True Detective
8.2
True Detective

Série HBO (2014)

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Si True Detective a une aussi haute moyenne sur SensCritique, c'est parce que la plupart des utilisateurs n'en ont vu que la première saison. C'est une anthologie de 4 saisons totalement indépendantes : chaque saison a sa propre histoire, son cadre, ses personnages et son époque, et si je pensais avoir à peu près cerné des dénominateurs communs dans les thèmes ou l'ambiance générale des 3 premières, la 4 est venue foutre en l'air toutes mes belles théories.


■ Saison 1


On l'a tous vue et tous adorée. Je ne connais pas une seule personne qui a vu la saison 1 de True Detective sans crier au chef-d'œuvre, donc on ne va pas s'y attarder outre mesure.


C'est l'un de ces rares alignements de planètes qui a mis tout le monde d'accord : la réalisation est fantastique, l'ambiance à couper au couteau, la direction photo à se damner. Et tout ça est porté par un casting impeccable et une écriture enlevée. Malheureusement, cette première saison a mis la barre si haut que beaucoup ont été déçus que la suite ne reprenne pas la même formule.


■ Saison 2


Face à sa tiède réception, je n'en attendais pas grand-chose, mais ce fut une très belle surprise. J'y ai retrouvé certains éléments qui m'avaient fait adorer la s1 : ambiance crépusculaire, casting de luxe, direction photo à tomber, des scènes de suspens féroces. On y retrouve aussi ce spleen poisseux et tragique, ces personnages irrémédiablement cassés, et on troque le nihilisme contre une bonne dose de névroses.


Elle n'essaye jamais de copier la première saison, de marcher sur ses plates-bandes ou de jouer la sécurité. Elle offre quelque chose de nouveau, avec une belle assurance, et c'est solide sous tous rapports : personnages, rythme, réalisation, avec des scènes de tension incroyables comme on en voit rarement sur petit écran.


Colin Farrell avec une moustache, c'est oui. Vince Vaughn a une gueule d'acteur de NCIS, mais du charisme à revendre, Kelly Reilly est flamboyante, et il n'y a finalement que Taylor Kitsch qui ne sert à rien, avec un personnage effacé et trop lisse. J'en suis ressorti étonné et ravi, avec beaucoup de questions pour tous ceux qui ont saqué cette saison.


■ Saison 3


On revient aux fondamentaux avec un duo de machos à problèmes qui ne s'entendent pas très bien et ont de grandes conversations sur la vie et les choses au volant de leur bagnole, sur fond de décors campagnards. On y retrouve aussi une narration éclatée entre plusieurs époques.


Et pourtant, cette s3 se révèle très différente de la première et ne sera jamais redondante. Les personnages n'ont rien à voir, l'histoire part dans de toutes autres directions et la triple trame narrative séparées de plusieurs décennies est bien plus ambitieuse.


Les personnages fonctionnent bien et révèlent des trésors de profondeur, leur dynamique de buddy movie est efficace et touchante, et l'enquête m'a tenu en haleine du début à la fin, même si le rythme est loin d'être aussi intense que dans la s2. Cette saison explore le thème de la mémoire et la faillibilité de nos souvenirs, en confrontant les points de vue de plusieurs personnages, et en ajoutant un petit Alzheimer dans l'équation.


C'est une saison plus lente, plus mâture, qui m'a certes beaucoup plu, mais à laquelle il manque un peu du charme et du brio des premières.


■ Saison 4


Avec cette s4, True Detective change radicalement de cap, pour le meil-- pour le pire. Ce n'est pas le naufrage total qu'on aurait pu craindre en apprenant le départ du showrunner Nic Pizzolatto, remplacé par Issa López (à l'écriture et la réalisation), mais chaque ingrédient est inférieur, et le tout s'avère largement inférieur à la somme de ses parties.


Commençons par les parties en questions :


¤ Le casting est correct. J'étais content de retrouver John Hawkes et Jodie Foster que je n'avais pas vu depuis des lustres et Kali Reis est excellente en dépit d'un personnage remarquablement antipathique.


¤ Les personnages vont de l'irritant à l'oubliable et ceux qui sortent du lot sont les plus détestables. Leurs arcs sont prévisibles au possible, avec la méchante chef de police qui devient moins grincheuse, et la flic super vénère qui devient un peu plus aimable, ou encore le rookie innocent qui - surprise ! - perd son innocence. Je grossis le trait, car ce n'est pas aussi dramatique, mais on est à des années lumières de la finesse d'écriture de la saison 3.


