Vikings
7.4
Vikings

Série Prime Video, History (2013)

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Un irrépressible désamour auquel je dois me résigner.

Si vous n'avez pas visionnés cette série et que vous souhaitez la découvrir prochainement, ne lisez surtout pas mes propos. Mon avis est très général et survole ainsi l'ensemble des saisons. Je n'utilise pas l'indicateur des "spoiler" puisque je dévoile sans cesse des éléments spécifiques de l'intrigue : autant vous prévenir d'emblée pour éviter de camoufler tout mon discours.


Après ce bref message d'avertissement, je peux commencer à retranscrire ma vision très mitigée de Vikings. Bien que subjugué par les premières saisons de cette série, j'ai cédé à un sentiment de lassitude grandissant depuis la mort de Ragnarr Loðbrók. Mais je dois être honnête : je n'adhérais pas du tout à l'opinion selon laquelle le déclin de la production remonterait au décès du protagoniste incarné par Travis Fimmel. Hélas, je suis obligé de reconnaître à mon tour que je regrette la disparition de ce monarque nordique si charmant. Je suis pourtant convaincu que le trépas de Ragnarr ne devait pas inévitablement sceller le sort de cette série. Je m'attendais à un renouveau ambitieux, avec son lot de personnages captivants et des enjeux marquants - l'objectif n'a clairement pas été atteint de mon point de vue. Cette attente n'a pas du tout été comblée. Tout d'abord parce que les escapades en terres anglo-saxonnes se soldent par un arrière-goût d'inachèvement bâclé.


De façon parallèle, les péripéties entre les héritiers prennent une tournure artificielle et surréaliste qui contraste avec l'esprit plus mesuré dans lequel évoluait les premières saisons. On se voit davantage confronté à des bribes caricaturales de Ragnarr qu'à ses enfants, comme si des fragments éparses de sa personnalité se manifestaient plus ou moins sous nos yeux à travers ses successeurs aussi proches que lointains. Ce pari de la désunion familiale était risqué et n'a pas su porter ses fruits. Notons aussi que j'étais auparavant indulgent avec le caractère passable du jeu des acteurs. Sûrement dans la mesure où je me laissais éblouir par l'attractivité que dégageait Ragnarr. A présent, je n'arrive plus à être ensorcelé et les mimiques grimaçantes de l'acteur incarnant Ivar le Désossé me laissent songeur. Ses proches du même âge ne valent guère mieux et ne me "séduisent" en aucune façon. Je trouve même que Björn a subi une vraie involution. Notre robuste et vaillant Scandinave a régressé au point de n'être plus que l'ombre de lui-même, agissant comme un buffle écervelé en pleine mêlée. Je suis peut-être trop rude avec ce brave garçon, mais ce personnage portait de belles promesses et annonçait de fantastiques péripéties. C'est du moins ce que je croyais avant de faire connaissance avec un monstre de glace peu ou prou attardé.


L'élasticité chronologique très curieuse de la série commence aussi à poser de sérieux problèmes de compréhension - si la série est censée évoluer dans le temps, encore faut-il savoir situer ce dernier. Nous ne pouvons plus nous borner à des délimitations abstraites ni à des contours flous quand les générations doivent se succéder. Autre inconvénient à signaler : des commentateurs ont déjà pu mentionner des aberrations très contemporaines qui n'ont pas lieu d'être dans le monde scandinave d'antan et je les rejoins dans leurs rectifications salutaires. En effet, les femmes nordiques n'étaient pas des guerrières impétueuses de haut rang et ne portaient généralement pas les armes. Les esclaves ne bénéficiaient pas d'une pareille indulgence à la cour des rois et les Vikings ne se bornaient pas à des activités de pillage ni à réaliser de somptueux carnages. Il s'agissait bel et bien de navigateurs chevronnés et de commerçants méticuleux avant toute chose. Et les Scandinaves n'ignoraient pas l'existence des îles britanniques au IXe siècle, nous ne sommes pas en présence de communautés hermétiques frôlant la dérive sectaire ou de contrées isolées au milieu de l'océan.


