Les meilleurs films de 2018 selon Marius Jouanny
44 films
créée il y a presque 7 ans · modifiée il y a environ 1 anJusqu'à la garde (2018)
1 h 33 min. Sortie : 7 février 2018. Drame
Film de Xavier Legrand
Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Xavier Legrand, pour son premier long métrage, s'impose avec grandiose dans le paysage du cinéma français. Il prend à revers tous les automatismes de mise en scène dramatique que les cinéastes français ont tendance à rabâcher depuis un certain temps, et ce avec le sujet très galvaudé du divorce et des violences conjugales. A mi-chemin entre le réalisme sobre et le thriller intimiste, il emprunte un chemin cinématographique fertile, se reposant principalement sur l'interprétation exceptionnelle de ses acteurs et sur quelques effets de mise en scène discrets (sur la profondeur de champ, notamment) qui viennent renforcer la tension dramatique jusque dans une acmé comme il est rare d'en voir au cinéma. Le cinéaste embrasse l'ambivalence à tous points de vue, jusque dans son écriture où le père violent, bien qu'acteur de la violence masculine, est aussi un monstre de désespoir parfaitement incarné. En contrechamp, son fils inquiet d'assister à de nouveaux coups portés à sa mère est aussi incroyable de justesse. Entre pudeur intimiste (les derniers instants dans la baignoire après la tempête sont les plus intenses du film) et tension psychologique, "Jusqu'à la garde" étonne et réjouit tant il s'écarte avec pertinence des productions dramatiques habituelles.
Les Indestructibles 2 (2018)
Incredibles 2
1 h 58 min. Sortie : 4 juillet 2018 (France). Animation, Action, Aventure
Long-métrage d'animation de Brad Bird
Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
Shéhérazade (2018)
1 h 49 min. Sortie : 5 septembre 2018. Drame, Romance, Thriller
Film de Jean-Bernard Marlin
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
2018 nous a révélé deux cinéastes français aux ambitions remarquables, cherchant la vérité du monde social par la fiction de manière inédite : Xavier Legrand pour Jusqu'à la Garde et Jean-Bernard Marlin pour Shéhérazade. Ils cherchent avant tout un regard authentique, qui est certes partial mais qui prend à rebours le traitement médiatique des faits qu'ils relatent, pour les situer dans leur contexte social. Cela passe par un travail hallucinant de direction d'acteurs, qu'ils ont tous deux tirés du théâtre. Un travail qui est d'autant plus remarquable pour Marlin qu'il a choisi deux acteurs non-professionnels pour ses personnages principaux, qui expriment la vérité de leur condition sociale. Cela passe aussi pour Marlin par un travail presque ethnographique : pour faire un film sur le milieu de la prostitution à Marseille, il l'a d'abord éprouvé par lui-même en allant recueillir le témoignage de prostituées.
Il en résulte de la part des deux cinéastes un regard sensible et organique, qui radiographie avec lucidité la domination qui se joue, et sous toutes ses formes (ils démontrent avec pertinence la violence de l'institution judiciaire, l'un en introduction, l'autre en conclusion de leurs films respectifs). Mais surtout, un regard sociologique qui est comme un pied de nez aux déclarations de Valls : chercher à expliquer sans chercher à excuser. Et avec un supplément d'âme, celui de leur dispositif formel qui fonctionne à merveille, distillant dans "Shéhérazade" de grands moments d'émotion qui permettent de passer outre ses quelques facilités scénaristiques.
