On a tous en tête le cas d’une série qui ne nous inspirait pas plus que ça. Elle se trouve en général parmi la multitude de séries qui traînent indéfiniment dans LA Liste (bien intercalée entre [une série culte qu’on s’est jurés de regarder un jour sans avoir le courage de lancer le premier épisode], et [l’énième saison d’une série qui aurait clairement dû s’arrêter bien avant]), et qu’on finit par lancer en désespoir de cause après avoir passé la dernière demi-heure à passer en revue l’intégralité du catalogue de [plateforme de streaming ôtant toute vie sociale] sans tomber sur la perle rare qui aurait trouvé grâce à nos yeux.
Non, toujours pas ? Pourtant c'est bien cette série-là : le pitch nous parle vaguement et on a déjà aperçu [acteur un peu connu, mais pas trop non plus] dans d’autres séries, ce qui donne l’occasion d’avoir cette fameuse discussion avec la personne qui partage notre vie (ça peut être votre chat, on ne juge pas) : « Mais si bien sûr que c’est lui, on l’a vu la dernière fois avec une autre coupe de cheveux ! Il jouait le flic veuf et dépressif, ouais la série policière éclatée au sol, bon il a pris un coup de vieux, bah voilà c’est lui » (je ne garantis pas la réponse du chat par contre). En appuyant sur Lancer l’épisode 1, on finit toujours par se dire intérieurement : « au pire, j’aurai perdu [1 à 10] heures de ma vie, mais ça sera toujours moins que les [10 à 100] heures passées à regarder cette série rincée qu’était [une série vraiment bien rincée]. ».
… Et c’est bien cette série qui, une fois tous les épisodes visionnés (ou binge-watchés en moins de 2 jours pour les plus déters), nous fait ressentir ce léger sentiment nostalgique qui nous prend à la gorge... Ce subreptice goût doux-amer en bouche lorsqu’on réalise que c’est fini alors qu’on commençait à se dire que, finalement, c’était loin d’être aussi mauvais que ça (et que c’était même bien, en fait).
Pour moi, VORTEX c’est ça. Ce n'est pas la série de la décennie, pas même de l'année, elle ne trônera jamais dans mon Top 10, mais elle a ce petit truc qui fait qu'elle t'accroche sans trop vraiment savoir pourquoi. Tout y était pour m’attirer et me repousser à la fois : une série française policière se déroulant dans la grisaille bretonne, des timelines qui s’entrecroisent et des paradoxes temporels à foison (bon ok j'adore les paradoxes temporels même si je ne comprends rien), des acteurs que j’apprécie et d’autres qui me sortent par les yeux…
Sans s’appesantir sur le pitch, le concept est aussi séduisant que casse-gueule : un flic enquête sur le meurtre de son épouse survenu 27 ans plus tôt, avec l’aide de cette dernière grâce à une faille spatio-temporelle qui permet au couple de communiquer et de tenter de changer le cours du destin. Malgré un budget qu’on imagine bien loin des productions américaines, la série ne s’en sort pas trop mal. Ok, parfois c’est cheap dans sa conception et les moyens alloués : ça se voit dans le vieillissement des personnages (la teinture grise c’est non) ou dans la pauvreté des décors qui ne permet pas de bien distinguer les deux timelines, mais également avec un scénario qui tourne parfois en rond et tente désespérément de créer des twists inutiles pour capter l’attention du spectateur… Le casting n’est pas non plus 4 étoiles : si Camille Claris s’en sort impeccablement dans un rôle qui aurait pu vite friser au ridicule, le jeu de Tomer Sisley semble plus limité et laisse perplexe lorsqu’il s’agit d’exprimer de la colère ou de l’incompréhension, de même que des seconds rôles fades et pas très bien exploités.
Oui mais voilà, si on peut continuer à faire la litanie de ses défauts, la force de VORTEX réside ailleurs. Dans son récit, resserré sur 6 épisodes sans réelle baisse de rythme dans son écriture, qui permet à une banale enquête policière de se voir agrémentée d’éléments de science-fiction et d’une touche fantastique assez intéressants. L’idée de base offrait un beau potentiel, et si la série reste parfois sur la retenue, elle n’en reste pas moins consistante. Certaines incohérences temporelles sont flagrantes ? Les réactions des protagonistes sont parfois surprenantes pour ne pas dire déconcertantes ? Oui, mais une cohérence globale permet à l’intrigue principale d’évoluer sereinement jusqu’à un final convenu mais très convenable.
N'y cherchez pas un joyau évident alors que c'est en réalité une pépite cachée qui ne demande qu’une chance pour briller : vous y trouverez alors un divertissement plus qu’honnête, de bonne facture et chassant allègrement du côté des thrillers d’anticipations anglo-saxonnes (productions BBC et autres Black Mirror). Pour cela, il faut accepter d'être pris dans le vortex.