Je déteste les teens-dramas, surtout les bons. Une fois terminé, ils arrivent à provoquer en moi un vide existentiel. Déjà, parce que je mets à avoir le béguin pour certains personnages (coucou Isak dans Skam, coucou Victor dans Love, Victor) et ça me rappelle que je suis toujours célibataire. Je jalouse leurs vies - pas toujours roses, je dois l’avouer -, les liens fusionnels qu’ils entretiennent avec leurs amis, leurs histoires d’amour passionnés, leur absence de questionnement sur leurs études ou leur avenir professionnel. Bref la belle vie.
Je me mets donc à culpabiliser en me disant que je suis passé à côté de mon adolescence et que ma vie n’est que médiocrité comparée à la leur.
Donc vous l’avez compris We Are Who We Are m’a laissé un profond manque à la conclusion de son huitième épisode.
Co-créé et réalisé par Luca Guadagnino (Call Me By Your Name, Suspiria (2018)) pour la chaîne de télévision américaine HBO. We Are Who We Are est un teen-drama composé de huit épisodes d’une heure environ qui, comme son nom le laisse suggérer, évoque la quête d’identité.
Fraser Wilson emménage sur une base militaire américaine en Italie, suite à la promotion de sa mère. Il va alors faire la rencontre d’un groupe de jeunes et plus particulièrement de Caitlin, sa voisine. C’est le début d’une grande amitié.
We Are Who We Are est une série assez contemplative et qui prend le temps d’instaurer une ambiance singulière pour chaque épisode. Les deux premiers épisodes plantent le décor et les personnages. Le premier dévoile Fraser, sa nouvelle vie et son tempérament, quant au second, il nous fait découvrir l’univers de Caitlin. Au fil de la saison, on passera par plusieurs atmosphères, la quiétude d’une soirée estivale non loin de Venise, l’ivresse de la célébration d'un mariage, la liberté d’une errance nocturne après un concert, mais aussi celle d’un deuil partagé. Pourtant, il n’y a pas d’intrigue à proprement parler, si ce n’est que l’évolution de la complicité entre Fraser et Caitlin. Mais les personnages secondaires continuent de graviter autour de ses deux entités avec leur propre développement personnel, le demi-frère tiraillé entre les valeurs conservatrices de son entourage et celle de ses origines, d’une mère commentant l’adultère avec une femme du voisinage, d’un père qui refuse de voir sa fille s’éloigner, d’un jeune qui tente tant bien que de mal d’accepter sa séparation avec une fille, d’un soldat qui se prête au jeu de la séduction d’un adolescent. Même si ces histoires occupent une place plus ou moins mineure, elles participent à donner plus de profondeur à l’univers de la série, mais on pourrait aussi utiliser cela à son désavantage en reprochant à la série de dévier de sa trajectoire initiale en prenant trop de chemins détournés.
Car ce qui fait la force de la série à mon goût, ce sont ses protagonistes, Fraser et Caitlin. Fraser est quelqu’un d’assez ambiguë, d'imprévisible et fougueux, qui agit sans se soucier du regard des autres, mais qui au fond à tout de même besoin de l’approbation de ses proches. Caitlin, quant à elle, semble plus réservée et plus apte à “suivre le mouvement” comme elle à l’air de le faire avec ses amis et son père. Fraser semble fasciné par elle dans les débuts, et Caitlin voit en lui un moyen de s’émanciper et de franchir le pas sur la personne qu’elle souhaite devenir. Leurs moments de complicités feront tout le charme de la série, avec une mention honorable pour la scène fictive de la reprise du clip Time Will Tell de Blood Orange qui m’a totalement subjugué et qui manque de me faire sangloter à chaque nouveau visionnage.
Côté casting, tout le monde s’en sort plutôt bien, que ce soit Chloë Sevigny, Kid Cudi, Alice Braga ou Tom Mercier (pour ne citer que les plus connus). Mais celui qui crève l’écran, c’est indéniablement Jack Dylan Grazer (Ça, Ça - Chapitre 2, Shazam) qui incarne avec grâce Fraser, son premier vrai rôle dramatique.
Quant à la réalisation, Guadagnino reste sobre et n’en fait pas des tonnes. On peut tout de même noter ses fréquents arrêts sur image qui réussissent à nous faire ressentir l'essence de certains passages. Et dans le dernier épisode lorsque Luca disparaît du cadre, d’un coup, surnaturellement, des tas de théories me viennent en tête.
La musique originale créée par Delontès Hynes (Blood Orange) me fait beaucoup penser à certaines compositions de Ryuichi Sakamoto ou John Adams que l’on peut entendre dans Call Me By Your Name. La soundtrack, elle, fait la part belle au rap et hip-hop américain (Blood Orange à nouveau) mais aussi à la chanson italienne, soulignant le mélange culturel de cette base américaine en Italie.
Et pour moi l’un des gros coups de cœur de la série, ce sont ses costumes, enfin… juste ceux de Fraser. La mode est une thématique qui va revenir dans pas mal d’épisode et Fraser possède vraiment ce look unique et extravagant qui me donnerait envie de mettre du vernis à ongles, de me faire des couleurs (bon, j’ai toujours voulu faire ces deux-là) et de mettre plus de 1000 € dans une veste militaire à motif floral.
We Are Who We Are est une série attachante qui se veut plus réaliste et moins sensationnelle que sa cousine Euphoria. Qui aborde et survole certains thèmes d’actualité comme la crise identitaire, les attentes parentales, la religion, l’adultère, la transidentité, le deuil et le désir. Luca Guadagnino nous livre sa vision de cette nouvelle génération, une jeunesse qui renouvelle les codes de liberté et de l’attirance. Où un baiser n’est plus une question d’amour, mais seulement de désir, d’amitié profonde, de montrer à l’autre qu’on tient à lui.
Une saison 2 n'a pas été commandée pour l'instant. Je serais très curieux de voir où les scénaristes nous amèneraient cette fois, car je suis sûr que cette série pourrait traiter intelligemment et plus amplement d'un bon nombre de sujets, et à la fois, j'aurais peur de ne pas retrouver cette ambiance et cette complicité si attrayante à mes yeux.