Une affaire de famille (2018)
Manbiki Kazoku
2 h 01 min. Sortie : 12 décembre 2018 (France). Drame
Film de Hirokazu Kore-eda
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Kore-eda dresse encore le portrait de marginaux, en l'occurrence une famille recomposée vivant illégalement dans la maison d'une retraitée. Mais ce qui le distingue de ses autres films, c'est la confrontation entre des coutumes familiales tacites créées par leur mode de vie anarchique et un système judiciaire garant d'un certain ordre social et d'une norme exclusive. Tout le génie du film réside dans la description simple de ces conventions familiales hors-normes, qui émerveillent. Le père n'a par exemple qu'une seule chose à transmettre à ses enfants, mise à part son amour : le vole à l’étalage. Lorsqu'ils tombent sur une petite fille détestée par ses parents, les membres de cette famille la prennent naturellement sous leurs ailes, s'arrogeant des droits conférés par leur marginalité et surtout par un savoir-vivre qui, s'il n'est pas exempt de vices, n'en est pas moins utopique. Par cette valorisation qui n'a rien d'artificielle tant le cinéaste accorde comme toujours énormément d'importance aux détails (qu'ils soient narratifs ou esthétiques, tant les décors intérieurs sont particulièrement soignés) il dépasse la simple charge sociale. Il propose même un panel de personnages profondément touchants, exploitant pour chacun d'entre eux leur part lumineuse et leur part plus sombre. Son réalisme est ainsi loin d'être monochrome, en témoigne d'ailleurs une mise en scène qui donne la part belle aux couleurs et aux visages. Voilà une palme d'or bien méritée, qui remplit certes bel et bien le cahier des charges convenu du film cannois, mais dont le traitement se démarque par le regard si singulier et sensible de Kore-eda.
Phantom Thread (2017)
2 h 10 min. Sortie : 14 février 2018 (France). Drame
Film de Paul Thomas Anderson
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Ne connaissant pas beaucoup le cinéma de P-T Anderson à part son ennuyant "Inherent Vice" (une sacrée lacune, j'en ai conscience) je n'ai pas beaucoup à dire sur ce film très classique dans sa forme comme dans son fond, typiquement anglais et romantique. Du James Ivory croisé avec du Visconti en somme, à la mise en scène très léchée qui parvient à transcender sa froideur par une progression assez envoûtante. On se retrouve plongé dans la même torpeur amoureuse que le personnage principal, avec le même lâcher-prise laborieux mais effectif tant la narration est monocorde mais trouve finalement une consistance dans sa dernière partie. P-T Anderson en dit finalement long sur le couple dans cette dramatisation où la relation se révèle très ambivalente sans tomber dans le désespoir d'un "Gone Girl". Ici justement, c'est bien plus anglais et donc la légèreté vient à point nommé nous rappeler que l'amour se fonde sur des ambivalences, des paradoxes et des contradictions, et que ce n'est finalement pas plus mal. La douceur qui se dégage d'une telle conclusion emporte ainsi avec elle les quelques réticences que je pouvais avoir par ailleurs, et consomme l'intention du réalisateur de reprendre la formule du classicisme romantique pour mieux l'éroder, un peu comme Visconti a pu le faire avec "Mort à Venise".
Derniers jours à Shibati (2017)
1 h. Sortie : 28 novembre 2018.
Documentaire de Hendrick Dusollier
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Au regard de ses précédents courts-métrages, on pourrait croire que ce qui intéresse Hendrick Dussollier dans ce documentaire sur la destruction d'un quartier pauvre d'une métropole chinoise est la décrépitude urbaine, sa volonté d'uniformisation et de destruction de la marge. Mais en fait, il s'agit plutôt d'un travail de mémoire, celle de ce quartier qui perd toujours plus de superficie et d'habitants à chaque fois qu'il retourne le voir. Cela ne l'empêche pas de retrouver à chaque fois quelques visages récurrents, un coiffeur, une veille femme qui fait les poubelles et un jeune garçon qui vivent ces transformations chacun à leur manière. Il y a dans son regard une bienveillance profonde, qui s'efface au profit de son sujet sans pour autant nier en faire partie, puisqu'il met aussi en scènes les interactions qu'il peut avoir avec ces personnes. Ainsi, il semble ajouter une pierre à l'édifice que construit Wang Bing depuis les années 2000, rendre compte de différents milieux sociaux chinois et regarder les individus avec empathie pour montrer toute leur singularité. Un dispositif simple donc, mais qui ne peut faire mouche sans un très bon travail de montage, qui est ici remarquable.
