Pascal a certainement écrit cette pensée en direction des téléspectateurs de Vendredi tout est permis avec Arthur. Mais contrairement à mes autres opinions sur les émissions débilisantes de TF1, je ne vais pas m'acharner sur les spectateurs des émissions, mais davantage sur la question suivante : pourquoi a-t-on besoin de ce genre d'émissions de divertissement ?
L'aphorisme pascalien s'applique plus ou moins à beaucoup de situations. Il suffit de se demander ce que ferait un homme sans avoir l'occasion de se divertir. John Stuart-Mill pense qu'il s'agit là de la définition du bonheur : "Seuls sont heureux ceux qui ont l'esprit fixé sur autre chose que leur propre bonheur." Être diverti de sa recherche du bonheur, c'est là être heureux. Or pour la plupart des gens aujourd'hui, être heureux, c'est gagner sa vie, avoir assez d'argent pour s'acheter la moto de vos rêves, le voyage en Malaisie ou autres concerts de Justin Bieber. Et pour cela on supporte un mal temporaire : le travail. Bon. Mais pour ne plus penser à cette recherche du bonheur, il nous faut à tous des palliatifs, tant selon Pascal que selon J. Stuart-Mill. Il faut que quelqu'un nous détourne l'attention un instant, de telle sorte qu'on ne se morfonde pas dans une réalité exécrable, et qu'on ne parvient pas à embellir.
Et Dieu inventa la fin de l'hypocrisie dans le divertissement débilisant.
Avant, on avait des divertissements débiles mais qui ne l'assumaient pas. Koh-Lanta, Star Academy, Secret Story. On n'acceptait pas tellement de se dire que ce qu'on présentait à la France le vendredi soir ne faisait pas tellement avancer le QI global... Pourtant, avec ces audiences fabuleuses que propose un créneau comme le prime du vendredi soir, il faut se dire qu'on doit pouvoir permettre à un dixième de la France de se sortir la tête du trou noir et inconséquent que représente leur recherche du bonheur pour les faire pénétrer dans une séquence joyeuse, harmonieuse, innocente et insouciante, où on s'amuse. Alors vous me direz, il y a forcément beaucoup de Français qui s'en passent et qui ne se suicident pas pour autant. Mais peut-être parce que l'émission d'Arthur est l'ultime accomplissement de la vie par procuration qu'est la TV pour le téléspectateur type. Cette émission n'est finalement qu'une soirée beauf où on passe le temps en faisant des jeux. En soi, c'est à la portée de tout le monde que de faire ça...
Je disais donc que cette émission assumait totalement sa propre débilité. Pourquoi ?
Tout simplement dans le fait qu'elle ne fait que présenter des clowns, des gags, des blagues (éclats de rires forcés toutes les 5 secondes en moyenne selon mes notes), sans aucun fil conducteur, sans aucun but prédisposé, sans aucun autre enjeu que de provoquer des rictus sur tous nos visages apeurés de l'immensité de la vie. Je pense que c'est là l'expression la plus aboutie de ce qu'est devenue une société du spectacle : lorsqu'on fait l'autruche sur ce qui se passe dans notre vie, on veut qu'il y ait une TV sous terre. C'est cela qui nous "divertit" de notre réalité. C'est symptomatique d'une société qui a un besoin vital de s'échapper hors de sa réalité. Ces émissions sont en quelque sorte des soupapes de sécurité qui permettent à la cocotte minute de ne pas exploser : Vendredi tout est permis, c'est le rempart contre des vagues de suicide collectif. Vous comprendrez pourquoi j'ai du mal à démolir complètement cette émission...
En évitant soigneusement de donner un propos cohérent, d'établir une quête sur tout le long de l'émission, un but, Arthur fait de son émission le divertissement par excellence : ce qui divertit, qui aiguille ailleurs. L'objectif affiché unique : faire rire. Pas de trait d'esprit, pas d'érudition particulière (sinon ça finit en bide et tout le monde vous montre du doigt). Non non : on veut rire aux éclats !! Dommage, on aurait pu le faire d'une manière un peu plus intelligente qu'en se tapant dessus ou en beuglant des mots incompréhensibles. La plupart des jeux repose sur le ridicule, le beuglement, les chutes, etc. Clownesque sans intelligence.
Tel le roi s'ennuyant fermement sur son trône et refusant de voir son royaume s'écrouler, on appelle un bouffon à son chevet pour qu'il nous détourne de notre réalité. Il est normal que la TV soit le medium le plus touché par cette vague de divertissements : après tout, elle est le filtre vers la réalité le plus populaire. Passez quelque chose à la TV, et vous êtes assurés que 80% des gens qui la regardent y croiront dur comme fer. Bébé-homme a donc besoin de son biberon-Arthur, sinon il saute de son berceau.
Bon sinon ils ont dit que Rammstein c'était pas de la vraie musique dans l'émission que j'ai vue. Pour cela tu mérites même pas 5 Arthur.