Sinon, j'ai été poussé à rédiger cette critique par mon très récent visionnage du premier épisode de la sixième saison (attention aux révélations gênantes). J'ai été absolument scandalisé par l'indigence de la recherche historique qui entache ce dernier volet. Cette absence totale de rigueur est consternante et je ne peux pas cautionner cette dérive pour une série aux prétentions "historicisantes". Les marges de manœuvres fictives sont évidemment nécessaires et les fausses notes précédemment évoquées me paraissaient tolérables. Mais connaissant quelque peu la Rus' de Kiev, je ne peux pas cacher que je suis encore horrifié par ce que j'ai vu. Je profite de ce message pour apporter des corrections indispensables : non, Oleg le Sage n'avait absolument pas du tout embrassé le christianisme byzantin ! Il faut attendre le règne plus tardif de Vladimir de Kiev pour assister au baptême de la Russie kiévienne. Oleg était un "païen" convaincu au même titre que ses homologues d'Europe du Nord à cette époque. Pourquoi s'autoriser une distorsion aussi mystérieuse des faits ? Pourquoi une telle occultation du système de croyances ancestrales des Varègues qui régissaient Kiev ? Que signifie cette approche à mille lieues de la réalité culturelle, religieuse voir géopolitique de l'Etat semi-légendaire fondé par Riurik ? Vous m'aurez compris : cette "omission" d'un des traits fondamentaux de la Rus' de Kiev me chagrine fortement. Et sans vouloir m'enfoncer dans les détails, le portrait qui est brossé d'Oleg le Sage est bien trop affreux pour lui convenir : Oleg le SAGE devient ainsi un épouvantable tortionnaire sans scrupule, un tyran cruel et primitif, un sociopathe d'une perversité inouïe. Quant à Ivar, il est toujours plus exécrable et insipide à la fois.


Et comment se poursuivent les évènements à Kattegatt, sinon ? Björn le Buffle se tourne vers des idéaux humanitaires, il prêche l'amitié entre les peuples et revendique des principes généreux. J'ai conscience d'exagérer cette "métamorphose", mais nous voilà maintenant en contact d'un roitelet soucieux de montrer ses libéralités. Inutile de me rappeler que les monarques nordiques sont censés être plus souples que leurs voisins méridionaux (notamment avec le système de direction collégiale du Thing). J'ai seulement cru que Björn, épris de justice et sur le chemin de l'illumination philanthropique, n'allait pas tarder à proposer une Constitution à ses sujets pour encadrer ses pouvoirs. Ou proposer la mise en place d'un marché commun à tous ses voisins de la Baltique ? J'avais déjà eu de sérieuses difficultés avec les élucubrations sceptiques très contemporaines de Ragnarr en matière de religiosité, son rapport distant à la foi, ses interrogations avant-gardistes dignes d'un théoricien d'inspiration spinozienne (voir d'un précurseur des Lumières à bien des égards).


Ma conclusion sera limpide comme de l'eau de roche :


Non, je ne m'engagerai donc pas dans un nouveau florilège d'anachronismes aux côtés de Björn le bovidé humaniste. La physionomie grotesque d'Ivar m'exaspère plus que jamais - elle se confondrait presque avec la figure renfrognée d'un adolescent convoqué au poste de police. Quant à Oleg de Kiev, dont le pouvoir était officiellement reconnu par les Byzantins, il ne méritait pas de subir ce travestissement vicieux. J'espère de tout cœur que cette série ne se prolongera pas ad vitam æternam. C'est sûrement excessif de ma part ; il n'empêche que j'interprète ces dernières sottises comme de véritables actes de sabotage qui dépassent l'entendement de tout spectateur un minimum averti... Surtout quand on jouit d'une culture historique appréciable dont les auteurs de cette série n'ont décidément cure.

Torgsten
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le 7 déc. 2019

Critique lue 508 fois

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Torgsten

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