Roma (2018)
2 h 15 min. Sortie : 14 décembre 2018. Drame
Film de Alfonso Cuarón
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Alfonso Cuarón nous revient cinq ans après Gravity, toujours gonflé d'ambitions cinématographiques. Ici, il a beau prendre un cadre bien plus intimiste, celui d'une famille bourgeoise au Mexique en se focalisant sur la nourrice des enfants, le traitement formel est toujours aussi grandiose, surplombant le réel. C'est à double-tranchant, car si la mise en scène impressionne par sa virtuosité et sa majesté (notamment par le jeu entre l'avant-plan et l'arrière-plan, une constante chez ce réalisateur depuis "Les Fils de l'homme") cela implique aussi une certaine prise de distance émotionnelle. En effet avec la narration des "Fils de l'homme" qui laissait le soin au spectateur de remplir les trous par sa propre sensibilité, le cinéaste avait trouvé la distance parfaite avec ses personnages. Ici, l'émotion est intermittente car il prend parfois un peu trop de recul avec les personnages, les faisant se mouvoir dans un certain contexte (notamment le massacre probablement véridique d'étudiants lors d'une manifestation dans les années 70) sans suffisamment le justifier. Néanmoins la scène finale sur la plage submerge toutes les intentions du film et les sublime en quelques minutes, ce qui est magistral et pour le coup très émouvant.
Les Frères Sisters (2018)
The Sisters Brothers
2 h 02 min. Sortie : 19 septembre 2018. Western, Drame, Policier
Film de Jacques Audiard
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Après Scott Cooper avec "Hostiles", c'est à Jacques Audiard de se réapproprier le genre western cette année, avec tout autant de réussite. Le cinéaste s'aventure là où on ne l'attendait pas,et parvient à garder ses mêmes registres intimistes et oniriques dans un décor pourtant chargé de poncifs. La réussite est tout d'abord sur le plan de l'écriture, et celle des personnages (interprétés par quatre excellents acteurs) en particulier : par moult détails narratifs (surtout pour le personnage de John C. Reilly, qui touche droit au cœur), Audiard parvient à humaniser un duo de frères salauds, et à les faire évoluer face à l'idéalisme de leurs deux antagonistes sans que cela paraisse artificiel.
Cette confrontation est l'occasion de considérations idéologiques et morales essentielles pour remettre en cause l'hégémonie de la violence et du pouvoir économique dont les frères Sisters sont les chiens de garde en voie de repentance. L'épilogue, certes un peu facile, est l'achèvement profondément touchant de cette évolution. Ne se contentant pas de faire l'anthropologie de la violence et des dérives de la science, Audiard fait donc dans le même temps celle de l'amour et de l'utopie. Tout cela dans une forme somptueuse, où les scènes nocturnes hérissent le poil, la bande-son porte l'émotion à bras-le-corps, et où les échappées irréelles qui caractérisent le cinéaste, si elles se font discrètes, rajoutent à la consistance de la réalisation.
Woman at War (2018)
Kona fer í stríð
1 h 40 min. Sortie : 4 juillet 2018. Comédie, Drame, Policier
Film de Benedikt Erlingsson
Marius Jouanny a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
Parvana, une enfance en Afghanistan (2017)
The Breadwinner
1 h 33 min. Sortie : 27 juin 2018 (France). Animation
Long-métrage d'animation de Nora Twomey
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Ce film d'animation, en plus d'être somptueux, parvient à mettre en scène une réalité on ne peut plus complexe (la situation politique en Afghanistan) avec une simplicité désarmante. Reprenant le registre du conte allié à celui du drame, il parvient à désamorcer tout le pathos que la narration pouvait générer pour en faire un éloge de la femme insoumise au patriarcat. Il y a des scènes très émouvantes, et le film se paye même le luxe de proposer une fin ambiguë qui parvient à conserver ce compromis de vouloir de toucher un large public tout en décrivant sans édulcorant la vie d'un peuple empêtré dans une guerre incessante et dans la montée de l'islamisme.
