Bien plate et dénuée d'enthousiasme cette adaptation qui n'a d'homérique que la kyrielle de noms évocateurs de légendes, néanmoins il n'y a pas lieu de hurler au scandale, l'ombre des récits épiques d'Homère en forme la trame et bien que dénuée d'inspiration et de relief, l'aventure se laisse accompagner sans déplaisir peut-être en partie auréolée par la magie de nos souvenirs.
Quand on évoque la guerre de Troie, on pense aux figures flamboyantes des dieux, la beauté éblouissante d'Hélène, la grandiose destinée des héros tombés, des scènes de combat épiques mais aussi des débats cornéliens entre amour et honneur, tragiques déchirements et tempêtes dans le cœur des hommes sous le regard amusé des Dieux. Cette adaptation reste modeste et sans grande envergure mais tout à fait convenable. Elle coule sans déplaisir et l'intérêt monte au cours des épisodes, les derniers offrant quelques scènes tragiques et émouvantes.
On peut faire de nombreuses critiques: Hélène n'a rien de la beauté sidérante capable de soulever les passions et les nations, banale et sans charisme, c'est une lacune de taille qui rend tout ce tumulte autour d'elle vide de sens. Les grandes figures héroïques n'arrivent pas à nous transporter au-delà de la mise en scène convenue, correcte mais sans l'étincelle de la passion ou de la magie. Achille et Zeus sont noirs. Bon c'est en contradiction avec toutes leurs représentations antiques, mais Zeus étant polymorphe et Achille certainement pas un grand blond aux yeux bleus, pourquoi pas? D'autant qu'une fois l'effet de surprise passé c'est celui qui incarne son personnage avec le plus de charisme et de conviction.
Assez fidèle au récit d'origine, les grandes lignes, les moments forts de la guerre de Troie nous sont relatés sans parti pris original ou inventif: ni l'aspect spectaculaire, grandioses armées, magie des dieux, combats titanesques des héros, ni l'enchevêtrement complexe et ambigu des passions et ambitions humaines qui s'affrontent autant sur le champs de bataille qu'en chaque personnage. Mais l'essentiel y est. Costumes et décors sont simples et sobres comme ils devaient être en cette époque reculée, Troie cité des sables avec ses étroites ruelles et ses palais rectilignes suffit à dépayser d'époque et de lieu. Et par moment, on nous invitera à laisser glisser le regard sur de vastes paysages empierrés, ciels boursoufflés de nuages et les rouleaux d'écumes des mers tendues vers l'horizon.
Une illustration convenable mais sans éclat, ni passion ni souffle homérique, les incarnations des Héros restent très contemporaines et convenues. C'est peut-être la volonté de départ mais elle se heurte rapidement à la tragique dimension des dilemmes moraux et psychologiques: l'amour opposé au devoir, l'honneur, la responsabilité des rois envers leur peuple, ambition, trahison et sacrifice, le tout soumis à la fatalité de l'engrenage des destinées. On peine à démêler leurs motivations, à nous associer à leurs drames intérieurs car Hélène, Achille, Pâris, Ulysse et Andromaque sont les archétypes d'un drame métaphysique destinés à enflammer nos imaginations, pas nos contemporains.
Le sujet était-il trop ambitieux? Sans doute, il manque de souffle et d'inspiration.
Reste le récit d'Homère, une galerie de Héros, des figures féminines fortes, du sang et de la fureur, amour et sacrifice, une belle mosaïque d'émotions où la générosité côtoie la bassesse, où l’héroïsme est écrasé par le mensonge sous l’œil intrigué des Dieux. On y retrouve les héros, Troie et le cheval, à nous de l'agrémenter des étincelles de l'imagination et de redécouvrir l'ombre d'Homère qui la parcourt en filigrane...