Piétinons gaiement ce que des décennies de féminisme ont pu construire

J'ai fait le choix d'un titre ouvertement provocateur parce que je me suis littéralement enragée à la fin de ce drama. Pourtant, j'ai appris à mes dépends que parler de féminisme sur internet peut faire pleuvoir les critiques. Peut-être découvrirai-je aussi dans un futur proche la colère divine des fans de k-drama qui ne partageront pas mon avis concernant cette série. Qu'importe.

I Love You Like Destiny, ou peu importe la traduction approximative qu'on a pu donner à cette monstruosité, c'est l'amalgame de tous les pires clichés existants sur terre. Des plus purs délires romantiques aux plus purs préconçus sexistes et dégradants, tout y est, sans grande exception. Pour les rares personnes qui suivent l'évolution de mon avancée en territoire audio-visuel coréen, souvenez-vous de ma critique de Secret Garden et de son avalanche de niaiserie mièvre et sans saveur qui m'avait fait hurler de rage. Bon, et bien Fated to Love You (ou peu importe une autre traduction approximative) est la chimère de tout ce que je hais dans les films/séries/romans/histoires romantiques. Il est en pratique impossible d'adhérer à 100% à une romance (film ou série) ; il y a toujours ce petit quelque chose qui ne va pas, ce petit détail qui vous gène, cette maladresse de scénario ou d'écriture d'un personnage, qui vous empêche d'arriver au bout de votre catharsis et de purger ces fantasmes de relation fusionnelle qui vous hantent depuis que vous avez entendu parler d'un certain Roméo et sa tristement célèbre petite meuf. Réfléchissez-y bien, puis prenez toutes ces petites choses et fusionnez-les pour créer le pire drama coréen jamais écrit à ce jour.

Pour les ingénus, laissez-moi vous expliquer d'abord le sujet de mon acharnement :
Grosso-merdo, c'est l'histoire d'une fille moche, inintéressante, stupide, sans ambition, sans qualités, sans volonté, niaise, potiche, MAIS qui ne sait jamais dire non parce que, comprenez-vous, "c'est une fille gentille" (note: lire "gentille" avec l'accent du sud et une légère pointe de pitié dans la voix). Un jour, par un enchaînement de hasards idiots et moins crédibles que la dernière saison de Secret Story, elle couche """""par erreur""""" avec le CEO et tombe enceinte. Lui, c'est un connard pourri-gâté, laid comme un pou, con comme un pied de porc, inintéressant, vicieux, pervers, imbu de lui même, MAIS qui finit par accepter de s'occuper de la meuf le temps qu'elle accouche de son héritier parce que, comprenez vous, "il s'est fait avoir". Vous le devinerez, il tombe INEVITABLEMENT amoureux d'elle.

Alors pourquoi tout cette haine en moi, alors que Fated to love you reprend dans les grosses lignes 90% de ce qui se fait déjà en terme de drama romantique (et j'en ai pourtant vu des plutôt bons !) ?
Parce que You Are My Destiny, ou peu importe une Nième traduction approximative, déploie une artillerie de situations stupides, dégradantes, affligeantes pour l'image d'une femme :
=> Meilleur moyen d'accrocher un mec riche : lui faire un gosse tombé du ciel.
=> Meilleur moyen de faire en sorte que ledit CEO s'intéresse à vous : n'avoir aucune personnalité et être une bonne femme au foyer, qui ferme sa gueule et sourit niaisement (vous comprenez, il a d'autres choses à faire que d'essayer de s'intéresser à... je sais pas moi... disons, VOTRE CULTURE, VOS INTERETS [*murmure* de toute façon vous êtes une femme, vous n'en avez pas]).
=> Meilleur moyen d'accrocher encore plus votre CEO encore un peu hésitant : rendez-le jaloux ! Ah bah oui là, la possessivité du mâle dominant ça loupe jamais ! Un petit combat de coq dans la basse-cour ça épice le train-train quotidien ! Sait-on jamais, peut-être même qu'il va commencer à se rappeler que vous êtes enceinte pardi. [rappelez-vous : il n'a pas de temps à perdre avec ces conneries là, il est CEO, merde.]
=> Changez de carrière ! Stagiaire c'est un peu ennuyeux, mais bon, un poste à responsabilités, quel intérêt ! Alors trouvez une chose dans laquelle vous vous démerdez un peu, je sais pas moi. Ah bah devenez "artiste", hein, puisque les filles sont douces et délicates et elles savent toujours bien dessiner, pas vrai ! Et puis alors pas de l'art contemporain compliqué et intellectuel hein, faites des dessins mignons. Des dessins de fille quoi.

Je vais arrêter la liste là, parce qu'à force de m'arracher les cheveux, je vais avoir du mal à draguer le CEO de mes rêves avec une calvitie et une névrose traumatique. Le fait est que ce drama est un ramassis absurde de tout ce qu'il y a de pire dans l'idée qu'on peut se faire de la femme dans la société. Si comme moi, vous aimez analyser les aspects sociologiques mis en avant dans une oeuvre grand public, ou bien si vous avez décidé de militer pour une meilleure représentation de la femme dans la culture, et plus particulièrement le paysage audio-visuel à l'échelle mondiale, alors souffrez les 20 épisodes de cette bouse intergalactique et discutons-en autour d'une bonne tasse de thé.

Mais rappelez-vous toujours que quand votre cher mari rentrera du travail, épuisé par sa journée de dur labeur, le dîner devra être servi :-))))