées aux jeux d’espions entre les occidentaux et les Russes se multiplient. Alors que la concurrence entre les plateformes est rude, et qu’il s’agit de trouver sa place entre ces deux extrêmes que sont depuis des décennies les « jamesbonderies » spectaculaires (la dernière saison de Jack Ryan, sous testostérone Michael Bay, sur Prime) et les complots machiavéliques à la John Le Carré (Slow Horses, avec l’humour en plus, sur Apple TV+…), les showrunners doivent désormais se creuser les méninges.
L’idée (géniale ? ça reste à voir…) d’Alexi Hawley, showrunner de The Recruit, la toute dernière série d’espionnage sur Netflix, c’est le mélange de genre « à la coréenne » : un quart de critique « politique » (la CIA, ses habituelles pratiques douteuses, sa bureaucratie kafkaïenne), un quart de comédie cynique (les luttes minables entre collègues de travail pour s’assurer une promotion, ou… éviter d’être licencié !), un quart rom com (ils ont rompus depuis longtemps, ils sont colocataires et toujours amoureux d’un de l’autre), un quart jeux mentaux (l’intelligence triomphe sur l’expérience et la force, c’est l’argument-clé de la série), et un quart violence brutale. Ça fait cinq quarts ? Oui, peut-être, et c’est bien le problème de The Recruit, d’avoir voulu trop en faire, trop en mettre, de faire valser le téléspectateur trop vite entre des idées et des émotions très différentes : stimulant, mais fatigant. Et parfois même irritant !
Car dans cette histoire trépidante d’un jeune avocat, qui adore se mettre en permanence dans des situations de risque extrême et a rejoint la CIA, on aurait bien sabré la comédie romantique, qui nous vaut les pires moments de la série, ceux qui non seulement écœurent par leur stéréotypes, mais mettent même en péril la mécanique pourtant efficace du scénario : lors que Hannah (la colocataire amoureuse) et Terence (le cliché homo noir et cool) se pointent à Genève en plein milieu des scènes de tension intenses de la dernière partie de la saison, on se demande vraiment à quoi pensent les scénaristes pour conjuguer ainsi invraisemblance et inefficacité…
Dès son arrivée à Langley, Owen Hendricks, jeune avocat tête brûlée, a la chance (?) de tomber sur le dossier brûlant de menaces proférées contre l’agence par une ex-asset en Biélorussie, Max Meladze : en essayant de protéger la CIA, Owen va ouvrir la boîte de Pandore et déclencher une réaction en chaîne de violence et de manipulations, il faut l’avouer, parfaitement réjouissante. Pour donner vie à un personnage complexe et improbable comme celui d’Owen, le tout jeune Noah Centino a fort à faire, et ne mène pas toujours sa barque d’une main sûre, ce qui ajoute finalement de la crédibilité à son personnage. Et la série peut compter, même lorsque le talent de Centino vacille, sur une remarquable Laura Haddock, à qui l’on donne enfin un vrai rôle après les bêtises de Transformers ou des Gardiens de la Galaxie, et qui incarne une assez extraordinaire espionne prête à tout pour récupérer sa vie. Et sur une pléthore de seconds rôles bien écrits, bien caractérisés, qui permettent à The Recruit de bénéficier d’un univers riche et crédible.
Il reste qu’on aurait aimé que l’histoire se boucle à la fin de ces 8 épisodes d’une heure, au lieu de nous abandonner sur une scène coup de poing et un cliffhanger douloureux. Le retour des mauvaises habitudes de la série TV qui veut absolument hameçonner ses clients ?
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/12/30/netflix-the-recruit-qui-trop-embrasse/
Saison 2 :
Le hasard, malicieux pour le coup, a voulu que Netflix mette en ligne à peu près au même moment la seconde saison de deux séries « d’espionnage » présentant bien des points communs, The Night Agent et The Recuit. Des secondes saisons que nous avons, dans les deux cas, attendues plus que l’année « rituelle » séparant les diffusions « normales », et qui présentent non seulement des sujets similaires, mais souffrent également des mêmes gros, gros défauts !
On s’explique : le jeune agent inexpérimenté travaillant pour une organisation de « Black Ops » et réalisant des missions inavouables pour le gouvernement US de The Night Agent est ici remplacé par un jeune « avocat » inexpérimenté travaillant pour la CIA. Mieux, ou pire, les deux saisons racontent les conséquences d’un fiasco obligeant le « héros » à devenir « rogue », comme on dit désormais, pour essayer de sauver son organisation. A partir de là, dans les deux cas, il y a une accumulation absolument invraisemblable de voyages instantanés à travers le monde, de rebondissements absurdes, de situations impossibles desquelles les héros se sortent miraculeusement, de scènes d’action correctement réalisées mais excessives, etc.
Seule originalité – si l’on veut – de The Recruit, c’est que la Corée du Sud en est l’un des principaux décors, qu’il y a donc des personnages coréens qui nous changent du tout venant de la série US, et que l’on peut donc voir ça comme une reconnaissance de l’importance du Pays du Matin Calme dans le paysage audiovisuel (cinéma et séries TV) mondial.
Il serait donc assez facile pour nous de « critiquer » The Recruit, il suffirait de faire un copié-collé de nos commentaires sur The Night Agent, et le tour serait joué (… même si une différence notable entre les deux est que The Recruit essaie d’être drôle, lui… sans trop y réussir cette fois-ci !). Risquons-nous plutôt dans une réflexion un peu « méta » sur ce que cette seconde saison nous raconte : d’abord, que les agences de renseignements travaillent avant tout pour se sauver elles-mêmes des conséquences des erreurs qu’elles ont commises, des mauvaises décisions qu’elles ont prises, sans aucune réelle préoccupation pour l’intérêt national. Ensuite, qu’elles sont peuplées de gens pas très compétents qui passent surtout leur temps à grenouiller pour assurer leur évolution hiérarchique. Enfin, que l’argent (du contribuable) n’est jamais un problème, et qu’on peut toujours trouver quelques millions de dollars pour acheter la collaboration d’un agent ennemi ou d’un truand pourtant absolument pas recommandable…
… Au point que cet esprit satirique, voire ce cynisme, devient extrêmement gênant dans le contexte de ce qui se passe actuellement aux USA. Espérons que Trump ne tombera pas sur cette série, il n’y trouverait que de bonnes raisons d’envoyer Musk virer tout ce joli monde et « économiser » des milliards de dollars !
[Critique écrite en 2025]
https://www.benzinemag.net/2025/03/01/netflix-the-recruit-saison-2-dans-lair-du-temps/
Créée
le 30 déc. 2022
Modifiée
il y a 5 jours
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