¤ L'écriture est globalement assez moyenne et manque de coeur. Les dialogues sont médiocres, mais l'enquête m'a donné envie d'aller jusqu'au bout. C'est en partie grâce à l'ambiguïté persistante du paranormal qui ne cesse de venir titiller le récit sans jamais trop se dévoiler. Le final, en revanche, est un bordel incohérent et maladroit qui m’a fait relativiser tout le reste.


¤ La photo souffle le chaud et le froid. D'un côté, on a parfois de très beaux plans, bien composés, dans de superbes décors naturels. Et de l'autre, on a une image trop souvent surexposée et sans contrastes, alors que tout est censé se passer de nuit, des éclairages 'studio' pour tout soit bien plat et lisible, donc j'avais souvent beaucoup de mal à croire à ce qu'on me montrait.


¤ La réal est anecdotique. Le plus souvent, ça fonctionne correctement, mais de temps en temps, on a un vieux jump scare ou un effet de caméra cheapos digne d'un film d'horreur de seconde zone. C'est relativement compétent, mais ça manque de style et d'élégance. Oh, et la bande son est lamentable.


o o o


Si le tout s'effondre comme un vieux soufflé pourri, c'est à cause de la résolution sortie du chapeau, où l'on découvre que le tueur était - ... TADAM ! - ce personnage qu'on a vu 5 secondes et dont on n'a rien à branler, et qu'on n'avait aucune raison de suspecter. Ah ouais, quelle émotion et bonjour la prise de risque.


On pourra aussi regretter le message de féminisme toxique (apologie de l'androcide, sur fond de vengeance préméditée et impunie) qu'on vous tartine au visage sans la moindre subtilité, pour être sûr que vous l'avez bien compris.


[SPOILER]

Au début de la saison, on apprend que huit scientifiques ont été assassinés dans d'atroces souffrances. Quelques années plus tôt, une certaine Annie avait été tuée à coup de couteaux et l'une des protagonistes est présentée comme "très intolérante à la violence envers les femmes". On la voit d'ailleurs tabasser un mec soupçonné d'avoir cogné sa femme, jusqu'à lui faire perdre connaissance. Subtilité, quand tu nous tiens.

Les deux affaires sont liées et résolues dans l'épisode final : On découvre que ce groupe d'hommes était responsable du meurtre d'Annie. Un commando de femmes du village est venue kidnapper les scientifiques et les a fait courir tout nus dans un blizzard. Après ces révélations et leurs avoeux, on les laisse vivre leur vie en toute impunité, et nos deux héroïnes semblent satisfaites que justice soit faite.

C'est une classique histoire de vengeance, mais avec un angle féministe salement toxique, puisqu'on y voit un groupe exclusivement féminin partir en vendetta meurtrière contre un groupe exclusivement masculin qu'elles soupçonnent d'avoir tué une femme.

Pour qu'une histoire de vengeance grand public fonctionne, le récit ne devrait pas être moralement ambivalent. IE: le méchant doit être très méchant pour qu'on soit satisfait de le voir se faire punir (John Wick, Django, Gladiator, Commando, Leon, Irreversible, Robocop, et j'en passe)

Ici, le meurtre d'Annie a été commis dans les circonstances suivantes : elle est entrée par effraction dans leur labo et vient de détruire plusieurs années de recherches auquel ils avaient tous dédié leur vie, coincés dans le trou du cul de l'Alaska dans l'espoir de trouver un remède au cancer. L'un d'eux la surprend et découvre l'ampleur de ces destructions. Il pète un plomb et la poignarde, sans préméditation. Ses collègues l'aident à finir le boulot.

Ce sont de piètres circonstances atténuantes, certes, mais méritaient-ils tous de finir en prison, ou gelés vif après s'être arraché les yeux à mains nues ? La solution d'Issa López est de massacrer tous les hommes dans le périmètre sans autre forme de procès, ce que je trouve idéologiquement aussi dangereux que le féminicide qu'elle venait dénoncer.

Ezhaac
9
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Créée

le 7 juil. 2024

Critique lue 48 fois

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