Leave No Trace (2018)
1 h 49 min. Sortie : 19 septembre 2018 (France). Drame
Film de Debra Granik
Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Leave no Trace" reprend avec une certaine singularité le postulat narratif d'une famille vivant dans la nature isolée de la société moderne, ici réduite à la relation entre un père et sa fille. Loin de décrire le moindre idéal enchanté, il s'agit plutôt de poser un regard proche du documentaire sur ces deux personnages : les détails pratiques de leur quotidien sont passés méthodiquement en revue. Surtout, il trouve les causes de ce choix de vie radical non pas dans un idéal libertaire, mais dans un traumatisme qui a rendu le père sociopathe. Jusqu'au bout, la narration n'a qu'un seul développement en tête, la relation avec sa fille adolescente. L'amour et l'affection qu'ils se dévouent est le fil conducteur de toute l'émotion du film, qui trouve une conclusion à la hauteur de ses ambitions d'épure et de pudeur. Entre douceur et amertume, le film ne tranche pas, et parvient ainsi à saisir toute l'ambivalence de la situation qu'il décrit.
Miraï, ma petite soeur (2018)
Mirai no Mirai
1 h 38 min. Sortie : 26 décembre 2018 (France). Animation, Drame, Fantastique
Long-métrage d'animation de Mamoru Hosoda
Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Hosoda parvient merveilleusement bien à renouveler son cinéma avec Miraï. Certes, il s'agit toujours d'une opposition entre un monde onirique et le monde réel, mais les différents points de vue qu'il adopte, celui des parents comme d'autres personnages à différentes époques, enrichit la narration. Il s'avère qu'à cause de cela, le récit manque d'homogénéité et s'éparpille un peu trop, là où la relation entre les parents et leur fils aîné aurait pu être plus développée. Mais cette mêlée de scènes oniriques prend un tout autre sens, presque cauchemardesque, dans la dernière partie du film. Et cela permet à Hosoda de s'aventurer vers des chemins cinématographiques qu'il n'avait que peu abordé. Finalement, il s'affirme encore comme l'un des rares (si ce n'est le seul ?) à pouvoir reprendre le flambeau des studios Ghibli au sein du cinéma d'animation japonais, celui d'un cinéma qui transcende les générations avec une pudeur et une ambition visuelle incontestables.
3 Billboards - Les Panneaux de la vengeance (2017)
Three Billboards Outside Ebbing, Missouri
1 h 56 min. Sortie : 17 janvier 2018 (France). Comédie, Policier, Drame
Film de Martin McDonagh
Marius Jouanny a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
En guerre (2018)
1 h 53 min. Sortie : 16 mai 2018. Drame
Film de Stéphane Brizé
Marius Jouanny a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
La Forme de l'eau (2017)
The Shape of Water
2 h 03 min. Sortie : 21 février 2018 (France). Drame, Fantastique, Romance
Film de Guillermo del Toro
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
J'ai parfaitement conscience des reproches que l'on peut faire à ce film et au cinéma de Del Toro en général, tant ce dernier ne s'extirpe pas d'un certain manichéisme archétypal, et tant l'enchaînement narratif de ses films manque parfois de cohérence et de subtilité (en l'occurrence, le début de la relation entre la muette et le monstre est quelque peu artificielle, manque de contradictions). Mais lorsqu'on peut dépasser ces quelques grésillements propre à son cinéma, surtout pour celui-ci qui se révèle être le meilleur depuis "Le Labyrinthe de Pan", quel déluge émotionnel ! Son éloge de la différence, des marginaux rejetés de la société fait mouche à tous les étages. Le registre du conte permet un lyrisme tournant à plein régime, qui déconstruit un à un les limites habituellement imposées au genre (notamment sur le plan de l'érotisme) à travers une mise en scène de Del Toro aussi riche, bouillonnante d'inventivité et foisonnante de beauté qu'à son habitude. La bande-originale porte d'ailleurs le tout avec brio. Il est à chaque instant jubilatoire de voir la figure du mâle américain brutal et matérialiste déchanter face à un amour miraculeux qui anéantit chacun de ses obstacles.
