Huit ans. Huit années que le père Guillermo del Toro voulait faire cette série. Une éternité pour un réalisateur de son statut. Mais non, on aura dû attendre près d’une décennie pour voir The Strain sur notre petit écran. Alors on ne va pas bouder notre plaisir et on va parler de The Strain, la nouvelle série horrifique de FX qui ne fait pas tant parler que ça sous nos latitudes.
Mais avant toute chose, petit rappel historique. Comme je le disais en introduction, cela fait maintenant huit ans que Guillermo del Toro essaye de monter cette série, ou plutôt voilà maintenant huit ans que la FOX lui a refusé cette série. Pourquoi ? Parce que les pontes de la FOX demandèrent à Guillermo d’en faire une comédie. Des génies. On rappellera que deux ans plus tard ils produiront FRINGE. Plutôt que de ranger son projet dans un tiroir, on conseilla à Guillermo del Toro d’étendre le concept par une série de livres. C’est donc en travaillant main dans la main avec Chuck Hogan que naquit la trilogie littéraire « The Strain » qui permit au réalisateur du Labyrinthe de Pan de porter son projet de série, toujours sous le giron de la FOX. Beaucoup de temps perdu pour rien donc.
Et si j’ai évoqué FRINGE précédemment c’est parce que les deux séries commencent exactement de la même façon. Un avion qui se pose à JFK, un phénomène inexpliqué coupant tout contact avec les passagers de l’appareil, des experts envoyés sur les lieux pour enquêter. Alors qu’en 2008 on pensait à un simple clin d’œil pour les fans de LOST (les deux séries ayant le même créateur), aujourd’hui le rapprochement avec le projet de Guillermo del Toro est ma foi particulièrement troublant. Mais les comparaisons s’arrêtent ici puisque là où FRINGE s’aventurait dans la SF, The Strain est une pure série horrifico-fantastique. On y suit l’équipe du Dr. Eph’ Goodweather, éminent épidémiologiste du CDC (Centre de Contrôle des Maladies) de New York, interprété par un Corey Stoll qui a retrouvé des cheveux depuis House of Cards. L’équipe du CDC va donc faire face à un virus inconnu aux propriétés terrifiantes qui va les propulser au milieu d’une histoire occulte aux ramifications bien plus étendues qu’ils le supposaient.
Je ne veux pas faire ma chochotte ou mon complotiste, mais entre The Strain, Helix ou The Last Ship, ça fait quand même beaucoup d’histoires sur les virus à l’heure où Ebola ravage l’Afrique noire… Je veux bien que la menace biologique soit aujourd’hui le sujet de prédilection d’Hollywood, mais autant de séries qui parlent du même sujet (chacune à leur manière bien sûr), c’est assez flippant.
L’une des premières choses à noter sur The Strain, c’est son casting. C’est du lourd. Vraiment. Peu importe le rôle, vous les avez déjà vu quelque part : House of Cards, Le Seigneur des Anneaux, Jumanji, 24 heures chrono, Inglourius Basterds, Game of Thrones, LOST… Je pense sans trop me mouiller que The Strain a déjà remporté le prix du meilleur casting pour une nouvelle série cette saison, et ce n’est pas la pauvre Halle Berry avec son gosse chelou qui me dira le contraire. Ensuite il faut saluer l’excellent pilote réalisé par Guillermo himself, et ça se voit ! Encore sous l’influence de Pacific Rim, le pilote de The Strain est un concentré de jaune et d’orange qui claquent à l’image, un sens de l’esthétisme parfait qui attire le regard lorsque l’intrigue se veut des plus repoussantes. Malheureusement cette charte graphique se ternit sensiblement au fil des épisodes, et c’est regrettable car ça marquait une vraie touche visuelle à une série qui est bien plus qu’une énième série épidémiologique.
En revanche, s’il y a bien une chose qui n’a pas décliné après le pilote de Del Toro, c’est bien la production design ! Bon sang que les prothèses sont bien faites ! C’est simple : cette série est DEGUEULASSE ! Mais dans le bon sens du terme évidemment, dans le sens où les fans de gore vont prendre un pied fou à chaque séquence horrifique. La série ne surfe pas que dans le cradingue à la Walking Dead ; de par sa thématique, elle explore un gore fantastique assez géniale, qu’on retrouverait par exemple dans un The Thing. Et ça fait partie de la volonté de Guillermo del Toro de traiter son histoire de la manière la plus « scientifique » possible, de faire avancer son histoire de manière procédurière, pour apporter une approche originale et contemporaine d’un mythe ancestral.
Car évidemment, lorsqu’on évoque The Strain, on parle des bouquins comme d’une trilogie vampirique. Et effectivement, dans les faits on peut rapprocher The Strain du mythe du vampire, même si j’aurais tendance à faire une filiation plus vraisemblable avec les Plagas de Resident Evil 4. Et dans les faits, on s’en fout. The Strain n’est pas là pour être un Twilight pour Geeks. The Strain est un projet de Guillermo del Toro, ce qui veut dire que le mec veut jouer avec des monstres, parce qu’il les aime, parce qu’ils lui permettent de mieux parler de nous, et que c’est hyper fendard. Tout simplement !
Et le fait est que ça marche plutôt bien. Même si certains arcs sont jusqu’ici totalement hors de propos, l’histoire principale avance à un bon rythme et nous met vraiment dans l’attente du prochain épisode ! Pour l’instant j’émettrais probablement un léger bémol sur le manque de charisme des personnages principaux. Même s’ils sont interprétés avec talent, le parti pris de faire avancer l’intrigue par des personnages d’apparence lambda a de quoi déstabiliser. On râle souvent sur les sempiternels ex-militaires, mais en treize épisodes c’est assez difficile de faire vraiment évoluer un chercheur en instance de divorce à un tueur de streums. Mais le fait est que jusqu’ici, on y croit, donc c’est que ça fonctionne quand même. Et puis avec la B.O de Ramin Djawadi (déjà à l’œuvre sur Pacific Rim) de toute façon on ne peut qu’être dedans !
The Strain a l’intelligence de mêler le fantastique à une réalité bien pragmatique et tout aussi terrifiante, sans surenchérir dans les explications pseudo scientifiques ni virer dans l’invraisemblance totale. Entre conte occulte, théorie du complot et terreur virale, le nouveau bébé de Guillermo del Toro s’avance vers nous avec de très jolis atouts. Déjà renouvelée pour une nouvelle saison de treize épisodes, on risque de frissonner encore quelques temps sur FX !