On pourra reprocher beaucoup de choses à Netflix mais pas de ne pas avoir eu le nez creux et de ne pas avoir le sens du timing. Une série sur un virus en pleine pandémie du Covid, c'est le carton assuré (faut croire que le masochisme a de beaux jours devant lui). Évidemment, tout le monde s'est jeté dessus. Évidemment, toute la presse en a parlé. Évidemment, beaucoup ont dit pas mal de conneries sur la série.
Non, "To The Lake" n'a pas prédit le Covid. A moins que soudainement, le virus rende les gens aveugles et leur fasse cracher du sang. La série s'est juste contentée d'appliquer soigneusement les recettes de ses aînés (en allant jusqu'à repomper le thème de "28 Jours Plus Tard").
D'ailleurs, ce n'est même pas une série sur une épidémie, mais sur des survivants.
Oh, elle fait illusion lors du premier épisode, où on pense aux prods Coréennes du genre, agrémenté d'un esprit un peu trash typiquement Russe. Il y a quelques scènes très efficace... qui ne vont jamais jusqu'au bout dans l'horreur frontale (la série jouera d'ailleurs petits bras tout le long de la saison, incapable d'assumer la noirceur de son sujet). Mais dès le second épisode, elle commence à brasser du vide et elle ne décollera jamais.
On suit donc un groupe de personnages, caractérisés de façon un peu basique, qui parcourent les routes enneigées du pays pour se rendre dans une maison près d'un lac, potentiel abri. Et donc pendant 8 épisodes, le canevas est simple (un peu trop même) : on roule, on freine brusquement face à un obstacle, on s'arrête temporairement le temps de gérer le-dit obstacle, puis on repart, sans que tout ça n'ait changer quoi que ce soit.
Alors, s'intéresser à l'aspect survie plutôt qu'au sensationnalisme de l'épidémie, pourquoi pas, d'autres l'ont fait avec plus ou moins de réussites (je pense à la récente adaptation de "La Guerre des Mondes" par Canal + par exemple), mais ça demande des personnages un peu plus complexes, profonds et nuancés (ce qui manque ici : le crêpage de chignon des 2 femmes de Sergey, ça va bien 5 minutes mais c'est vite gonflant) et surtout un minimum de sociologie. Là, les différentes situations qu'ils affronteront sur leur route ne fonctionnent qu'au premier degré, que comme rebondissements artificiels pour rythmer leur voyage, elles n'ont aucune portée morale, ne disent rien sur la société actuelle, ne font jamais écho à leur situation et n'ont que peu de conséquences sur leur périple.
Mais surtout, la série oublié très vite son épidémie. Quelle est la situation en Russie? Dans le monde? Comment se propage t'elle? Quelle est sa vraie nature? Quelles conséquences elle a dans le pays? Quelles mesures le gouvernement a t'il mis en place ? Autant de questions auxquelles la série ne répondra pas. Et même en se concentrant sur l'aspect survie, on ne peut pas occulter le virus, parce que la raison d'être des survivants n'a de sens qu'en fonction d'une menace qui définit désormais leur comportement. Et la technologie est tout bonnement absente, alors qu'elle aurait pu constituer un moyen de traiter le virus en toile de fond.
D'où une série qui tourne vite à vide, se terminant par une impression de saison non terminée (j'appelle pas ça un cliffangher).
C'est bien produit, bien emballé, les plaines enneigées de Russie contribué à l'ambiance (beaucoup plus que si vous tournez en région PACA) qui rappelle les séries Scandinaves... mais ça ne peut faire oublier que la série n'a rien à raconter.