Flamands gris

Cette série est très immersive. Elle débute pourtant un peu lentement, de manière assez laborieuse car la tâche est relativement fastidieuse ; il s'agit de poser le cadre d'une affaire jugée aux assises où l'accusée comparaît pour deux crimes très distincts et qui n'ont pas de très grands rapports entre eux de prime abord, avec leurs différents protagonistes (l'accusée, les différents témoins et parties civiles plus leurs avocats, les enquêteurs et les magistrats) ainsi que les 12 membres du jury citoyen, dont la moitié environ constitueront des personnages principaux (avec donc leur entourage propre). Il y a donc pléthore de personnages et de contextes et la mise en place prend un peu du temps.

Toutefois, passés les deux premiers épisodes, j'avoue m'être laissé totalement prendre au jeu. La réalisation est très singulière, les plans qui privilégient la mise en valeur d'architectures modernes, un peu froides, qui parfois écrasent les personnages, apportent une certaine étrangeté. La trame narrative est comme une série de petites ponctuations qui sont autant de fausses pistes sur chaque personnage (celui ou celle qu'on croyait hautain, garce, sympathique, pathétique, dévoyé... ne le sont pas tant que ça), et ça vaut autant pour les protagonistes des crimes jugés que pour les membres du jury. La langue flamande, qui sonne un peu (à mon goût) comme un rouage mécanique, accentue le côté froid et incertain des choses. Les acteurs sont plutôt très bons (il y a quasi 2 sosies dans la distribution ; un de Jacques Vergès et un de Marine Le Pen, c'est assez troublant car les personnages qu'ils incarnent sont très différents des "originaux")

Cette technicité pointue dans la façon de raconter l'histoire est très prenante. C'est particulièrement vrai pour les affaires criminelles qui sont dévoilées progressivement sous l'angle des diverses personnes appelées à témoigner à un titre ou un autre, avec à chaque fois la mise en scène à l'écran de non-dits de chaque version qui donne le sentiment que la vérité se dérobe sans cesse. Ce qui se traduit dans l'épisode final où le jury doit délibérer, où les avis divergent, divergences accentuées par le vécu des principaux membres du jury qui nous ont été présentés tout au long.

La fin m'a néanmoins laissé un gout un peu amer. C'est peut-être le prix d'une justice d'intime conviction. Et puis la mécanique de la série, pour addictive qu'elle soit, laisse de grandes zones d'ombre. Rétrospectivement, j'ai l'impression que c'est l'absence de version de l'accusée (en tant que telle, elle ne témoigne pas) qui est le plus gros manque de l'histoire. Difficile en effet d'apprécier la totalité de ce qui nous est montré pour se faire sa propre conviction puisque rien de ce qui concerne les faits et gestes de l'accusée ne nous est réellement donné à voir.