L'art de saboter une œuvre

Pour expliquer la déception qu'a été pour moi la saison 2, je dois d'abord parler de la première. Vinland saga saison 1, c'était la guerre. Des barbus virils qui s'affrontent à l'arme contondante et ne s'arrêtent pas tant que le barbu viril d'en face (ou le civil innocent) n'a pas rendu son dernier souffle. Les combats hyper nerveux, les personnages follement charismatiques (coucou Askeladd), la plongée dans l'univers viking et la beauté des animations, tout cela rendait le récit très agréable à suivre, et je me souviens avoir passé un excellent moment du début à la fin.

Maintenant, concentrons-nous sur le message de l'œuvre : Vinland saga saison 1 fait-elle l'éloge de la guerre ? Forcément, certains personnages se le permettent (normal, on est chez les vikings) : c'est le cas de Thorkell par exemple, qui a dédié sa vie entière au combat. Notre héros, lui, est animé par une quête de vengeance : c'est ce qui le pousse à commettre des horreurs à répétition. Il le fait toujours avec cet air blasé, impassible, comme s'il accomplissait une tâche pénible. Il faudrait être idiot pour regarder la première saison de Vinland Saga et en ressortir avec l'idée que la guerre, c'est super. Parce qu'en tant que spectateurs, on sait évidemment faire la différence entre les combats à l'écran (qu'on prend un plaisir pas si coupable à suivre) et la véritable guerre, qui n'a rien de rigolo. Quand on regarde nos personnages préférés assassiner de sang-froid des dizaines d'individus, on ne se dit pas que ce qu'ils font est juste. Vous avez déjà entendu parler de catharsis ? Quand on regarde Thorfinn se battre, on se dit qu'il a trop la classe avec ses lames et ses cheveux longs, on espère qu'il va triompher et accomplir sa vengeance, non pas parce que tuer, c'est accomplir une œuvre morale, mais parce que c'est le héros et qu'on s'est attaché à lui, tout simplement. A-t-on conscience que ce qu'il fait est mal ? Evidemment, mais regarder la série nous permet de déchaîner nos propres pulsions naturelles de guerre, de violence et de mort, confortablement installé dans notre canapé, sans que quiconque (dans le monde réel, j'entends) n'ait à souffrir. C'est libérateur, ça fait du bien. C'est ça, la catharsis, et elle implique nécessairement de savoir faire la différence entre les images qu'on nous montre et la moralité de ces mêmes actions si elles étaient commises dans le monde réel.

Maintenant, mettez-vous donc en condition si ce n'est pas déjà fait. Vous venez de regarder la saison 1, vous avez eu votre dose de combats de vikings, d'adrénaline et de plot twists bien amenés, et vous avez hâte de découvrir la suite. Vous êtes bien conscients que ce qu'accomplissent les personnages principaux est moralement répréhensible mais on s'en fiche : quand on regarde un anime sur les vikings, on cherche le sang, la violence, un récit épique à suivre, et pas une porte d'entrée vers des questionnements éthiques bas-de-gamme. Si vous ne voulez pas être déçus comme je l'ai été, préparez-vous donc à la saison 2 en oubliant tout ça : Thorfinn, le "héros" a perdu jusqu'à la moindre parcelle de charisme, il est désormais un esclave dédié aux tâches agricoles, et n'espérez pas le voir reprendre son épée car il a réalisé toutes les horreurs qu'il a commises et jure de ne plus jamais se battre. Thorfinn applique maintenant une mentalité chrétienne à base de "frappe-moi, je tends l'autre joue", ce qui le pousse à se faire bully comme un collégien par la moitié des personnages secondaires. Le rythme du récit est désormais réglé sur le mode troisième âge, chaque épisode de 20 minutes paraissant durer le double. Chaque seconde de la saison 2 vous hurle à la figure que "la guerre, c'est pas bien quand même, et puis la paix c'est mieux". Sauf qu'on le savait déjà en fait.

Faisons quand même preuve d'un peu de bonne foi. Sur le papier, ça aurait pu être intéressant de faire réaliser à Thorfinn toute l'horreur et la vanité de ses actes : tous ces morts, était-ce bien nécessaire ? Berserk fait ça très bien : Guts est sans cesse hanté (au sens propre comme au figuré) par les fantômes de ceux qu'il a tués. Mais il est forcé de se battre, car c'est la seule chose qu'il sait faire, parce que d'autres ont besoin d'être protégés et que le monde ne lui laissera jamais de répit. A la fin de la saison 1, Thorfinn coche au minimum deux de ces trois cases. A mon sens, lui faire comprendre que sa quête de vengeance était une erreur est une très bonne idée. On aurait aisément pu lui donner un nouvel objectif, une nouvelle raison, plus noble cette fois-ci, d'employer ses talents au combat. A la place, on nous a donné une chiffe molle qui passe son temps à culpabiliser et à entretenir des champs de blé. Sans manquer de respect au métier d'agriculteur, je ne comprends pas comment qui que ce soit peut trouver un intérêt à regarder 9 épisodes (je me suis arrêté là pour ne pas devenir sénile, peut-être que ça continue) de ça. Surtout quand on a apprécié la saison 1 pour la nervosité de ses combats. J'irais même jusqu'à dire que le message tombe comme un cheveu d'hypocrisie sur la soupe : vous avez apprécié la série pour sa façon de montrer la guerre ? Vous avez eu tort, parce qu'en fait la guerre c'est mal. Sauf que non, monsieur l'auteur, tu ne me feras pas culpabiliser, car je sais faire la différence entre ce que j'apprécie à l'écran et dans le monde réel. Et t'étais bien content de me montrer cette violence de la façon la plus classe et épique possible dans la saison 1, alors la ramène pas.

Bref, si vous avez plus de 90 ans, que vous êtes absolument convaincus que tuer des gens, c'est super ou que vous êtes passionnés d'agriculture, je vous recommande chaudement la saison 2 de Vinland Saga. Dans le cas contraire, ne perdez pas votre temps, allez regarder au choix un autre anime de baston bien rythmé ou une œuvre au message plus subtil qui vous fera vraiment réfléchir. Car cette saison 2 de Vinland Saga échoue lamentablement à être les deux.