Leto (2018)
2 h 06 min. Sortie : 5 décembre 2018 (France). Biopic, Drame, Musique
Film de Kirill Serebrennikov
Marius Jouanny a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Voilà un pur film de mélomane, qui ne donnent qu'une seule envie : se replonger dans les grands standards du rock des années 70. Les scènes de clip sont fabuleuses, brisant le quatrième mur avec un désinvolture à l'image de l'esprit des différents personnages. Je m'attendais à un peu plus de consistance politique étant donné le contexte (Leningrad au début des années 80) mais finalement c'est cohérent avec la trajectoire des personnages dont la fascination pour la musique hors du bloc soviétique semble assez dépolitisée. Le trip se veut avant tout léger et réjouissant, même quand il aborde un triangle amoureux aux enjeux dédramatisés. On est très très loin de de l'idée qu'on peut se faire du cinéma russe, solennel et mélancolique comme peuvent l'être les films de Tarkovski, Zvyaginstev, etc.
Au poste ! (2018)
1 h 13 min. Sortie : 4 juillet 2018. Comédie
Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Il est réjouissant de constater à quel point Quentin Dupieux parvient à échapper aux travers de l'auto-citation et de l'enfermement dans son propre style si caractéristique qui pouvait le menaçait auparavant. Tout en continuant sa réflexion sur la mise en scène et le spectacle, il s'éloigne toujours un peu plus de ses tics narratifs, visuelles et sonores qui le desservaient surtout dans "Wrong".
Ici, il propose une comédie en huis clos minimaliste, où il condense son imaginaire cinématographique auparavant beaucoup plus foisonnant pour une seule trajectoire : la confrontation entre un flic et son suspect lors d'un interrogatoire nocturne. Il joue moins sur l'étrangeté des personnages, qui ont des comportements à peu près normaux (tout le contraire de Wrong Cops), que sur l'étrangeté des situations et du rythme dilaté du film. Voilà encore une manière nouvelle d'aborder les ressorts comiques ! L'inventivité de la forme en est aussi renouvelée, notamment par une utilisation inédite et géniale du flash-back comme projection des souvenirs du personnage. Surtout, ce mélange de registre paradoxale et salvateur entre amusement et effroi est toujours conservé, notamment grâce à la conclusion du film, mindfuck à souhait. Finalement, Dupieux réalise l'un de ses films les plus classiques, mais il n'en perd pas de son charme et de ses ambitions. Il manque peut-être juste quelques moments supplémentaires de démence pure qui rendent le visionnage de certains de ses films si choquants et marquants. Mais je dis probablement cela parce que j'avais énormément d'attente.
L'Île au trésor (2018)
1 h 37 min. Sortie : 4 juillet 2018.
Documentaire de Guillaume Brac
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Voilà une véritable curiosité de documentaire. Guillaume Brac suit pendant une heure trente tous les événements insolites qui peuvent survenir dans un parc de loisir établi autour d'un lac dans la banlieue parisienne. Les rencontres, qu'elles soient légères ou plus graves, ne cessent d'étonner et distillent une certaine poésie estivale, où tout semble possible. Car s'il souligne que l'obsession sécuritaire de notre société émet un grand nombre de règles que les vacanciers se doivent de respecter, c'est pour mieux montrer leur transgression par une jeunesse qui ne peut que gagner mon admiration. Traité de sociologie autant que traité de savoir-vivre, cette "île au trésor" renferme finalement un lieu qui sous ses atours de tourisme de masse s'avère être sous certains aspects utopique.
