Comme toute oeuvre d’anticipation, Upload soigne d’abord son univers. Sans surprise, nous sommes dans un monde “futuriste mais pas trop” (l’action se déroule en 2033). L’humain est de plus en plus absent du monde. Les voitures sont automatisées. Les magasins sont automatisés. Mais la grande révolution technologique, c’est le Upload.
Le Upload consiste à transférer les souvenirs, la personnalité d’un individu pour qu’il puisse continuer à vivre dans une sorte d’éternité virtuelle.
C’est exactement ce qui arrive à Nathan Brown. Jeune programmateur informatique travaillant sur un Upload pour personnes défavorisées, il était en pleine réussite. Son programme est sur le point de se vendre, il est fiancé à Ingrid, il a un avenir radieux face à lui.
Sauf qu’il est victime d’un improbable accident de voiture automatisée. Il a alors une terrible décision à prendre : faire appel à la chirurgie, avec tout son lot d’imprévus dans une situation aussi critique, ou accepter d’être “uploadé” dans les serveurs de la meilleure entreprise du marché, Lakeview, de Horizen. Venant d'une famille modeste, Nathan sait qu’il ne pourrait pas se permettre un tel luxe, mais c’est sa fiancée qui le pousse dans cette direction, elle qui vient d’une famille richissime.
Bien entendu, le premier épisode va surtout être consacré à la découverte de ce nouvel environnement. Tout a été fait visuellement pour nous montrer que nous sommes dans une réalité virtuelle. Le reflet du soleil dans l’eau du lac s’avère être un GIF. Quelques bugs sont un peu trop voyants. Quelques ratés de programmation apparaissent ici ou là. Certains détails sont vraiment très drôles, comme cette scène où Nathan découvre qu’aux urinoirs, quoi qu’il fasse, il ne peut jamais louper sa cible…
A cet aspect d’anticipation vaguement cauchemardesque et doucement comique à la fois, va s’ajouter une romance certes prévisible mais qui satisfera ceux qui apprécient le genre. Chaque “upload” (comprenez : une personne qui a été téléchargée dans un des serveurs) a un “ange gardien” chargé de répondre à ses questions ou satisfaire ses besoins (si on a les moyens de se le permettre, bien évidemment). L’ange gardien de Nathan s’appelle Nora. Sa vie est un peu pourrie : son père est mourant (et refuse de se faire uploader), le boulot est guère gratifiant, et la vie moderne favorise encore la solitude et les rencontres sans lendemain.
Mais Nora et Nathan vont sympathiser. Ce qui est, bien entendu, totalement interdit par le règlement, et pour cause : Nathan, en fin de compte, n’est qu’une suite de données stockées dans de la mémoire informatique. Dans le vrai monde, il est tout simplement mort. Une liaison de ce type enfreint les règles, transcende les frontières entre réel et virtuel.
Et c’est toute la question qui va se poser, de façon subtile. Qu’est-ce qu’un individu ? Qu’est-ce qui fait notre personnalité ? Sommes-nous la somme de nos souvenirs ? De nos sensations ? Est-ce que ce qui fait notre personnalité peut se résumer à quelques images du passé ? Suffit-il d’un avatar créé par ordinateur pour exister vraiment ? D’où viennent les sentiments ?
Upload se demande aussi si la vie virtuelle, c’est quand même de la vie… Ainsi, les personnages uploadés ne changent plus. Le problème se pose, par exemple, pour un jeune garçon upoadé à l’âge de 12 ans. Maintenant, il devrait en avoir presque 19, mais son corps reste celui d’un pré-ado. Ses anciens potes le fuient maintenant, parce qu’eux ont bel et bien 19 ans, dans le monde réel, et que passer du temps avec des filles (par exemple) est plus intéressant pour eux que jouer aux Pokemon avec un garçon.
La vie à Lakeview est ainsi une vie figée, où rien ne change, comme ce GIF qui repasse en boucle, indéfiniment. Et, à coup sûr, ce qui ne change pas, c’est le niveau social.
La série se fait, assez rapidement, la critique d’un capitalisme qui est définitivement prêt à tout transformer en marchandise. Désormais, même l’après-vie est devenu un objet potentiellement rentable. Les “résidents” de Lakeview sont assaillis de publicités, et l’entreprise propose toute une série d’améliorations optionnelles payantes, depuis le paquet de chips jusqu’à la thérapie animalière. Très vite, on se rend compte que l’après-vie reproduit les mêmes inégalités sociales que la “vraie vie”. C’est ainsi que le voisin de Nathan (interprété par William B. Davis, le fameux Homme à la cigarette de X-Files) n’est autre qu’un ultra-richissime chef d’entreprise qui, non seulement va pouvoir tout se permettre, mais en plus gagnera plus que les autres résidents.
Ce problème financier se posera aussi à Nathan. Venant d’une famille modeste, il ne peut pas se payer cet upload luxueux, et c’est sa fiancée Ingrid qui finance tout. C’est elle aussi qui peut, du jour au lendemain, décider de l’effacer complètement. La vie d’un uploadé est extrêmement précaire, et entièrement dépendante de celui ou celle qui finance son séjour post-mortem.
Les scénaristes de la série parviennent ainsi, par le biais de ce monde virtuel, à rendre palpable des réalités complexes : inégalités sociales, voracité du capitalisme, précarité de la vie…
Et si tout cela ne suffisait pas, à la comédie, à la romance, aux réflexions, s’ajoute un thriller. Mais de cela, nous ne parlerons pas, pour ne rien divulguer… Sachez seulement que la tension ira croissant tout au long de cette saison.
Une première saison qui file à toute allure. Sur les dix épisodes, neuf durent une demi-heure maximum, et le pilote fait 45 minutes. Autant dire que le rythme est soutenu. Les personnages sont attachants, la série est plus complexe qu’elle n’en a l’air de prime abord et les scénarios savent explorer les différentes facettes de la situation. Il ne reste plus qu’à espérer une seconde saison.
[7,5]
Article à retrouver sur LeMagDuCiné