Un pavé dans la mare
6.5
Un pavé dans la mare

Websérie YouTube (2014)

Après avoir 'terminé' la web-série "Adaptation", j'ai eu envie de voir ce que Ginger Force proposit d'autre sur sa chaîne, c'est ainsi que j'ai découvert "Un pavé dans la mare" qui a été conçu avant "Adaptation".


Autant dans sa web-série consacrée cinéma elle raconte pas mal de bêtises par manque de recherche, autant ici elle semble bien connaître son sujet. Après, je n'ai pas vérifié tous les chiffres, je n'ai pas non plus cherché de contre-arguments dans les commentaires ou dans des vidéos réponses, donc elle peut très bien raconter des conneries ici aussi, mais ça ne se ressent pas ; elle cite des sources régulièrement, donne quelques liens paraît sincère. Mais sa véritable force, c'est la nuance !


En effet, la rouquine, au contraire de la féministe Anita Sarkeesian (le rapprochement est d'autant plus intéressant que les deux ont parlé des jouets LEGO, Ginger s'en sortant beaucoup mieux), ne fait pas que tirer à vue sur un camp en dédouanant le sien : elle reconnaît des torts dans les deux, accepte que tous les hommes ne soient pas des méchants, essaie de comprendre leur point de vue, ne prétend pas qu'un monde avec des femmes au pouvoir serait mieux... Et avec ce besoin de relativiser son propos, elle aborde divers sujets concernant le féminisme.


J'ai tout de même un regret, sur la fin, dans les deux ou trois derniers épisodes, GF dit quelques bêtises, pour la simple et bonne raison qu'elle se met à faire quelques raccourcis faciles et nuance moins son propos. C'est aussi dans ces dernières vidéos que je la trouve plus enragée, comme si les commentaires négatifs de ses précédentes vidéos avaient eu raison de son calme, de sa patience. Et c'est dommage, parce qu'elle perd un peu en crédibilité. Surtout qu'elle affirme aussi que son point de vue a changé tout au long de cette série, de quoi se demander si son manque de nuance sur la fin est réellement dû à un ras-le-bol et quelques maladresses ou bien si elle a vraiment changé d'avis sur certaines questions.


Je pense notamment à l'épisode 10 où elle dit un truc assez dingue suite à un commentaire : elle déclare que quand un type considère qu'une fille de 13 ans ressemble à une pornstar, il a un problème psychologique car c'est de la pédophilie... où est le lien ? Ce serait comme dire que trouver un homme effeminé, c'est faire preuve d'homophobie ? On peut très bien trouver une telle ressemblance sans que l'on ait un gros problème psychologie, une interprétation ne signifie pas automatiquement un problème mental, la psychologie est plus subtile que ça. En plus, la manière de le dire est assez choquante, comme si les gens ayant un problème mental étaient forcément des tarés dont il faut se débarrasser. En plus, pour avoir vu le documentaire "Are all men pedophiles?" j'ai envie de dire que c'est trop facile de rejeter comme ça une partie minoritaire alors que certains en souffrent aussi et que tous les gens ayant des pulsions pédophiles ne sont pas des monstres. Admettre leurs souffrances, ce n'est pas en vue de dédouaner ceux qui passent à l'acte, mais il ne faut pas non plus agir si froidement, l'humanité reste importante en tous les cas. J'irai même encore plus loin en disant qu'il n'y a pas de monstre, que le plus méchant des bourreaux a un cœur et qu'il lui arrive d'être gentil envers des gens. Mon exemple préféré, c'est Hitler ; je suis sûr qu'il a déjà aidé une vieille dame à traverser. Le réduire à son mauvais côté, c'est facile mais c'est aussi un peu idiot.


Je suis donc un peu déçu d'entendre Ginger dire de telles choses. Autant dans ses vidéos sur les adaptations d’œuvres au cinéma je ne suis pas surpris de l'entendre prôner sa subjectivité sans avoir fait de recherche et sans chercher à se remettre en question, autant ici, où elle fait souvent preuve de nuance, de neutralité, où elle prend assez de distance avec le sujet pour ne pas dire trop de conneries, je suis choqué d'entendre des choses aussi idiotes.


