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Les Botwin [Critique de "Weeds" saison par saison]

Saison 1 :
La première question qui nous vient à l'esprit devant l'inénarrable "Weeds", c'est bien sûr : "Comment osent-ils faire - et montrer - une telle série à la télévision américaine ?". Une question évidemment totalement enthousiaste, réjouie, devant un scénario qui "glorifie" sans complexes la vente de drogues (et même à de très jeunes adolescents !) et base ses ressorts dramatiques les plus hilarants sur des obsessions sexuelles (et même avec de très jeunes adolescents !). C'est dire que "Weeds" jette un regard plus radical que "Desperate Housewives" sur une société devenue folle à force de matérialisme et de pragmatisme exacerbé : le magnifique personnage central de cette fable hilarante - mais régulièrement embarrassante pour le spectateur -, superbement interprété par une Mary-Louise Parker passant insensiblement du charme irritant de la ménagère américaine bien "désespérée" à la fascination pour le crime et le pouvoir, restera sans doute l'une des grandes créations de la Série Moderne. [Critique écrite en 2007]


Saison 2 :
Si la seconde saison de "Weeds" déçoit légèrement, c'est que ce qui y fonctionne bien, c'est avant tout la répétition des ressorts comiques de la première : les inénarrables personnages de l'oncle Andy ou de la copine Celia, ou encore la remarquable composition de Kevin Nealon dans le rôle de l'hilarant Doug... Tandis que le passage à la vitesse supérieure, pourtant induit par un scénario cherchant à amplifier les enjeux de la fiction (disons entre "les Sopranos" et "Pulp Fiction", pas moins !), échoue tristement dans les tous derniers épisodes : manque de réelle mise en scène pour faire monter la sauce du "suspense", absence d'empathie pour le personnage-clé de l'amant/policier mal interprété par Martin Donovan, et surtout mauvais dosage entre comique décallé et dramatisation des situations... Après tout, tout le monde ne peut pas être Tarantino ! Le plus décevant, ce sont les limites visibles du jeu de Mary-Louise Parker, quand on lui demande de changer de registre. On attend quand même la suite avec impatience... [Critique écrite en 2008]


Saison 3 :
Bien plus réussie que la 2ème saison de la série la plus agressivement provocatrice de la télé US (que je connaisse), cette nouvelle livraison de "Weeds" séduit par son militantisme anti-Bush : massacre des jeunes recrues en Irak, paupérisation de la classe moyenne, montée du fondamentalisme religieux qui prêche ouvertement ses concepts révisionnistes dans les écoles, déliquescence du système de santé qui n'est plus accessible à la majorité des citoyens… la plupart des plaies purulentes de l'Amérique actuelle (avant Obama, certes, mais il n'est pas sûr que les choses aient changé…), "Weeds" attaque frontalement le sujet, avec humour certes, mais aussi avec une rage que l'on sent sincère. Si l'on ajoute une belle franchise envers la sexualité (le désir des petites blanches pour le corps des blacks, l'obsession masculine pour la pornographie), et une formidable honnêteté derrière son apparent cynisme (ce plan superbe du corps nu d'une femme abimé par le cancer), "Weeds" est exceptionnel. [Critique écrite en 2009]


Saison 4 :
Saison 4 : on repart à zéro et on emmène la fine équipe de trafiquants et de dégénérés divers de "Weeds" au bord de la frontière mexicaine, pour les confronter à d'autres réalités que celle des banlieues WASP : l'immigration clandestine, les trafics violents entre US et Mexique, la difficulté de survivre dans une société globalement sans pitié pour les faibles. Du coup, la série perd un peu de sa légèreté, dans sa dernière partie (remarquable) surtout : la violence du monde a fait irruption au milieu de la fantaisie générale ! Alors, oui, on peut tiquer sur le manque de réalisme de cette intrigue-là qui précipite Nancy Botwyn au milieu du chaos et lui permet - de justesse, si l'on pense au superbe coup de théâtre final - d'y survivre, mais "Weeds" est à nouveau le grand plaisir pervers qu'elle était au début : il y a au fond ici la satisfaction de mal agir, contre toutes les règles de la société, tout en restant fidèle à soi-même, ce rapport entre loi et morale étant au coeur du dilemme de l'héroïne dealeuse de cette série pas comme les autres. [Critique écrite en 2010]


Saison 5 :
Quelque chose a changé dans "Weeds" : en confrontant ses drôles de héros à une réalité plus "dure", celle de la politique, celle de la "vraie vie" loin des banlieues aseptisées de la riche Californie, la série est devenu moins drôle (au point que certaines scènes qui se veulent humoristiques en deviennent malaisantes), clairement plus amère. Au dessus de Nancy Botwyn et de sa famille flotte désormais un nuage noir de rancoeur, de désespoir et d'échec : le rêve américain - devenir riche grâce à l'esprit d'entreprise, même dans le domaine du traffic de drogues - est devenu un cauchemar, une fois que toutes les valeurs ont été retournées comme des gants et jetées à la poubelle. Dans cette saison 5, tout le monde finit par avoir du sang sur les mains, and noone is innocent any longer. La saison se clôt sur un vrai choc, et même si on n'est pas sûr d'avoir envie de continuer un périple qui n'a plus grand'chose d'une partie de plaisir, on est toujours "accro" à "Weeds". [Critique écrite en 2010]


Saison 6 :
Sans doute conscients de l'impasse dans laquelle la cinquième saison de "Weeds" - et sa noirceur - avait engagé cette grande série politico-farfelue, les scénaristes remettent une seconde fois les compteurs à zéro dans cette sixième saison, jetant la famille Botwin sur les routes américaines, et faisant un peu feu de tout bois quand il s'agit de confronter nos délinquants à l'Amérique profonde la plus réactionnaire : le résultat est souvent très drôle, les messages politiques "de gauche" de la série sont assénés avec une force contondante (qui peut quand même à l'occasion manquer de finesse, c'est certain...), et on ne peut pas dire qu'on s'ennuie un instant. Reste que ce parti pris de "road movie", d'errance, donne régulièrement l'impression qu'il n'y a plus guère de fil narratif, et on est du coup, soulagé par les épisodes de conclusion, et en particulier, par le dernier, magnifique, qui ramène la fine équipe au coeur du sujet (le trafic de drogues, les choix immoraux et leurs conséquences). Finalement, la pire faiblesse de "Weeds" désormais, c'est le peu de sympathie qu'inspire désormais le personnage de Nancy Botwin, qui a évolué maladroitement au fil des saisons de "bonne mère qui prend les mauvaises décisions" à "mauvaise mère et garce sans scrupules" : c'est clairement moins subtil, mais aussi moins ambigu, et cela nous prive de la richesse de ces dilemmes moraux et éthiques qui faisaient l'audace de la série. Ceci dit, on est quand même très heureux de retrouver Richard Dreyfus, dans un petit rôle à la fois amusant et touchant… [Critique écrite en 2012]

EricDebarnot
7
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le 30 déc. 2017

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Eric BBYoda

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