Cohle of Cthulhu
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le 16 mars 2014
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Une 4ème saison qui accroche par ses décors vides et son ambiance désolée. Il faudra apprécier les prises de nuit dans le brouillard et sans lumière ou les rafales de vent et un froid qui pique, pour un changement de décor appréciable depuis les trois saisons dernières. Jodie Foster prend la main pratiquement tout du long, au jeu irréprochable avec le plaisir de la voir jouer de ses expressions avec un naturel dévastateur pour un rôle qui ne démérite pas avec l'environnement des True Detective. Tout comme le duo d'enquêteur, ici deux femmes tout aussi peu commodes l'une que l'autre et aux multiples traumatismes. Son binôme joué par Kali Reis (qui jouera des poings comme dans la vraie vie) est légèrement en retrait pour brosser deux personnalités bien différentes, du pragmatisme de l'une allant du deuil, au déni en passant par une quête spirituelle à combler le vide pour l'autre. Ces deux femmes devront démêler une série de morts suspectes en pleine nuit glacière, sous fond de pollution environnementale, de communication bien difficile et de meurtres violents incompréhensibles, teinté de fantastique, de monstres invisibles et de fantômes venant visiter les habitants. Malheureusement sans aller plus loin que leur seule représentation. Dommage que les multiples couches traumatiques des deux inspectrices soient récurrentes, que des scènes plus ou moins romanesques à appuyer les dégâts de la solitude viennent encombrer un scénario déjà fourni, -pour disparaître du récit aussi rapidement qu'elles sont venues-, au détriment d'autres acteurs, notamment Fiona Shaw personnage mystérieux et empathique venue se perdre pour on ne sait quelle vraie raison dans le fin fond de l'arctique. Reste le plaisir de se plonger encore une fois dans une intrigue alambiquée pour une résolution pleine de réconfort.
La première saison de True Detective, a marqué le renouveau du polar. Pizzolatto a su en extraire tout le drame et le suspense, manquant aujourd'hui dans la plupart des films optant pour cette nouvelle mode de flashbacks comme forme narrative. L'occasion de bien marquer le fossé du temps, du traumatisme et de l'échec par l'évolution de ses personnages en pleine crise.
Naviguant sur quelques références cinématographiques, de son ambiance mortifère en opposition à la luminosité étouffante de la nouvelle-Orléans pour en souligner les fractures, on ne savait jamais où la série nous emmenait. Le mysticisme s'ancrait parfaitement dans la réalité, les discussions philosophiques appuyaient le flou ambiant, les relations humaines et les amours plutôt rudes, pointaient un quotidien sans fard et la réussite de performances étonnantes et parfaites de personnages duales, confrontés chacun à ses démons, déclinaient plutôt les destinées, que les réponses limpides.
Les fausses pistes de la saison 2 ont tout brouillé alentour avec une surcharge de thèmes et des acteurs pas tous terribles. La recette n'a pas pris. Vince Vaughn à l'instar de Matthew McConaughey aura été au moins là où on ne l'attendait pas. Seulement les traumatismes des uns et des autres et les thématiques développées, polluaient l'enquête et relevaient du pur cliché, Pizzolatto s'embourbant dans des saynettes à rebondissements aléatoires et une ambiance glauque ratée.
Pour la troisième saison, il nous renvoie en terrain connu, rural et aux poupées vaudoues, mais sans la noirceur ambiante, ni la force narrative bien malheureusement de sa première saison.
On retrouve le binôme et trois temporalités 1980-1990-2015 pour élucider une disparition et un meurtre d'enfant. Kidnapping, meurtre parental, pédophilie, s'octroyant même un clin d'œil à la saison 1 pour joindre les deux enquêtes, et renforcer son jeu sur les temporalités et marquer le lien possible.
Nous sommes en 2015. L'enquête n'a jamais été résolue et les deux enquêteurs se sont perdus de vue.
Une journaliste souhaite revenir sur les deux décennies marquantes, 1980 et 1990 et tente d'éclaircir les zones d'ombres.
Elle interroge alors le policier en retraite Wayne (Mahershala Ali). Une occasion pour cet enquêteur traumatisé par l'échec, de se remémorer le début difficile d'une enquête menée avec son lieutenant Roland (Stephen Dorff) et de replonger dans les années 90 lors d'un rebondissement qui relancera l'affaire. On navigue entre ces trois périodes, où le suspense et les fausses pistes maintiennent l'intérêt. La saison ayant la bonne idée de rester concentrée du moins au début. L'enquête, les éclaircissements au compte-goutte et les dommages collatéraux, Pizzolatto surfe sur son succès, et opte pour placer les années 80 dans le racisme ordinaire et le féminisme.
Sur la page SC on peut lire True Detective aura su imposer une vraie atmosphère prenante dès ses premières secondes. C'est ensuite que ça se gâte. La nostalgie ambiante et le lien entre le professionnel et l'intime de ces deux enquêteurs n'auront pas la force du premier opus. Quelques fulgurances de mise en scène et de photographie mais c'est curieusement la place laissé à la vie familiale de Wayne qui affaiblit l'ensemble.
Par le personnage d'Amelia (Carmen Ejogo) l'épouse de Wayne on est bien loin des rapports ambigus de la première saison. Un manque d'enjeux sur la place des femmes dans la société pour seulement quelques moments permettant de lier les événements, mais d'aspect poussifs sur l'indépendance féminime, par un caractère plutôt pénible d'une femme toute à son affaire, foulant aux pieds ce qui l'entrave. Un portrait peu empathique et une relation de couple entre soutien et crise au quotidien qui n'aura pas grand intérêt, interférant aux moments tendus de l'intrigue, coupant le rythme et toute la tension naissante par des longueurs et des redondances à l'envi.
Absents des deux premières saisons la question du racisme n'apporte pas non plus de franche dénonciation. Les rapports de Wayne que ce soit avec sa hiérarchie ou avec la population n'arrive pas vraiment a en révéler les enjeux et les dangers. Sa mise à pied par exemple concerne une erreur de jugement et non sa couleur, même si elle contribue à l'occasion de le mettre de côté. Malgré le premier rôle accordé à l'acteur noir, (déjà marquant en second rôle dans Moonlight et ensuite dans Green Book) on sent une réelle hésitation et à Stephen Dorff de reprendre la main à multiples reprises.
Malgré tout Pizzolatto arrive en reprenant son schéma à en sortir par son contexte de perte de repère. C'est encore bien là qu'il arrive à tenir en haleine. Il tisse ainsi le lien entre la maladie de Wayne, atteint d'Alzeihmer en 2015 avec la notion du temps, de perdition et de la ligne ténue entre fantasme, rêve et réalité. Et de la même manière que les deux saisons précédentes, nous laissant rêver à une résolution fracassante, le bémol se situe sur le final par son défaut de réponse et se termine en laissant un goût d'inachevé par sa rapidité d'exécution et sa platitude.
Même le traumatisme du Viêt Nam, (Wayne étant un ancien soldat) reste en surface, et une dernière scène tombant comme un cheveu sur la soupe, le voyant déambuler dans la jungle comme ultime sursaut de mémoire, laisse perplexe.
saison 1- 10
saison 2 - 5
saison 3 - 7
saison 4 - 7
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Créée
le 12 mars 2019
Modifiée
le 19 févr. 2024
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