Bad boys bad boys, whatcha gonna do when they come for you
Bienvenue à Farmington, le quartier le plus difficile de Los Angeles. Un commissariat pilote est mis en place pour lutter contre la criminalité galopante des environs, l'une de ses arme principale est la "Strike Team", unité de quatre policiers en permanence au contact de la rue pour s'attaquer aux gangs. C'est à cette Strike Team que la série s'intéresse principalement, quatre policiers aux méthodes efficaces mais brutales et qui sont soupçonnés, à raison, de corruption.
Immédiatement la série met les choses au clair, le Los Angeles dépeint ici n'est pas celui des stars et des paillettes, c'est celui de la rue, de la misère et de la violence. Le show utilise une caméra typée reportage pour asseoir son ambiance: Violence sèche montrée plein cadre, mouvements à l'épaule et zooms violents sont accompagnés par un montage percutant créant un sentiment d'urgence permanent. Car l'urgence est le moteur narratif principal de The Shield. La Strike Team doit sans arrêt composer entre ses enquêtes sur le fil du rasoir et ses propres problèmes liés à ses magouilles, plus ou moins graves.
Le choix de centrer le récit sur les ripoux de service était périlleux mais la série s'appuie sur des personnages très travaillés et impeccablement incarnés. Vic, le leader charismatique, Shane, le Chien fou influençable, Lem, la conscience torturée du groupe et Ronnie, le suiveur taciturne.
Quatre personnages qui vont se propulser dans un ouragan d'emmerdes où les solutions sont souvent encore pires que les problèmes.
Mais le commissariat est peuplé par d'autres personnages tout aussi attachant et fouillés, surtout le tandem Dutch/Claudette. Lui est un type très intelligent et un enquêteur d'exception mais il a des problèmes relationnels, elle est la droiture même, entêtée et honnête jusqu'au bout des ongles elle n'accepte aucune compromissions quitte à y perdre des plumes. Un duo vraiment fort dont la trajectoire va heurter celle de la Strike Team à plusieurs reprises pour le meilleur ou pour le pire.
Tout ce beau monde est sous les ordres de David Acaveda, un capitaine de police ambitieux et magouilleur qui n'a jamais connu la rue et qui cherche surtout une place à la mairie. Là encore son destin sera lié de manière étroite à celui de la Strike Team, entre coopération forcée et haine véritable.
Le casting est simplement fabuleux tant les acteurs sont impliqués dans leurs rôles.
L'astuce c'est que l'on ne peut s'empêcher d'être du côté de la Strike Team, la série maintient sans cesse une ambiguïté sur eux. Ils sont corrompus mais ils ne sont pas de mauvais flics pour autant, ils croient fermement à certaines valeurs fortes telle que l'amitié et surtout la famille.
La famille est au centre de The Shield, la vraie (celle de Vic surtout) mais aussi celle de façade (la police) et celle que l'on choisit (la Strike Team fonctionne comme une véritable fratrie). La famille est la valeur centrale à laquelle les personnages se raccrochent. Cette famille que l'on protège coûte que coûte, cette famille qui nous sert d'excuses, cette famille qui nous ressource.
De plus de part leur travail et les risques qu'ils prennent le choses se montent parfois toute seule contre eux alors qu'ils aimeraient se ranger, sont-ils corrompus par nature ou bien est-ce la loi de la rue qui les pousse à être ainsi ? Là encore la série garde toujours un doute sur la réponse.
Si la série commence comme un jeu du chat et de la souris (Vic court après les gangs et les supérieurs de Vic courent après la Strike Team) où l'enjeu principal est de savoir quel plan tordu va pouvoir sortir tout ce beau monde de la merde, elle évolue assez vite vers le registre de la tragédie pure.
Comme toute grande série The Shield s'appuie grandement sur ses auteurs et ceux-ci n'y vont pas de main morte. Outre les rebondissements retors et imprévisibles des enquêtes ils tissent en filigrane les ramifications d'une descente aux enfers aussi douloureuse qu'inexorable. Certains événements d'apparence anodins pourront avoir des conséquences dramatiques par la suite. Une chute dans les limbes de la morale où notre capacité à discerner le bien du mal sera mise à rude épreuve.
Il en ressort une oeuvre d'une noirceur et d'une densité rarement atteinte. Le plus agréable est que cette vaste entreprise jouit d'une cohérence tout à fait remarquable, ainsi certains événements du pilote auront des conséquences dans le dernier épisode de la série.
88 épisodes dont on sort meurtri, bouleversé, un peu hagard mais aussi content tant ressentir de telles choses n'arrive pas souvent. Qu'on se le dise The Shield est une pierre angulaire du genre policier tout support confondu, une oeuvre audiovisuelle incontournable.