Enlightened sous l'égide de HBO souvent inspiré et du créatif Mike White qui s'y amusait d'un petit rôle, date déjà de 2011, et avait su redonner à Laura Dern un coup de projecteur bienvenu en proposant une série hors les clous aux envolées poétiques et aux portraits finement décrits.
Des personnages embourbés dans des vies ternes, un pessimisme teinté de joyeuseté et un décalage bien souvent jubilatoire pour une satire sociale, objet pourtant de sa nouvelle série The White Lotus, mais que l'on aura du mal à retrouver. White semble avoir perdu la précision de son regard et la beauté de sa mise en scène et aura tendance à empiler les clichés.
Un meurtre en toile de fond, introduit dès le départ par la scène finale, nous ramène à ce qui est arrivé sept jours auparavant afin de découvrir l'identité du mort et visera à nous perdre dans des chemins de traverses couru d'avance, pour suivre des vacanciers aisés, des femmes esseulées, des enfants étouffés ou au contraire insupportables, des voyages de noces ratés, et qui sera l'occasion de divers règlements de comptes, dans le cadre idyllique d'un hôtel haïtien, pendant que les employés devront supporter toute sorte de comportement abusifs en parallèle.
On retrouve les normes sociales auxquelles certains se plient avec bonheur pendant que d'autres essaient de s'y extraire sans grand résultat. Passant d'une scène à l'autre, d'un personnage à l'autre, sans jamais leur donner suffisamment d'espace et une narration répétitive et redondante qui ne recèlera que rarement quelques sorties cinglantes tant attendues, le rythme fait défaut et l'ennui guette assez rapidement pour une enquête qui s'efface au profit d'un portrait de vacanciers aux préoccupations bien terre à terre et parfaitement égoïstes.
Si on est impatient également de voir Steve Zahn revenir lui aussi par le biais de la série, son couple avec Connie Britton sur le déclin, reste dans le domaine de la gentille crise identitaire sans éclat aux retrouvailles évidentes.
On sera séduit en tout cas par le personnage joué par Murray Bartlett dans le rôle du gérant de l'hôtel, soumis à vents contraires, la parfaitement odieuse Molly Shannon maman poule de l'imbuvable mais non moins impeccable Jake Lacy, - par qui tous les malheurs arrivent- et qui rassurent au moins sur la capacité de White à toujours bien diriger ses acteurs. Jennifer Coolidge étonnante, déprimée et hystérique face au décès de sa mère pourtant détestée, si elle nous fait jubiler au départ, elle déçoit par son manque d'envergure même si à elle concentre à elle seule toute la dénonciation de White. De la même manière on s'interroge sur la légitimité de certains personnages, inutiles ou qui disparaissent de l'équation. Mais White étant égal à lui même, en profite pour rappeler à la tolérance sur l'homosexualité et sur liberté des choix de vie contre les règles sociales dictatoriales. Thème qui se retrouvera donc en toute logique dans les affres identitaires de certains et on pourra apprécier les belles fesses musclées de Lukas Gage, en passant.
Mais ce ne sont pas les quelques scènes jouissives de défoulement excessif pour ces employés exploités et aux velléités de vengeance bien justifiée, qui va nous emballer. Ni les quelques prises de vues au ralenti d'une mer déchaînée ou d'une queue de baleine au loin, et encore moins le portrait des haïtiens spoliés qui en restera qu'à la seule représentation même si leur spectacle de bienvenu est parfaitement réussi et le malaise assuré.
Si l'idée était réjouissante aucune compassion ou empathie ne nous saisira pour ce panel de personnages, qui finissent en toute logique par rejoindre la longue liste de ceux qui s'adaptent à la misère des autres mais où les enjeux retombent comme un soufflet, tout comme son final même si la résolution de l'identité du meurtrier, qu'on aurait aimé plus spectaculaire et du peu de cas qui est donné à la victime, est renforcée par le dernier plan, où chacun reprendra sa place et résume tout le drame.
Avec un générique qui nous donne la couleur, on saluera surtout la BO de Cristobal Tapia de Veer qui accompagne chaque scène d'une tonalité à la fois tribale et douloureuse ou enjouée et décalée, parfaitement choisie et discrète.