Toujours dans le même épisode : sa réponse par rapport à la friendzone (un homme lui aurait dit qu'il était dégoûté d'être célibataire alors qu'il est gentil) me paraît un peu confuse et tirée par les cheveux ; il suffisait de dire que la gentillesse ne fait pas tout pour sortir avec une femme, que les femmes, comme les hommes, ont plusieurs critères, tout comme il ne suffit pas d'être beau pour être dans une relation durable (d'ailleurs on est toujours un peu surpris d'apprendre que telle personne canon soit célibataire) ou même, dans une moindre mesure, dans des relations d'un soir. Ginger part dans un délire signifiant que l'homme qui se dit gentil estime que le sexe est une monnaie d'échange... mais c'est un gros raccourci que de dire cela, surtout qu'il y a ce mythe comme quoi les femmes aiment les bad boys, tout simplement, cela n'implique pas le sexe forcément, mais simplement une attitude. Et on en revient donc, pour ces derniers épisodes, à cette manie que je n'aime pas dans le féminisme (et qui n'est pas le seul mouvement à employer, on est d'accords) : tout rapporter à une guerre de sexe, comme si tous les choix effectués par les hommes (du fils du voisin au ministre) étaient dictés par une chose seulement, le patriarcat et la volonté de dominer les femmes. Une autre tendance que celle d'ignore les autres facteurs poussant à telle action/pensée ; c'est celle de la décontextualisation : la militante prend des faits, les unidimensionne, oublie de préciser le contexte etc. . Je n'ai pas pris note hélas de ces passages et je n'ai pas envie de me retaper ces vidéos, donc cet argument vaut pour ce qu'il vaut, mais c'est quelque chose de plus présent dans les derniers épisodes (heureusement les premiers épisodes en sont quasi dépourvus).


Dans un épisode, Ginger parle de son expérience en terme de violence conjugale. Le témoignage est fort, surtout qu'elle n'en fait pas des caisses, elle se contente de raconter ce qu'elle a subi, avec suffisamment de recul pour l'analyser pertinemment. Le dernier épisode est intéressant parce que l'on y présente les 'trans' en les laissant s'exprimer. Les questions sont un peu directes, la multitude de point de vue est telle que le tout paraît anecdotique, la conclusion est un peu facile, mais ça reste un document sympathique (et long) pour comprendre ces gens.


Petit Aparté:


Ginger décide dans un épisode de parler de l'humour et s'attarde quelque peu sur une citation bien connue :


"On peut rire de tout, pas avec n'importe qui."


Cette citation serait apparemment mal utilisée. Il y a toujours des gens pour venir dire ça. Mais jamais aucune explication ne m'a convaincu. Peut-être parce que 'ceux qui savent' expliquent mal ? Ou bien parce qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils pensent la même chose. Ici, Ginger explique : communément, les gens interprètent mal et s'imaginent qu'on peut faire des blagues sur tout, mais pas devant n'importe qui parce que des personnes pourraient s'offusquer, prendre la mouche ou pleurer ; ce n'est pas ça que Desproges a voulu dire, il faut plutôt prendre la phrase comme ceci : on peut blaguer de tout mais si on le fait avec certaines personnes, elles risquent de penser que vous êtes sérieux sur le fond, que ce n'est pas qu'une simple blague. Ce n'est donc pas l'idée que l'on puisse vexer des gens qui ne comprennent pas que c'est une blague mais celle que l'on puisse induire des gens en erreur, qu'ils prennent pour sérieux quelque chose qui ne l'était pas (par exemple faire sur les juifs devant Hitler, s'il rigole ce sera parce qu'il ne les aime pas, ce ne sera donc pas un rire anodin).


Au fond, s'offusquer parce qu'on ne trouve pas la blague drôle ou bien supposer un fond sincère dans une blague raciste purement amusante, est-ce que ce n'est pas un peu la même chose ? C'est-à-dire qu'on se retrouve face à des gens qui ne comprennent pas que ce n'est qu'une blague, rien de plus. Ben oui, les gens qui s'offusquent, ils considèrent que la blague peut être mal interprétée, que c'est trash, que c'est nier la portée des mots... c'est donc nier le côté purement amusant de la répartie. Dans les deux cas la blague n'est pas comprise et l'audience prête des intentions particulières au blagueur. Dans les deux cas, la signification de la citation est sensiblement la même : on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui, car certains se fâcheront, d'autres penseront que vous êtes réellement raciste et riront de bon coeur avec vous parce que vous êtes raciste


En écoutant la suite du sketche, puisqu'en fait, il y a une suite à "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" j'en comprends autre chose. Puisque Desproges précise qu'il n'a pas trop envie de se marrer face à Staline, je me dis que ce n'est pas par peur de créer un lien comme Ginger le dit, mais simplement que lui n'a pas envie de rire. L'idée ne serait donc pas, quand on dit qu'on ne peut pas rire avec n'importe qui, de dire que les autres ne rigolent pas comme il faudrait, mais simplement que soi-même on n'a pas envie de se marrer à ce moment là.


