Les animés historique ne sont pas forcément ceux que j’ai le plus recherché niveau découverte depuis ma reprise en animé japonais. Pourtant les titres ne manquent pas et on peut remonter jusqu’aux années 70 avec Lady Oscar, alias La Rose de Versailles, narrant l’épopée d’une femme travestie en homme à l’aube et durant la Révolution française. Parmi ce qui s’est fait au fil du temps de plus populaire, Les Mystérieuses Cités d’or dans les 80’s, Kenshin le Vagabond durant les 90’s et Samurai Champloo au début des années 2000 rejoignent sans mal ce qui est le plus évident à citer dans le domaine : l’histoire de l’homme à travers le périple du ou des héros prend une place prépondérante indiscutable et n’est pas limité à un cadre même dans le cas d’un mélange de genre aussi délirant que celui proposé par Shinichiro Watanabe.
Tout cela pour dire qu’on n’était pas dans le simple habillage comme ça a pu être le cas dans d’autres animés tel que Baccano durant la prohibition ou Demon Slayer prenant place dans le Japon de l’ère Taishô. Traiter de l’histoire en y donnant une place aux personnages permet de donner beaucoup à ceux-ci, que ça soit de la grandeur ou du pathétisme, un rôle minimaliste cocasse ou simplement les réduire au rôle de spectateur. Et parmi ces animés, il y en a un qui a acquis une grande renommé à partir de sa publication en manga durant les années 2000 : Vinland Saga prenant place à l’ère des invasions Vikings s’inspirant fortement et librement de mainte saga islandaise dont la découverte de l’Amérique du nord par un certain Leif Ericson.
Alors que sa publication se poursuit : Wit Studio auréolé de leur adaptation à succès de L’Attaque des titans d’Hajime Isayama, est choisie pour une première saison qui comptera les 8 premiers tomes constituant le prologue à l’épopée du jeune Thorfinn, fils d’un grand guerrier viking mais ayant perdu de vue l’importance des choses après s’être tellement abreuvé de sa soif de vengeance envers celui qui a pris la vie de son modèle.
Pourtant, Thorfinn n’a jamais le statut de héros sur ces 24 épisodes. Dans les faits ça a été une excellente chose quant on voit tout ce que le reste a à offrir et à proposer en comparaison du jeune fils de Thors. La première chose qui rend Vinland Saga aussi frais et immersive selon moi, c’est qu’il fait une chose que bon nombre d’animé japonais oublient souvent de faire depuis la dernière décennie et avec la surproduction sur le sol japonais : il prend tout son temps pour construire sa mythologie et ses principaux personnages. C’est lent mais ça n’est jamais trop lent.
Le soin apporté à la figure paternelle de Thorfinn, Thors, en est un excellent témoin : guerrier à la retraite cachant son passé de guerrier à son village et sa famille, portant un regard sans haine et serein mais réaliste sur le monde barbare qui l’a entouré et sa quête de rédemption, et déjà en face d’un problème de taille avec son fils se tournant de plus en plus vers la soif de conquête et d’exploration et cultivant déjà un début de brutalité qui attend d’exploser. On se prend rapidement de respect pour Thors, qui fait partie des vestiges d’un temps passé et dont le glas sonne déjà le futur trépas
mais prendra 4 épisodes avant qu’il ne rende définitivement l’âme
le temps de confirmer sa sagesse mais surtout sa force face au premier grand antagoniste de cette série.
Antagoniste qui fera de plus en plus office de personnage central au détriment de Thorfinn et deviendra à son tour une figure d’un temps passé vivant le crépuscule d’une époque : Askeladd, fils d’Olaf (non, ne faites pas cette blague !). Charismatique, stratège fin et meneur d’homme reconnu mais d’une fourberie sans égale qui lui vaudra toute la haine de Thorfinn, Askeladd se révèle être un homme conscient de l’absurdité du monde dans lequel il évolue et ou il se soumet aux règles des hommes pour vivre, et est en quête d’un idéal
dû à son milieu et son éducation, étant fils d'une esclave et d'un seigneur qu'il haïssait
qui en font un personnage gris fascinant. Y compris dans la relation qu’il entretient avec le revanchard Thorfinn : tantôt chien de chasse qu’il manipule pour les besognes les plus compliquées, tantôt un guerrier dont il reconnait la valeur mais qu’il mène toujours par le bout du nez.
C’est, une fois passé les origines de Thorfinn tel qu’on le connait au début du manga durant les 8 premiers épisodes, par les pérégrinations d’Askeladd, que le monde de chaos se dénude. Wit Studio oblige : c’est beau, c’est abouti, c’est riche et surtout on reconnait le soin apporté au sens du détail avec les moyens qu’on leur connait. Avec ses teintes dominantes de bruns dans les habits, la nature embellie plus d’une fois sans céder à la contemplation gratuite et trop attardée mais tout en sachant donner des moments de perdition ou de réflexion sur l’instant présent
(Anne, bonne chrétienne anglaise contemplant une brume bleutée recouvrant partiellement le ciel, Askeladd philosophant sur les civilisations passées désormais éteintes)
, son petit souci du détail rendant crédible les épreuves traversées
(les engelures aux mains, les doigts coupés de Thorkell au premier duel)
ou le temps qui passe
(la peau de Bjorn et Askeladd un peu plus terni dans le dernier tiers de la série)
, sa patte colorimétrique si expressive dans l’image même pour les paysages les plus désolé comme au Pays de Galles, on n’en attend pas moins de la part des animateurs et des équipes du studio. Même la présence de la 3D clairement plus visible qu’avec un animé plus nerveux et horrifique que L’Attaque des titans est gérée comme il faut pour ne pas être intrusive durant les scènes de bataille, les déplacements en plans larges ou les duels.
