"This is me"
Superbe. Sur un postulat délicat (un patriarche soixantenaire annonce à sa famille qu'il est transgenre) et tiré d'une expérience personnelle, cette série est d'une justesse désarmante. On s'éloigne...
le 15 janv. 2015
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Saison 1 :
"Transparent", petite série discrète produite et diffusée par Amazon, est tout simplement ce que j'ai vu de plus beau et de plus juste, de plus sincère et de plus bouleversant depuis... la naissance de la série TV moderne ? Quelque part entre les moments les plus subtils de "Six Feet Under" (la contemplation incroyablement empathique d'une famille dysfonctionnelle) - série emblématique d'où vient la créatrice de "Transparent", Jill Soloway -, l'incontournable humour juif de Woody Allen, et le filmage "Indie" que "Girls" a déjà tenté avec succès, voici 10 épisodes de 30 minutes qui constituent 5 heures d'une sorte de nirvana émotionnel que nous désespérions d'atteindre un jour. L'extrême délicatesse avec laquelle est traité le thème de la difficulté d'être "autre" dans une société encore furieusement normée - même si nous sommes ici dans la Californie blanche, riche et intellectuelle qui semble a priori plus avancée en matière de genres que, disons, la Sarthe fillonniste - a quelque chose du miracle. Il suffit d'ailleurs de 30 secondes d'un générique qui vous serre le cœur à chaque fois, qui semble construit avec de vieux films familiaux (ceux de la famille de Soloway, dont "Transparent" est paraît-il inspiré ?) pour saisir l'ampleur de ce qui a été tenté et réussi ici : parler de nous, de nos ambiguïtés, de nos désirs comme de nos lâchetés, tout en dressant un panorama pertinent de l'état de la sexualité et de l'identité en ce début de siècle... Le tout en nous faisant rire avec (et non pas contre, bien entendu) des personnages ordinaires, souvent irritants, parfois pathétiques, s'égarant dans des situations absurdes, voire grotesques, mais surtout terriblement perdus dans le labyrinthe de leurs doutes et de leurs passions. Cette première saison, qui touche en plein cœur sans aucun effet de pathos (même si l'utilisation du "Razor Love" de Neil Young dans l'un des épisodes m'a amené au bord des larmes..), n'est pas loin du chef d’œuvre absolu. [Critique écrite en 2017]
Saison 2 :
La seconde saison de notre série préférée marque à la fois une rupture et une évolution ambitieuse par rapport aux brillants débuts de "Transparent". Car il s'agit cette fois de contempler l'impact du coming out de Mort / Maura sur la vie sexuelle et amoureuse de ses proches, qui semblent tous entraînés dans une sorte de frénésie émotionnelle, qui les amènera à explorer leurs fantasmes pour mieux affronter leurs fêlures : en empilant les expériences, en célébrant ce que nombre de téléspectateurs considéreront peut-être parfois comme des "déviances", "Transparent" s'aventure hors de son territoire original de l'hypersensibilité et prend le risque de l'accumulation que l'on pourra juger forcée. Mais ce qui passionne cette fois, c'est la description sans complaisance (souvent très drôle), et pourtant très empathique, des mouvements LGBT ou féministes actuels tournant autour du questionnement du genre. En construisant un flashback étonnant - et très vite bouleversant - sur les origines familiales dans l'Allemagne nazie, Jill Soloway ajoute une perspective historique, mais également psychanalytique et symbolique, stimulante à ce qui pourrait passer autrement soit pour une simple chronique familiale déjantée, soit pour un pamphlet provocateur un peu branché. Et il y a toujours bien sûr ces pics miraculeux d'émotion qui élèvent la série au dessus de toute la concurrence. [Critique écrite en 2017]
Saison 3 :
Même si l'on sait, à force, que peu de séries TV sont à l'abri de l'usure du temps et du ressassement, la relative faiblesse de cette troisième saison de notre chouchou "Transparent" par rapport aux hauteurs, certes stratosphériques, auxquelles planaient les deux premières saisons, a constitué une indéniable déception. Après trois premiers épisodes aussi parfaits que ceux qui ont précédé, et qui nous laissent en larmes, on dirait que Jill Soloway ne sait plus forcément quoi dire de plus de ses personnages, les emmenant dans des impasses émotionnelles ou narratives (la conversion de Josh au christianisme, les tendances SM d'Ali, etc.) qui ne font plus guère progresser la compréhension que nous avons acquises des personnages et de leurs fêlures - et leurs recherches - identitaires. Signes de l'épuisement, temporaire on le souhaite, de l'inspiration de Soloway, le flashback sur l'enfance et la jeunesse de Mort et Shelly paraît trop lourdement démonstratif, tandis que l'effondrement des rêves de changement de sexe de Maura nous laisse vaguement indifférents. La suite nous dira si Soloway aurait dû en rester là, ou si elle retrouvera un second souffle et saura à nouveau nous enchanter. [Critique écrite en 2018]
Saison 4 :
Ayant sans doute réalisé l'épuisement perceptible de sa verve dans la troisième saison, Jill Soloway a la brillante idée de faire retourner la famille Pfefferman à ses origines et à la confronter en Israël à de nouvelles complexités et de nouveaux doutes, grâce à un scénario particulièrement inventif cette fois.
D'un côté, "Transparent" nous offre son lot de stupéfiantes révélations familiales : la réapparition d'un père, impardonnable mais impossible à haïr, la découverte d'un "gène trans" dans l'histoire familiale... De l'autre, le déplacement temporaire de la fiction loin de L.A. permet de confronter les Pfefferman aux ambiguïtés politiques et morales d'Israël, pays forcément adoré - je pense à ces scènes superbes au Mur des Lamentations - et profondément détestable de par l'oppression exercée sur tout ce qui est "autre", symbolisée par une improbable (?) communauté LGBT en territoire palestinien. Jamais Soloway n'a sans doute été aussi politique qu'ici, ce qui amène à certaines dérives qui pourront faire tiquer, comme ces scènes drôles et absurdes, mais aussi franchement racistes, de la famille "allemande" de AirBnB, ou lorsqu'elle défend (?) le nouveau concept à la mode des "they", caractérisant les personnes à double identité sexuelle.
Heureusement, cette passionnante et courageuse double réflexion sur ce que c'est qu'être juif et ce que c'est que l'identité sexuelle n'est jamais pesante, mais réussit toujours aussi bien à nous faire rire (des échos de Woody Allen avec cette mère juive s'inventent une personnalité théâtrale italienne, mais aussi de Blake Edwards avec une plongée burlesque dans le triolisme) qu'à nous bouleverser, encore et encore.
Avec cette pétaradante saison 4, "Transparent" est redevenu un chef d'oeuvre. Reste à savoir maintenant ce que la série pourra faire de la mise à l'écart de Jeffrey Tambor suite à l'improbable révélation d'abus sexuels dans le sillage de l'affaire Wenstein. On est forcément inquiets...
[Critique écrite en 2018]
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Créée
le 6 mars 2017
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8 j'aime
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