Hitomi, une jeune lycéenne passionnée d'athlétisme, a hérité des dons de voyance de sa grand-mère. Parfois, elle tire les cartes pour ses amies. Amoureuse du capitaine de l'équipe d'athlétisme du lycée, elle tente un soir de battre un record sous ses yeux pour l'impressionner. Surgit alors au beau milieu du stade un jeune garçon vêtu à la médiévale, qui s'attaque à un dragon apparu à son tour. C'est le Prince Van, qui amènera Hitomi dans le monde magique de Gaea où elle vivra une aventure fantastique...
Magie, merveilles, sorcelleries et dragons,... On connaît les ingrédients mais ce cocktail précis a été scénarisé par Shoji Kawamori et les férus d'animes savent bien que cet auteur-là ne fait pas les choses comme les autres. Ça tombe bien, on avait pas l'intention de revoir une histoire qu'on connaît déjà. Définitivement original et personnel, Vision d'Escaflowne nous propose une variante intéressante et plutôt innovante du genre heroic fantasy où se mêlent des relents de technologies fabuleuses oubliées depuis des éons et où la magie ne cède pas facilement aux effets spéciaux bon marché pour impressionner le spectateur.
La voyance en général et les tarots en particulier jouent un rôle déterminant dans cette (courte) saga, d'une manière sensible et fine rarement rencontrée dans les œuvres fantastiques, surtout sur un média visuel : si les dons d'Hitomi influencent les événements de l'histoire, ce n'est pas en prédisant simplement le futur mais plutôt en le modifiant. Car connaître l'avenir, c'est aussi souvent le changer, mais pas toujours comme on le voudrait bien sûr. On aborde ainsi un thème cher aux contes merveilleux mais qui ne tombe pas ici dans un déjà-vu souvent soporifique. D'autant plus que les « méchants » de l'histoire ont eux aussi leur propre manière d'influer sur l'avenir, peut-être pas aussi subtile mais en tous cas radicalement différente et qui enrichit l'œuvre d'autant plus...
Pour couronner le tout, le monde de Gaea lui-même sait se placer à part des clichés du genre : ici, pas d'elfes, d'orques ni de korrigans, le seul élément « classique » de l'heroic fantasy traditionnel étant les dragons mais dont l'influence sur l'ensemble reste mineure. Au lieu de ça, beaucoup d' « humains-animaux » qui, même en laissant de côté leur aspect shintoïste évident, portent un symbole intéressant dans cet univers où les sciences et les technologies ont provoqué la chute d'une civilisation prodigieusement avancée. Ce qui nous mène, plus ou moins logiquement, au mythe de l'Atlantide – dont l'influence est beaucoup plus importante qu'on le pense en général dans les mythes celtes traditionnels où l'heroic fantasy trouve une bonne partie de ses racines (1) – mais à nouveau d'une manière unique et personnelle qui ne devrait pas trop étonner tous les fans de Macross aux alentours puisque ceux-ci connaissent bien la passion de Kawamori pour les avions en particulier et les choses « volantes » en général – et celles-ci prennent ici une tournure pour le moins inattendue.
Si dans un premier temps l'intrigue semble assez banale, les événements et les personnages ne tardent pas à se combiner élégamment en un kaléidoscope dantesque servi à merveille par une bande originale onirique qui contribue magistralement à la magie de l'histoire – ce qui ne surprend plus de la part de Yoko Kanno et d'Hajime Mizoguchi. Puis les choses s'accélèrent jusqu'à un dénouement qui sait éviter de s'abîmer dans une simple bataille apocalyptique pour la victoire de l'Ordre contre le Chaos... Quand je vous parlais d'originalité. Si le Médiéval Fantastique est votre truc, vous en aurez pour votre argent et même plus. Beaucoup plus...
Pour une série du milieu des 90s, l'animation reste de bonne qualité. Les designs, souvent somptueux, sont dignes d'un Mamoru Nagano dans leur mélange intelligent et sensible de l'ancien et du moderne. Quant aux personnages, s'ils sont parfois un peu stéréotypés, ils savent néanmoins tirer leur épingle du jeu eux aussi et l'intrigue s'articule avec élégance autour de relations psychologiques qui, si elles manquent parfois de profondeur, savent toutefois tenir en haleine le spectateur avide de récits où abondent les sentiments... et les autres aussi car on apprend vite à s'attacher à toutes ces personnalités, pour de bonnes raisons.
Définitivement un classique pour moi : j'espère que vous l'apprécierez.
(1) voir à ce sujet l'ouvrage de Jean Markale, Les Celtes et la civilisation celtique (Payot, 1969, ISBN : 2-228-88498-7).