Westworld
7.6
Westworld

Série HBO (2016)

J'ai essayé… vraiment, j'ai essayé d'aimer Westworld. J'ai essayé de comprendre ce que tant de gens lui trouvent de si spécial, à cette série. Oh, je pense que j'ai compris, j'en suis même sûr. Le problème, c'est que je ne peux partager cet enthousiasme, même avec la meilleure volonté du monde.


Les séries HBO ont une saveur particulière, c'est bien connu. Simplement dit, ce sont de très loin les plus épiques que la télévision ait actuellement à offrir, à un niveau tel que Netflix, AMC, FX ou encore Amazon peuvent seulement aspirer et qui nous fait croire que le "petit" écran est soudain devenu bien plus grand.


Mais HBO, c'est aussi une longue tradition de shows remarquablement bien écrits, non seulement grâce à leurs intrigues, auxquelles le budget permet précisément d'apporter un souffle particulier, mais surtout grâce à leurs personnages aussi attachants que complexes. Que ce soit les familles mafieuses de The Sopranos et Boardwalk Empire, celles de l'univers médiéval de Game of Thrones, les soldats américains de Band of Brothers ou les gangstas de The Wire, on est assuré d'avoir droit à une gallerie aussi truculente que fascinante.


Je me dois néanmoins d'insister sur le mot "tradition", car j'ai de plus en plus l'impression que cela est vrai du passé mais pas tellement de l'état présent. Des cinq séries que j'ai citées, quatre se sont achevées et la dernière, bien qu'ayant incontestablement atteint le niveau de phénomène planétaire, a vu sa qualité narrative grandement diminuer au profit des effets spéciaux et de l'esbroufe. (soupir) J'ai l'impression de pester contre les deux-trois dernières saisons de GoT à chaque fois que j'écris sur une série télé désormais, mais que voulez-vous, c'est que ça continue à faire mal…


Voilà probablement pourquoi j'en espérais autant de leur dernière méga-série en date, Westworld – mais laissez-moi vous dire que quand bien même GoT aurait récemment continué sur sa lancée des premières années, j'aurais tout de même attendu énormément de ce produit de Jonathan Nolan (frère de Christopher, et son co-scénariste habituel) d'après un roman de Michael Crichton, auquel nous devons également Jurassic Park.


Sauf qu'au final, après deux saisons il est clair que Westworld pêche aux mêmes endroits. Le pitch, pourtant, avait de quoi me faire saliver : Westworld est le nom d'un gigantesque parc d'attractions où de riches oisifs, les "Invité(e)s", paient pour littéralement jouer aux cow-boys dans un univers artificiel reconstitué d'après l'Ouest sauvage du XIXème siècle et peuplé d'androïdes, les "Hôtes". Les Invités peuvent chevaucher à l'aventure, tirer au revolver et baiser des prostituées (ah oui, encore une marque de fabrique d'HBO…) autant qu'ils veulent, les Hôtes sont là pour combler leurs désirs, même les plus violents.


Des robots dans l'Ouest américain ??? Pour le fan absolu de westerns ET, un peu plus modérément, de science-fiction que je suis, c'est un concept aussi original qu'alléchant. Le problème, c'est que Jonathan Nolan est absolument déterminé à créer le nouveau Blade Runner – à savoir questionner notre propre humanité via notre rapport à ce qui est artificiel. Or le film de Ridley Scott bénéficie d'un cadre pour le moins inhospitalier qui se prête parfaitement à l'univers néo-noir crée pour l'occasion, lequel en retour alimente le sujet principal, aussi passionnant qu'actuel et infini.


Westworld, en revanche, se prend beaucoup trop au sérieux alors même que son contexte devrait la pousser à se lâcher, à rire d'elle-même et de son absurdité sans pour autant perdre de vue les thèmes qu'elle soulève. Mais elle échoue dans tous ces compartiments.


Formellement la série est irréprochable : la tirelire est partie en fumée, et nous avons droit à exactement ce que la prémisse suggère : ici la sierra et les grands canyons comme dans les meilleurs films de John Ford et Sergio Leone, là un bunker futuriste, avec de sombres couloirs baignés d'une lumière blafarde, qui n'est pas sans rappeler Abstergo Industries dans les jeux vidéo Assassin's Creed. Le tout est parfaitement filmé et photographié, de sorte qu'il n'y a pas un seul épisode qui ne soit pas un régal pour les yeux.


C'est quand les personnages ouvrent la bouche que ça se complique, en revanche… avec le nom de Nolan au scénario j'aurais pourtant dû voir le coup venir, car en dépit de leurs multiples qualités, chacun de leurs films souffre à mon sens de dialogues vraiment ampoulés et expositoires, totalement dénués d'humour. Dans Westworld c'est encore pire car les robots doivent passer par des séquences de débriefing au cours desquelles ils sont assis nus dans une chambre d'isolation et leurs programmateurs leur posent des questions pour s'assurer que leur conscience et leur empathie restent limitées ; un peu comme le test Voigt-Kampff de Blade Runner.


Combien d'épisodes s'ouvrent, se ponctuent ou se concluent par Jeffrey Wright, solennel au possible, demandant "Do you question the reality of your existence, Dolores?" à une Evan Rachel Wood au sourire figé et au regard amorphe, qui lui répond : "I choose to see the beauty in this world" ? J'en ai rapidement eu la nausée. Chaque épisode suit le même format et c'est tout simplement insupportable car aucun personnage n'est sympathique et aucune histoire vraiment intéressante.


Les Invités sont tous des psychopathes en puissance, tantôt hystériques (Ben Barnes, Simon Quarterman) tantôt placides (Jimmi Simpson, Anthony Hopkins, qui est là pour le chèque). Les Hôtes sont plus attachants, surtout Thandie Newton, mais jamais nous ne perdons de vue qu'il s'agit de robots. Naviguant entre les deux, le grand Ed Harris est celui qui s'en sort le mieux dans le rôle de l'Homme en Noir, car lui seul a une vraie expérience du western et semble comprendre dans quoi il tourne.


Déjà bancal sur la forme, Westworld est encore plus limité sur le fond. La série n'a tout simplement rien de plus à ajouter à ce que Blade Runner avait mis sur la table en 1982, le peu qu'il restait à y dépoussiérer étant été brillamment mis à jour par sa suite Blade Runner 2049 ou par Ex Machina. Comment s'investir dans la question de nos rapports à la création lorsque les humains sont aussi irréalistes et les robots aussi… robotiques ?


Incapable d'apporter quoi que ce soit de neuf à un sujet mille fois rebattu, Westworld aurait dès lors dû sacrifier un peu du sérieux de son propos au caractère éminemment divertissant de son format. Mais Jonathan Nolan préfère nous engluer dans un prêchi-prêcha prétentieux au possible plutôt que d'abord nous investir dans l'action puis susciter la réflexion de manière organique, en guise de prolongement naturel.


J'ai donc abandonné Westworld après le huitième épisode de la deuxième saison – histoire de finir en beauté, car cet épisode très contemplatif consacré à l'Indien Akecheta aura été le meilleur de tous. Mais ce ne sont pas un ou deux bons épisodes par-ci par-là, pas plus que Peter Mullan, la bande-son de Ramin Djawadi, l'inclusion du Japon shogunal ou franchement bien d'autres aspects positifs qui peuvent me voiler la face : je ne suis pas investi dans Westworld, j'ai l'impression de perdre mon temps. C'est dommage, mais parfois un objet n'est pas aussi bon que la somme de ses éléments…

Szalinowski
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le 20 mars 2019

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