Qu’on lui voue une haine sans limites où qu’on lui porte un amour sans fin, les U.S.A. est un pays qui fascine. Fascination due à des contradictions innombrables, héritées d’une Histoire certes récente, mais d’une incroyable complexité. C’est le passage le plus important de cette Histoire, que Craig Silverstein nous invite à parcourir : la Guerre d’Indépendance. Elle fut à la fois une guerre classique entre deux états, mais aussi une guerre civile entre loyalistes (fidèles à la couronne d’Angleterre) et patriotes (partisans de l’indépendance des colonies), parfois au sein d’une même famille. Ce qu’il y a de très particulier dans cette affaire, c’est que les patriotes qui sont à la base des colons, se sont comportés vis-à-vis des britanniques, comme des colonisés en train de chasser l’envahisseur.
Sans aborder les qualités purement techniques de la série, Turn a un réel intérêt pédagogique. Car, même si l’on peut regarder les U.S.A. avec mépris, on ne peut nier que comprendre les fondements historiques de la plus grande puissance mondiale, aide à comprendre le monde d’aujourd’hui et notamment, l’idéologie de tout un peuple. On assimile mieux, les causes de la création du premier réseau d’espions à grande échelle, avec l’approbation de George Washington. On comprend mieux ce statut de « commander in chief » qu’a chaque président des U.S.A. Bref, on appréhende mieux l’importance de cette guerre, entre les tuniques bleues et les tuniques rouges et pourquoi, le peuple américain, se sent aujourd’hui tellement à part.
Ce travail historique passe par un travail étonnant sur les décors, les costumes et la recréation d’un contexte. On sent la volonté de la production d’être la plus authentique possible, d’être irréprochable de ce côté-là. Il faut reconnaître qu’à part quelques fonds verts parfois douteux (mais économiques c’est vrai), le sentiment d’immersion est bien réel. On sent un pays au développement économique encore incertain, des colons qui triment alors que les représentants de la couronne semblent bien vivre, d’où cette volonté d’autonomie qui grandit peu à peu.
L’idée de traiter cette Histoire par le biais de la création du premier réseau d’espions, appelé le Culper Ring, a pour but de mettre du suspense et de l’action dans la série. Dans les premiers épisodes, cette idée fonctionne peu, voir pas du tout. Car la série peine vraiment à trouver un rythme et prend peut-être trop de temps à se mettre en place. Puis ça vient peu à peu, et les derniers épisodes sont enfin dignes de ce qui peut se faire de mieux avec de telles contraintes historiques. Ce rythme enfin trouvé doit être conservé pour les saisons suivantes, sous peine de signer à brève échéance la fin d’une histoire captivante.
Ce qui serait dommage, avec un tel casting qui, des stars aux moins stars, parvient à donner corps à des personnages entrés dans l’histoire mondiale. Même si Seth Numrich (The Good Wife) manque cruellement d’épaisseur, il est « compensé » par d’autres acteurs tels que Kevin McNally (Pirates Des Caraïbes) en charismatique homme de loi. Au générique également le toujours excellent Angus Macfayden (Equilibrium, Braveheart), sorte de gros ours aussi dangereux qu’un reptile (drôle de mélange). Sans oublier Jamie Bell, révélé à l’âge de 12 ans dans Billy Elliot et qui se trace depuis, une carrière tranquille et de qualité, avec des films comme Snowpiercer et Nymphomaniac.
Il faut prendre votre temps avec Turn, autant qu’elle prendra son temps avec vous. Se dire qu’à défaut d’attendre ses qualités techniques (qui finissent par arriver), il faut apprécier ce qu’elle a à vous raconter. Il faut prendre le temps d’écouter cette Histoire, avant de découvrir comment elle va nous être racontée. Le seul vrai défaut de Turn, reste finalement son retard à l’allumage, qui fera peut-être décrocher certains spectateurs. Pour les autres, ils comprendront combien on peut se tromper sur la supposée pauvreté de l’histoire de cette jeune nation, et combien il y a à apprendre sur les motivations d’un peuple, dont on ne sait jamais s’il nous attire ou nous révulse.
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