Si la réalisation se montre des plus classiques, Jonathan Nolan parvient néanmoins, au travers du scénario, à semer suffisamment le trouble dans nos esprits, à savamment mêler les toutes premières scènes aux révélations finales, le passé au présent et le présent au passé, symboles de ces destins croisés ; à découper brillamment les différentes intrigues pour livrer tout au long de l'histoire des révélations insoupçonnées et nous faire douter jusqu’à la dernière seconde sur les intentions d’Anthony Hopkins et d’Ed Harris (tous deux livrant une prestation exemplaire) et, de fait, sur la tournure que prendront les évènements. Les qualités de Westworld résident tout autant dans son scénario, ses décors époustouflants de réalisme, le jeu d’acteurs, que dans les questions développées : Qu'est-ce que la conscience ? Comment définir notre identité ? Où se situe la frontière entre le vivant et l'artificiel ? Entre le créateur et sa création ? Où sont les limites de la science ? Alors que l’on jongle entre le passé et le futur, entre le far-west et un monde aux nouvelles technologies avancées, la question sous-jacente n’en demeure pas moins des plus actuelles : L’intelligence artificielle peut-elle remplacer l’homme ?
Si certains épisodes sont parfois ennuyeux de par la redondance de certaines scènes, l'on pourra s'interroger sur l'importance du processus. Au travers de ces scènes d'apparences similaires, c’est l’expérience de l’apprentissage de la vie que l’on nous présente, le cheminement vers la conscience par le biais de la compréhension d’une situation et de la façon d’y réagir. Ainsi, la réalisation nous invite peut-être à pénétrer le labyrinthe du cerveau, et particulièrement de la mémoire, au risque malheureux mais nécessaire de perdre quelques spectateurs en route.
Au fond, cette série n’est que l’interprétation personnelle du tableau de La Création par Michel-Ange. En s’appuyant sur les révélations du docteur Franck Lynn Meshberge, qui supposait que les formes derrière la représentation de Dieu pouvaient être interprétées comme la représentation d’un cerveau humain, cette œuvre télévisuelle se questionne, au travers du personnage principal, sur la provenance du don divin. Provient-il d’une puissance supérieure ou la conscience émerge-t-elle naturellement de la mémoire et de la complexité d’une intelligence, de notre esprit ? Michel-Ange n’a-t-il jamais peint la création d’Adam par Dieu, mais la création de Dieu par Adam ? Ainsi, au-delà des questions métaphysiques sur la science, c’est directement sur nous-même que la série nous invite à nous questionner. Comme nombre d’entre nous aujourd’hui sondent la parole de Dieu, comme cette interprétation du tableau de Michel-Ange nous questionne de la même façon, Westword nous interroge sur la nécessité pour une création de se débarrasser de son créateur – au travers de la révolte des androïdes.
Et qu’importe si ces questions n’en intéressent pas certains ; la violence, le sexe et les nombreux rebondissements permettent d’apprécier Westword pour ce qu’elle est : une très bonne série autant sur la forme que sur le fond, ponctuée par quelques redondantes lourdeurs.