Une quête poignante d'émancipation et d'identité

(8.5/10)

Sortie en 2020 sur Netflix, Unorthodox est une mini-série de quatre épisodes qui plonge les spectateurs dans l’histoire captivante et émotive d’Esther “Esty” Shapiro, une jeune femme fuyant sa communauté juive ultra-orthodoxe à New York pour commencer une nouvelle vie à Berlin. Basée sur les mémoires de Deborah Feldman, Unorthodox est une œuvre saisissante qui aborde des thèmes complexes tels que la quête d'identité, la liberté individuelle, et la tension entre tradition et modernité.

Unorthodox est une série remarquable par la force de son récit, sa réalisation subtile et ses performances d’acteurs impressionnantes, notamment celle de Shira Haas dans le rôle d’Esty. La série explore avec sensibilité les pressions exercées par une communauté religieuse conservatrice sur ses membres, tout en offrant un portrait nuancé et authentique d'une femme qui lutte pour se réapproprier son corps, sa voix et sa liberté. Bien que certains aspects de l'intrigue puissent sembler rapides ou condensés, la série parvient néanmoins à raconter une histoire profondément émotive et inspirante.

Au cœur de Unorthodox se trouve l’histoire personnelle d’Esty Shapiro, magnifiquement interprétée par Shira Haas. Esty est née et a grandi dans une communauté hassidique ultra-orthodoxe à Williamsburg, Brooklyn, où la vie est strictement régie par des règles religieuses et des traditions rigides. Dès le début de la série, il devient clair qu'Esty se sent étrangère dans ce monde où son rôle de femme est prédéfini et contraint. Elle est mariée à Yanky Shapiro (Amit Rahav), un homme doux mais aussi prisonnier des attentes imposées par leur communauté.

L'un des points les plus intéressants de la série est la manière dont elle dépeint l’oppression subtile mais omniprésente d’Esty. Ce n’est pas seulement l’autorité masculine qui pèse sur elle, mais l'ensemble de la structure sociale et religieuse qui étouffe ses aspirations personnelles. Le contrôle exercé sur les femmes dans la communauté hassidique est abordé à travers des détails intimes : la manière dont elles doivent se raser la tête après le mariage, le fait qu’elles soient jugées principalement sur leur capacité à procréer, et les attentes rigides quant à leur soumission et leur devoir familial.

La décision d’Esty de fuir à Berlin est un acte courageux, un saut vers l’inconnu. Ce voyage, tant physique qu'émotionnel, marque le début de sa quête de liberté et d'autonomie. La série raconte cette transition de manière très émotive, en montrant comment elle s’efforce de se libérer des contraintes de son ancienne vie tout en cherchant à comprendre qui elle est réellement en dehors du carcan de sa communauté.

L'une des forces de Unorthodox réside dans les performances de ses acteurs, et en particulier celle de Shira Haas dans le rôle d'Esty. Haas parvient à capturer avec une intensité incroyable la vulnérabilité et la détermination de son personnage. Son jeu, tout en subtilité, montre l'évolution d'Esty, de jeune femme oppressée à une personne qui commence à découvrir sa propre voix. Son visage expressif, souvent silencieux, en dit long sur les émotions qui bouillonnent en elle : la peur, la confusion, mais aussi une force intérieure qui ne demande qu'à éclore.

Amit Rahav, qui joue le rôle de Yanky, le mari d’Esty, livre également une performance touchante. Son personnage, bien qu’ancré dans les traditions et les attentes de la communauté, n’est pas un antagoniste au sens classique. Il aime Esty à sa manière, mais il est prisonnier des mêmes règles sociales qui étouffent leur relation. Cela rend son personnage plus nuancé, et la série évite de tomber dans une opposition simple entre "opprimé" et "oppresseur". Yanky est un produit de son environnement, tout comme Esty, et sa propre quête de réconciliation avec ce que l'on attend de lui est un autre aspect intéressant de l'intrigue.

Jeff Wilbusch, qui incarne Moishe, le cousin de Yanky envoyé à la poursuite d’Esty, ajoute une touche de tension à la série. Moishe est un personnage plus sombre et troublé, symbolisant à la fois la menace et le désespoir d’une vie où la liberté individuelle est écrasée par les exigences communautaires. Ses scènes avec Esty sont tendues et révélatrices des conflits internes que chaque personnage traverse.