Enfin je crois... je ne sais pas. Je n'ai pas vu l'entièreté du sketche. Mais si vraiment il doit y avoir une autre interprétation que celle que les gens font d'habitude, je pense que celle-là colle mieux. Parce que toutes les fois où on essaie de m'expliquer cette autre raison, je n'y vois qu'une très petite nuance qui me fait dire que mon interlocuteur doit être un peu con de prendre la mouche pour si peu de différence. Tandis que rejeter sur soi la faute, c'est aussi aborder les conditions pour faire une blague, il faut qu'on ait envie de faire la blague. Et puis on ne fait pas les mêmes blagues, ni de la même manière, avec des gens différents. Par exemple, j'ai certains amis qui n'ont pas le même sens de l'humour que d'autres amis, je vais donc filtrer ce que j'ai envie de dire à un groupe ou l'autre. Donc, je rigole de tout, mais pas avec n'importe qui. Je choisis mon audience. Et j'en reviens une fois de plus à la croyance populaire.


Et pour terminer, au cas où je me gourerais complètement sur les interprétations, que je n'aurais rien compris, j'ai envie de dire... pourquoi ne peut-on pas se réapproprier la phrase ? De toutes façons, une majorité de gens ne savent même pas qui ils citent en la répétant... Et puis la langue est vivante, elle est là pour évoluer, pour qu'on en modifie le sens ; cela vaut autant pour les mots (haaa les râleurs qui ne supportent pas les modifications annuelles du dictionnaire) que les citations. Evidemment, on ne va pas changer le sens de la phrase toutes les semaines, mais puisqu'une majorité semble préférer ce sens populaire, pourquoi ne pas juste accepter que ce soit une citation 'mal comprise' à la base et qui sera dorénavant acceptée comme telle. Parce que, vraiment, les gens qui râlent pour ça, au fond, j'ai surtout l'impression qu'ils veulent mettre en avant leur connaissance (un peu comme les bouffons qui tiquent quand on dit 'aujourd'hui' ; certes c'est un pléonasme, c'est bien de le savoir, mais faire la remarque dès que possible, c'est idiot, parce que l'expression est restée dans la langue française... un peu comme les expressions être PD comme un phoque : cela n'a rien à voir avec l'animal mais avec la voile, et ça s'écrit foc, mais on s'en fout - en plus c'est comique de s'imaginer que les phoques sont tous des gros pédés).


J'en reviens à la critique de la série.


Comme pour beaucoup de youtubeurs, l'enrobage n'est pas terrible : on voit Ginger de face le plus souvent. Parfois elle illustre ses propos avec des images très premier degré, ou bien met des images de ville sans lien avec ce qui est dit. Une mise en scène assez nulle, vous l'aurez compris. Parfois le son n'est pas terrible, surtout au début. L'auteur semble ne jamais désirer améliorer tout cela, et ainsi les décors resteront aléatoires jusqu'à la fin tandis que le son est inégal : parfois il est bon, parfois non. La réalisatrice le dit elle-même dans un de ses épisodes : l'image n'est tellement aps importante que lorsqu'elle a rencontré un problème technique elle a juste mis l'audio. Et effectivement, ses épisodes s'écoutent : on peut faire autre chose en même temps. Dans ce cas pourquoi privilégier Youtube ? Certes, cela permet une meilleure visibilité (c'est là que tout le monde va), mais c'est tellement peu construit que c'en est bien triste, à nouveau on réduit Youtube à bien peu de choses. Au moins elle n'essaie pas, ici, de faire des courts-métrages introductifs, car souvent les youtubeurs se plantent lamentablement (d'ailleurs elle le fait dans 'Adaptation').


Ginger gesticule beaucoup trop, cela déforce un peu son discours, sa tenure. Mais, elle a une belle voix, elle articule très bien, elle explique très bien et n'abuse pas du jumcut (il me semble que dans certains épisodes, c'était un peu limite quand même). La musique (qui sert de fond sonore) est moins désagréable que dans "Adaptation" mais reste parfois un peu trop envahissante.


Bref, ça se regarde bien plus que "Adaptation" ; les derniers épisodes m'ont moins plu mais ce n'est pas pour autant que j'oublie les premiers qui étaient bons, du coup je ne peux me résoudre à mettre moins de 6/10.

Fatpooper
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le 3 août 2018

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