[The Walking Dead Saison 1] Bâtard sensible
AMC ose. Le temps, la contemplation, l'intelligence et les paradis artificiels. La chaîne mise et risque ses deniers sur des chevaux qui, dans l'univers de la télévision, partent avec de lourds handicaps. Mais il se trouve qu'elle rafle les critiques et s'assure par-là même une base solide d'amateurs éclairés. Aussi, quand il s'agit d'adapter The Walking Dead - LA bande dessinée du moment - ne se contente-t-elle pas d'un paresseux copier-coller. Jusqu'au bout, elle innove. L'idée est louable. Hélas, le vieil adage ne ment pas toujours : c'est bien la route des Enfers que pavent les bonnes intentions...
Halloween 2010. Sur les écrans de millions de spectateurs américains, une fillette de neuf ans se fait exécuter d'une balle dans la tête. L'image choque, et même si l'alibi moral est là –la zombification avérée – elle n'en reste pas moins forte, donnant d'entrée de jeu le ton : The Walking Dead ira plus loin dans l'horreur que n'importe quel show diffusé sur une chaîne grand public.
Le geek averti n'en attendait pas moins tant Robert Kirkman ponctue son œuvre de pépites d'irrévérence comme autant de pieds de nez à la bienséance. Cependant, média télévisuel oblige, rien n'était gagné quant aux largesses dont auraient eu à bénéficier l'équipe de Frank Darabont. L'essai, de ce point de vu, est transformé. Et il n'est que le premier d'une longue série jonchant un pilote de qualité, où sans arrêt plane l'ombre d'un Darabont formé à l'école de Stephen King : lenteur d'une réalisation entièrement au service du développement psychologique, soin tout particulier apporté à la mise en place du cadre – Atlanta dévastée, oppressante au possible – de l'histoire et de l'ambiance. Le tout desservi par un emballage de qualité, de la musique aux maquillages des zombies, divins.
C'est bien autre part que le bât blesse. Six épisodes, pour une saison, c'est peu. D'autant que le comic fait partie de ces œuvres fleuves à l'intrigue tentaculaire, prenant le temps de mettre en lumière chaque individualité afin qu'interactions comme pertes soient ressenties avec tout le pathos nécessaire. Que des personnages disparaissent, soit. Que des coupes soient consenties dans la trame scénaristique, passe encore, pourvu que l'attention nécessaire soit apportée aux éléments conservés afin que ceux-ci impactent le spectateur avec la violence due. Mais l'ajout de têtes inédites comme d'arcs narratifs absents de la BD, s'ils pourraient se justifier par un syncrétisme essentiel à l'adaptation, sont rendus à l'état de babioles parasitaires dès lors que leur inutilité – et leur manque d'intérêt – est avérée.
C'est ainsi qu'une bonne partie de cette – déjà courte - première saison se perd en circonvolutions superflues, la plupart dans le but évident de répondre aux critères d'une adaptation audiovisuelle, d'autres de soulever des questions n'influant en rien le déroulement de l'histoire, voire même d'introduire un propos moraliste aux fins, semble-t-il, de rééquilibrer un karma déphasé par tant de violence.
Mélange hétérogène d'un distillât des grandes forces de la bande dessinée et de scènes inédites à l'intérêt douteux, The Walking Dead – le show – rate quelque peu le coche en prenant le parti de l'originalité à tout crin. Adapter l'œuvre de Kirkman au media de masse qu'est la télévision met en exergue les limites de ce dernier en terme de développement scénaristique tout comme de libertés créatives. Plus que cela, elle démontre l'absconse perméabilité des formats en présence et l'avilissante bâtardisation nécessaire à l'adaptation de l'œuvre.