Unorthodox est magnifiquement réalisée par Maria Schrader, qui parvient à capturer avec une grande authenticité la dualité entre les mondes d'Esty : l’univers clos, étouffant et contrôlé de Williamsburg, et la liberté effervescente et désordonnée de Berlin. La série alterne habilement entre ces deux réalités, à travers des flashbacks qui dévoilent petit à petit le passé d’Esty et les événements qui l’ont poussée à fuir.

La juxtaposition visuelle de ces deux mondes est l’une des grandes réussites de la série. Les scènes à Williamsburg sont souvent filmées de manière très structurée, avec des cadres serrés qui évoquent l'enfermement et la rigidité. En revanche, les scènes à Berlin sont ouvertes, lumineuses, et souvent filmées dans des espaces vastes, symbolisant la liberté retrouvée d'Esty et les possibilités infinies qui s’offrent à elle. Ce contraste visuel aide à renforcer le thème central de la série : la quête de liberté face à l'oppression.

La bande-son de la série, composée par Antonio Gambale, est également parfaitement adaptée. La musique, discrète mais évocatrice, accompagne les moments d'émotion sans jamais les submerger. Elle devient particulièrement puissante dans les scènes où Esty découvre la musique classique à Berlin, qui joue un rôle central dans son émancipation. La musique est, pour Esty, une porte vers une nouvelle forme d'expression de soi, un moyen de s'évader de sa vie passée.

Un des aspects les plus fascinants de Unorthodox est la manière dont la série traite des tensions religieuses et culturelles. Plutôt que de critiquer ouvertement la communauté hassidique, la série s'efforce de montrer les subtilités et les complexités d'une vie régie par la tradition religieuse. Il ne s'agit pas d'un rejet total des pratiques religieuses, mais plutôt d'un questionnement sur la place de l'individu au sein de la communauté.

À travers le parcours d’Esty, Unorthodox interroge la difficulté de se réinventer dans un monde moderne tout en restant attaché à ses racines. La série montre comment la religion et la culture peuvent être à la fois une source de réconfort et d'identité, mais aussi de contraintes et de douleur. La communauté hassidique est présentée de manière nuancée : certains de ses membres sont sincèrement attachés à leurs traditions, tandis que d'autres, comme Moishe, cherchent eux-mêmes à échapper à son contrôle.

L'une des réussites de la série est qu’elle ne condamne pas de manière simpliste la religion ou la tradition, mais qu’elle explore plutôt comment ces forces peuvent interagir avec les désirs individuels d'autonomie et de liberté. Esty aime certains aspects de sa culture et de sa communauté, mais elle ne peut plus tolérer les restrictions qu'ils imposent à sa liberté personnelle. Ce conflit interne est au cœur du récit, et c’est ce qui rend son parcours vers l’émancipation si émouvant et complexe.

Bien que Unorthodox soit une série globalement réussie, elle présente néanmoins quelques défauts mineurs. Certains spectateurs pourraient estimer que la série, en raison de son format en quatre épisodes, traite parfois certains aspects de manière trop rapide ou abrégée. La transition d’Esty vers sa nouvelle vie à Berlin, par exemple, semble parfois un peu précipitée, et certaines des difficultés qu'elle aurait pu rencontrer dans ce nouveau monde sont éludées.

De plus, le personnage de Moishe, bien qu’intéressant, aurait peut-être pu bénéficier d’un développement plus approfondi. Son rôle de « chasseur » qui traque Esty à Berlin apporte une certaine tension narrative, mais ses motivations et son passé sont laissés en grande partie dans l'ombre. Un éclaircissement de ses propres luttes avec la communauté aurait pu ajouter une dimension supplémentaire à son personnage.

Unorthodox est une mini-série poignante et émouvante qui raconte avec sensibilité et profondeur la quête d'une femme pour la liberté et l'auto-détermination. Grâce à une réalisation subtile, un scénario habilement construit, et des performances exceptionnelles, notamment celle de Shira Haas, la série parvient à capturer l’essence d’un parcours d’émancipation tout en respectant la complexité des tensions religieuses et culturelles qui en découlent.

En explorant des thèmes tels que l’identité, la tradition, et la liberté individuelle, Unorthodox s’impose comme une œuvre puissante et nécessaire, qui offre à la fois un aperçu fascinant d’une communauté fermée et une réflexion universelle sur la manière dont nous nous redéfinissons face aux attentes de la société. C’est une série qui résonne longtemps après que les crédits aient défilé, et qui rappelle la force du désir humain de liberté et d’épanouissement.