Years and Waste
Ça commençait pourtant bien. Le premier épisode était sacrément bon : on découvre la famille Lyons, qui semble absolument inclusive : on a des blancs, des noirs, des hétéros, des gays, des...
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le 23 juin 2019
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Décidément, les séries de l'année 2019 aiment nous mettre en scène la fin du monde. Cela permet de montrer l'état de nos peurs actuelles. Peur du nucléaire qui nous a donné Chernobyl ou Dark. Peur de l'Apocalypse socio-économico-politique de notre monde occidental dans la série britannique Years and years, de Russell T. Davies (créateur de Torchwood, Queer as folk...).
Au sens propre, il est possible d'affirmer que Years and years est une série d'anticipation, dans le sens que les scénaristes ont pris les situations sociale, politique et géopolitique actuelles et ont imaginé ce que cela donnera dans 5 à 10 ans. La série commence en 2024 et chaque épisode se déroule en une année différente. Cela permet de voir l'évolution de la situation sur le long terme, et de montrer comment de petits, des renoncements minimes peuvent avoir des conséquences hors de proportions.
Years and years nous propose de suivre la famille Lyons, une famille de la bonne bourgeoisie anglaise. Et chacun des membres de la famille va nous permettre de développer un des aspects de ce futur si angoissant.
Ainsi, avec Daniel, nous explorons la situation de plus en plus tendue des migrants. Daniel Lyons travaille pour les services du logement de Manchester, un emploi qui le met au contact des nombreux migrants qui arrivent en Angleterre en provenance des zones dangereuses de la planète. Il va ainsi rencontrer Viktor, un Ukrainien qui a dû fuir son pays. Au fil des épisodes, Daniel et Viktor vont être les victimes des politiques migratoires et de ces conflits qui mettent les êtres humains dans des situations aussi absurdes que dangereuses, à la merci de passeurs peu scrupuleux ou de gouvernements xénophobes.
Le long des six épisodes qui forment la série, nous assistons à l'irrésistible ascension de Vivienne Rook, politicienne démagogue dont le personnage semble être un mélange de Nigel Farage et Matteo Salvini. Chaque intervention est volontairement choc, pour prouver qu'elle n'appartient pas à la classe politique habituelle. Elle prétend parler au nom du peuple en disant tout haut ce que beaucoup penseraient tout bas, et se dit proche du peuple. En ce nom, elle propose des solutions qui mettent en danger la pratique démocratique (comme faire passer un test de Quotient Intellectuel avant de donner le droit de vote). De plus en plus populaire, elle en vient même à séduire plusieurs membres de la famille Lyons, comme Rosie et Edith.
Stephen, quant à lui, permet à la série de se focaliser sur le déclassement social. Ayant une excellente situation financière, il va tout perdre en un instant dans l'effondrement des banques et se retrouver dans le cas d'un travailleur « überisé », obligé de cumuler jusqu'en 11 mini-emplois sous-payés pour pouvoir survivre. Et accepter tout, jusqu'à l'humiliation, pour avoir un poste.
Les nouvelles technologies ont pris de plus en plus d'importance, tous les membres sont connectés les uns aux autres en permanence, et communiquent avant tout par audio-conférences. Mais Bethany, une des filles de Stephen, veut aller plus loin : fanatique du monde virtuelle, elle veut y faire sa vie. Elle se déclare trans-humaine et désire abandonner son corps ou, au pire, l'améliorer par toute une série de procédés informatiques. Ce qui n'aura pas que des avantages.
Clairement, le monde du futur vu par les créateurs de Years and years est sombre. Dérèglement climatique, attaque nucléaire unilatérale, effondrement du modèle démocratique occidental, tout se mêle pour décrire un avenir angoissant.
Certes, il ne faut pas oublier deux ou trois scènes plus légères, voire franchement drôles (voir ce qu'Edith fait avec les restes de son père...). Et ces nombreux moments de vie qui sont autant de poses dans le déroulement des événements : les réunions familiales, les instants d'intimité... Les personnages sont tous parfaitement dessinés, caractérisés, ils sont attachants, complexes et jamais caricaturaux. L'interprétation est remarquable, tout en finesse et en intensité.
Le propos majeur de la série se dévoile finalement dans son dernier épisode, lors d'un mémorable discours de la grand-mère, Muriel : le thème de l'engagement personnel. Que faisons-nous alors que notre pays, que notre culture s'effondre sous nos yeux ? Que faisons-nous pour empêcher que les gouvernements illibéraux ne prennent le pouvoir ? Que tentons-nous pour que notre pays ne s'éloigne pas de ses valeurs démocratiques ? Muriel montre bien que les choix que nous avons à faire ne se font pas uniquement dans l'isoloir au moment des élections : changer le monde, cela se fait aussi par nos choix de consommation, par nos actions quotidiennes, par notre façon d'exprimer nos refus éventuels.
Lorsque Stephen cherche un nouvel emploi, plus stable et mieux rémunéré, son employeur dit qu'il ne veut « qu'un larbin qui dise Oui tout le temps ». Et Stephen s'oblige à ravaler ses opinions personnelles et, pire, ce qu'il sait être vrai, pour pouvoir se plier aux exigences de son patron. En aucun cas la série ne condamne cette attitude parfaitement compréhensible. Mais il s'agit d'illustrer l'idée que les démocraties s'effondrent parce que nous les laissons faire. Les Vivienne Rook (Trump, Bolsonaro, Orban et autres) ne font que tirer profit de leur capacité à diriger un mécontentement socio-politique auquel tout le monde adhère à un moment ou à un autre (Edith, grande activiste politique et combattante pour les droits de l'homme, déclare cependant qu'elle soutient Rook car elle va mettre à bas la démocratie anglaise).
Jugée trop alarmiste par certains, Years and years présente cependant une situation hélas réaliste et nous oblige à regarder en face les conséquences possibles de nos décisions actuelles. Elle nous interroge sur notre attachement au modèle démocratique et humain de l'Occident, si malmené de nos jours.
Article publié dans LeMagDuCiné
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le 17 juil. 2019
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