Ca démarre par une catastrophe industrielle



Twin peaks et moi c'était mal barré, et ça doit être la série que j'appréhendais le plus au monde.


D'abord j'ai commencé par voir le film "Fire, walk with me", qui est l'une des pires expériences que j'ai pu avoir au cinéma, et qui restera solidement ancré dans mon top 10 pires films de tous les temps.
Le film doit cependant être réservé aux fans de la série, qui seront moins perdus que les non-initiés pour lesquels le film est complètement incompréhensible.
Maintenant c'est du très mauvais Lynch, aucun rythme, une ambiance pesante et lourde comme jamais, un scenar imbuvable en roue libre...


Lynch peut être un cinéaste redoutable mine de rien.
Quand la bizarrerie l'emporte sur la narration, ses films deviennent rapidement insupportables, et extrêmement ennuyeux...


Mais il n'est jamais meilleur et aussi fascinant que lorsqu'il arrive à cadrer sa bizarrerie dans un univers en apparence conventionnel, à inventer une nouvelle logique propre à son surréalisme et qui s'insère naturellement dans un genre déjà solidement codifié (le polar par exemple, et on pense à "Blue Velvet", "Lost Highway", "Mulholland Drive"), un mélange inédit qui parvient à tenir debout et à rester crédible dans son ensemble disparate.


Combien de scènes totalement WTF dans la série Twin Peaks que le spectateur finit par admettre, et trouver cohérentes pour les besoins de la résolution d'une enquête par ailleurs assez conventionnelle dans son déroulement ? Des apparitions nocturnes du géant, aux préceptes tibétains, des chouettes maléfiques aux esprits, tout finit par tenir...


Ce mariage entre bizarrerie et convention marche d'autant plus devant l'évidence de l'association entre les personnages de Dale Cooper (un bizarre parmi les bizarres), et le Sherif Harry Truman (dur d'être plus terre-à-terre). Les deux s'équilibrent en permanence.
Cooper apporte l'aspect mystique, farfelu, fantasque à l'enquête, tandis que Truman est le flic typique de série télé, efficace, réaliste, les pieds sur terre, il reste en permanence dans le concret.
Mais l'alliance est magnifique, parce qu'il n'y aucun mépris entre les deux personnages, ils admettent leurs différences, et deviennent dès lors parfaitement complémentaires.



Des personnages profondément humains



Même dans un contexte éminemment bizarre, les personnages parviennent à rester humains, et donc attachants.
La richesse première de Twin Peaks, c'est la qualité d'écriture et d'interprétation des personnages, au-delà même du récit qui semble parfois avancer un peu au pif.


Voilà l'occasion de rendre hommage aux différents protagonistes qui m'ont marqué :



  • Le couple Ed/Nadine :


Everett McGill assez formidable, avec son air sévère, qui passe pour un enfoiré de première mais qui en même temps partage des scènes inoubliables avec sa femme, à la fois émouvantes et hilarantes (cf la scène hallucinante du réveil à l'hôpital).



  • Richard Beymer :


Génial en caricature de businessman machiavélique qui doit s'enchaîner un bon millier de cigares...
Quel parcours passionnant pour l'ancien héros propret et chantant de West Side Story.



  • Le couple Bobby/Shelly :


Dana Ashbrook et ses faux airs de Jim Carrey qui surjoue un peu n'importe comment, mais qui est particulièrement fendard (et en particulier quand il nargue Leo Johnson), et Madchen Amick qui est vraiment l'atout charme de la série.



  • Le Couple Donna/James :


Alias le pur couple soap opéra de la série, peut être le plus répétitif. A chaque fois qu'on les voit, ça se boucle sur le love theme de Badalamenti et un baiser langoureux.



  • Le Couple de vieux grigous Pete/Catherine :


Le premier est peut être le plus gros autiste de la série, complètement ahuri, vaguement inquiétant, mais là encore très attachant au fil des épisodes, même si on le voit trop peu... En même temps il a pas grand chose à faire à part galérer dans la scierie...



  • Le Couple décalé Lucy/Andy :


Dans un premier temps c'est vraiment les comic relief les plus réussis de la série. Lucy avec sa voix aigüe affreuse, et Andy (de faux airs de Yann Barthès) qui préfigure tous les personnages de flics débiles du type Doofy dans Scary Movie, et qui est franchement dantesque.
Leur arc s'éternise un peu trop, avec des histoires pas hyper intéressantes de spermatozoïdes et d'enfantement, peut-être un peu lourdingue sur la durée...



  • La pépite : Audrey Horne :


La bizarrerie la plus fascinante de la série, dans un premier temps elle est quand même particulièrement inquiétante (à tel point que je me demandais si elle n'était pas dans le coup de la mort de Laura), et puis au fur et à mesure de la progression de la série, le personnage et l'actrice se révèlent, en prenant une véritable épaisseur. La plus grosse révélation.


Enfin j'aimerai boucler ce billet par un petit mot sur le rythme qui est totalement tributaire de la très lente et hypnotisante musique de Badalamenti.
C'est vrai que la série à un rythme assez pépère, que l'enquête n'est pas menée tambours battants, et... ça fait du bien. C'est même relaxant, on prend du plaisir à prendre le temps, à apprécier les personnages, les situations improbables, et ça change de l'hystérie frénétique contemporaine. Et puis faut quand même noter que la série a de sacrées accélérations qui gagnent en efficacité grâce à l'effet de contraste.


Bref je suis heureux de m'être forcé à mater cette série, et avoir enfin pu découvrir les véritables qualités de cet univers atypique et attachant.
Pour précision, je me suis arrêté à l'épisode 9 de la saison 2.

KingRabbit
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le 14 juin 2015

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