Three Kingdoms

On a tous vu au moins un film sur un épisode de cette guerre des 3 royaumes, la fin de la dynastie Han et peut-être que le nom de Cao Cao aura retenu notre attention. Poète, écrivain, grand stratège et politicien, génie militaire, admiré ou redouté, le personnage m'intriguait non seulement pour sa sagacité mais surtout pour la détestable réputation dont l'a chargé l'histoire ou plutôt l'imagerie populaire: le ministre fourbe, félon et machiavélique.
Je me suis donc lancée dans cette épopée qui couvre plus de 50 ans d'histoire et fait surgir dans la lumière des incendies et des batailles des figures légendaires, guerriers valeureux et sages conseillers.

C'est une série d'envergure: des reconstitutions soignées, une belle lumière, des cadres magnifiques, villes, forts et bateaux construits avec le goût du détail, armures ciselées, robes et manteaux dans une diversité de matières au toucher presque perceptible.
Époque de bruit et de fureur: les scènes de batailles sont magnifiées, impressionnantes dans leur reconstitution(même si les observateurs tatillons verront la même scène sous des angles différents, je suis soulagée que les chevaux n'aient pas à multiplier les chutes spectaculaires). Les prouesses des héros sont transfigurées par la légende(telles sans doute qu'elles ont été relatées à l'époque pour les siècles à venir) et la volonté d'exactitude de la série au regard de l'histoire s'ouvre à la magie épique de certaines scènes au-delà des capacités d'un humain ordinaire.
Au réalisme des champs de batailles, formation des armées, combat, tumulte et fracas, mêlée confuse, poussière et brume, sabots des chevaux, ventre des chevaux qui se cabrent ou s'effondrent, les épées se croisent ou tourbillonnent haut dans le ciel, les combattants s'embrochent sur les lances monumentales et roulent les machines de guerre, à cette immersion se superpose l'héroïsme imaginaire: des coups de poing qui font voler l'adversaire à 10 mètres, un cheval qui saute par dessus un cavalier permettant au héros de le pourfendre au passage ou galopant sur les boucliers des fantassins, les héros sont capables de prouesses insensées, dévier des cascades de flèches, bondir par-dessus les rangs ennemis, franchir des forêts de lances, tenir tête à une armée tout en protégeant un bébé et mourir debout avec dignité, honoré par l'ennemi.
Les héros sont nombreux et célèbres dans cette tranche d'histoire, indissociables de leur légende.
On reconnaitra avec plaisir les épisodes les plus marquants des trois royaumes évoqués dans les films.

Mais le plus captivant dans ce récit est le jeu qui se déroule entre chaque combat, patient affrontement des intelligences. Derrière les armées, les généraux, il y a les politiques et les stratèges. Le plus important se joue dans les alliances ou oppositions, les discussions, la ruse et la diplomatie.
La série relate fidèlement et avec minutie le déroulement de l'histoire, les batailles, scènes de combat alternant avec les réunions stratégiques et les rencontres diplomatiques décidant des alliances ou des trahisons.
Chaque chapitre débute par un exposé simple et clair de la situation politique, des forces en présence et nous pouvons suivre les mouvements des protagonistes.sur la carte comme des pions sur un échiquier. Car c'est un jeu de stratégie où de grands esprits se mesurent(d'ailleurs un jeu vidéo est sorti en même temps que la série).
Cao Cao est tel que je me le représentais, barbe noire en éventail, rigolard et plein d'humour
Mais on rencontre bien d'autres figures fascinantes: Liu Bei, son adversaire, soutien de la dynastie Han, héros droit qui suscita une loyauté sans faille de la part des plus fameux guerriers, Gwan Yu, Zhao Yun, Zhang Fei... et de grands sages, ministres érudits, comme Zhuge Liang et Sima Yi qui s'affronteront durant des décennies à coups de ruses et de stratagèmes dans ce grand jeu tactique qu'est la guerre des 3 royaumes.
Bien des moments sont émouvants : le vieux conseiller désertant son rôle pour affronter une dernière fois son vieil adversaire qu'il respecte, les soldats piégés par le feu entonnent un chant désespéré et vient la pluie miraculeuse, les vieux sages entièrement gris s'éteignant sur la tâche commencée dans leur verte jeunesse...

Des pans de vie et des personnages sans aucun doute transfigurés par la légende mais décrits avec humanité dans leurs décisions les plus admirables comme dans leurs pires actions... Je garde en mémoire une foule de détails liés à ces figures de l'histoire qui me les rendent familiers(ça n'a rien d'évident tous ces chinois qui se ressemblent pour nous européens): Cao Cao à la barbe noire rigolarde, l'éventail de plume inséparable de Zhuge Liang, Liu Bei toujours digne et Gwan Yu le guerrier à la longue barbe en 3 mèches...
Car ce qui fait l'intérêt de l'histoire, ce sont les hommes(et les femmes) qui y participent, ceux qui sont à l'origine ou partie prenante des exploits et des désastres et sont ébranlés par les conséquences. J'ai apprécié que la réalité cède parfois le pas à l'imaginaire tout en gardant un équilibre entre les faits et la légende.