D’autant que la tête du projet est un habitué des productions de Wit Studio, Shuhei Yabuta ayant acquis de l’expérience également sur l’adaptation du manga d’Hajime Isayama mais également sur d’autres titres reconnu pour avoir travaillé sur la 3D comme Parasite. En dehors de la flotte qui fait intrus quand elle est animée en image de synthèse sur certains plans larges (notamment en rase motte sur l’eau), il y a toujours un très bon travail d’intégration pour rendre les conflits incessants et les drames qui en découlent que plus criant de crédibilité. Mais aussi pour assumer l’épique et la fantaisiste de certains combats qui nous rappellent qu’on reste dans le domaine de la Japanimation avec ses dingueries qui n’appartiennent qu’à lui
(un guerrier géant qui envoie une lance qui embroche 5 soldats en une fois, Bjorn et ses champignons de Berserk, la charge des drakkars sur Terre, voilà on sait qu’on reste dans une production animée japonaise même si ça n’est pas l’essentiel de l’œuvre pour autant).
Le drame est quotidien dans les missions enchaînées par Thorfinn et les mercenaires d’Askeladd, mais elle permet plus d’une fois de délivrer un constat du monde dans lequel s’engouffre le fils de Thors sans chercher à le comprendre en dehors du prisme de la vengeance. Alors qu’à l’inverse, celui que traque Thorfinn fait preuve d’une maturité et d'une conscience qui détonne en comparaison de ses compagnons de route et d’un objectif plus noble en dépit de son absence d’honneur et de ses fourberies (la légende d’Avalon l’obsédant). Il cherche avant tout à survivre et à s’adapter dans un monde barbare ou le conflit a perdu tout son sens et ce quitte à partir en beauté s’il ne peut plus s’adapter à cet univers, au point que certains se battent soit par rancune personnel, soit parce que les circonstances les y poussent ou soit simplement pour l’extase du combat.
A l’instar d’un certain Thorkell, pur guerrier épicurien en personne qui trouve surtout son plaisir dans le combat (et la bouffe... bagarre et baston, c'est un choix de vie) quitte à trahir ses origines pour faire durer son bon plaisir,
mais qui tente de comprendre à sa manière l’attitude de son ancien ami Thors quant à sa définition du guerrier dans un monde barbare.
Ou encore du prince danois Knut, dont la silhouette et le visage aussi fins que féminins et délicat se raccordent avec sa timidité profonde et sa difficulté à s’imposer en raison de ses origines royales et des conspirations le guettant.
Mais qui aura aussi le droit à une prise de conscience impactante dans ce monde de chaos.
Et musicalement, le boulot est là et la musique se fond bien dans l’image et le ton ambiant, que ça soit les combats, les duels, les tragédies ou même les instants de contemplation mais les morceaux de Yutaka Yamada ne se distinguent que rarement les uns des autres, quelques exceptions sont notables mais on a connu des travaux plus abouties et plus mémorables dans l’horizon des animés japonais.
En revanche, impossible d’évoquer cette première saison sans évoquer de la nouvelle autour de son doublage français XXL absolument monstrueux. Avec Demon Slayer et Horimiya cette même année 2021 ou encore Jojo’s Bizarre Adventure dernièrement, la porte a été ouverte pour plusieurs comédiens ayant peu voire pas du tout d’expérience avec le monde de l’animation japonaise niveau doublage, et Vinland Saga laisse bouche bée face à autant de noms reconnus dans le milieu. Le premier d’entre eux, Féodor Atkine (voix de Jafar mais également du Docteur House et de V), est magnifiquement appliqué pour retranscrire la fourberie et la finesse stratégique d’Askeladd malgré l’âge qui se ressent dans sa voix mais qui fait corps avec l’âge rattrapant le guerrier. Tandis que Richard Darbois (Le génie dans Aladdin, Albator, Buzz l’éclair, Harrison Ford) nous fait l’honneur de la narration en voix-off à diverses occasions. Alexandre Nguyen n’en est pas à son premier doublage en animé mais ça fait plaisir de le réentendre à nouveau dans une série d’animation d’envergure et là encore, il est fidèle à l’esprit de son personnage en l’occurrence Thorfinn. Les gros noms sont fidèle à leur charisme habituel (Adrien Antoine, Gilles Morvan, Emmanuel Jacomy, Daniel Lobé ou encore Cédric Dumond), certains font actes de présences et d'investissement pour des rôles plus mineur bien qu’ils soient tout aussi expérimenté (Jean-Pierre Michael ou encore Pierre-François Pistorio et Emmylou Homs) tandis que les nouvelles voix comme Martin Faliu réussissent à se faire une place sans pour autant se faire dévorer par les autres comédiens. De même, les répliques sont de très bonne qualité et ne sont jamais trop cru ni retenu, le panache ne manque pas que ça soit pour la bastogne, ou pour des moments plus calme et propice au questionnement de soi ou du monde.
Prologue quasi irréprochable et aboutissant sur une note rouge et le crépuscule d’une époque, Vinland Saga installe énormément de base sans négliger le récit des figures tragiques, héroïques ou encore historique qui entourent Thorfinn. Bonifié par sa direction artistique et le savoir-faire des artistes de Wit Studio, cette adaptation des 8 premiers tomes fait honneur à la réputation du manga et on ne demande qu’à ce que ça continue prochainement avec l’arc des esclaves correspondant aux tomes 8 à 14. Rendez vous d'ici la fin de l'année ou 2022 !