Transit (2018)
1 h 41 min. Sortie : 25 avril 2018 (France). Drame
Film de Christian Petzold
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Christian Petzold signe un film très poétique sur le destin de réfugiés politiques traversant la France pour quitter le continent depuis Marseille dans un monde alternatif où de mystérieuses forces fascistes envahissent le territoire. J'aime sa manière de poser le contexte politique par petite touche, sans trop en révéler, juste assez pour comprendre la situation des personnages. Le rythme du film, ponctué d'une voix-off qui s'insère très bien dans la narration, vogue entre tension et moments plus contemplatifs dans une sorte de bulle temporelle où le temps semble s'étirer et nous fait perdre nos repères. Il y a évidemment quelques longueurs et maladresses d'écriture, mais celles-ci sont largement comblées par l'écriture poétique où la beauté prend le pas sur la vraisemblance. Cela sublime l'interprétation des acteurs et rend très émouvantes les différentes relations entre les personnages.
Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot (2018)
1 h 53 min. Sortie : 4 avril 2018 (France). Drame, Biopic
Film de Gus Van Sant
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Voilà un film de Gus Van Sant bien sous-estimé ! Je m'attendais à un biopic empêtré de classicisme. Et je me retrouve finalement avec une narration éclatée admirable qui enchevêtre les étapes de la rédemption et du dépassement du trauma avec une grande pudeur et une inventivité cinématographique indéniable. Tout est rapporté au passé, dans un désordre qui montre que les moments de douleur et ceux de joie ne sont pas à opposer dans un récit pareil. Il n'y a pas de moments où le personnage franchit réellement un cap, il avance dans une tension continuelle entre bouffée d'air et déchéance. En cela, Gus parvient à créer un mouvement vital qui échappe en grande partie à ce qu'on pouvait attendre sur le récit tiré d'une histoire vraie d'un alcoolique tétraplégique devenant dessinateur de presse. Et mine de rien il importe quelques propositions expérimentales dans un film faisant clairement parti de sa veine grand public, ce qui est très appréciable. A noter enfin que la réussite du film tient aussi dans son excellent casting.
Hostiles (2017)
2 h 14 min. Sortie : 14 mars 2018 (France). Aventure, Drame, Western
Film de Scott Cooper
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Voilà bien quatre ans depuis "The Homesman" qu'on a pas eu un western américain aussi bien réalisé. Entre fresque historique et tension psychologique, Scott Cooper dresse un portrait criant d'authenticité des derniers temps du conflit entre les colons et les amérindiens à la fin du XIXème. Les figures de l'armée américaine développées frappent par la pertinence de leur symbole : l'un criblé de remords, l'autre dévoré par la haine, et le personnage principal Christian Bale partagé de manière équivoque entre les deux sentiments. Face à lui, un chef de guerre indien qu'il s'agit d'escorter jusqu'à sa réserve. Avec un tel postulat narratif, il y avait de quoi faire et le cinéaste exploite très bien son matériau. Le récit prend même un tournant spirituel bien engagé dans la dernière partie qui, quoique désamorcé par une conclusion un brin convenu, étaye la force démonstrative du film.
Pentagon Papers (2017)
The Post
1 h 56 min. Sortie : 24 janvier 2018 (France). Biopic, Drame, Historique
Film de Steven Spielberg
Marius Jouanny a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
Sicario La Guerre des cartels (2018)
Sicario: Day of the Soldado
2 h 02 min. Sortie : 27 juin 2018 (France). Action, Policier, Drame
Film de Stefano Sollima
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Voilà une suite qui parvient à légitimer pleinement son existence malgré un changement de réalisateur, ce qui est assez rare pour être souligné. Certes, il n'y a pas cette atmosphère poisseuse et opaque, cette tension permanente malgré de longues scènes qui caractérise le cinéma de Villeneuve. Mais en étant plus conventionnel dans sa forme, le film est d'autant plus dense dans son fond. En effet Taylor Sheridan frappe fort en liant scrupuleusement les cartels mexicains, la question des réfugiés mexicains et celle du terrorisme de l'Etat islamique. Dans le contexte de la politique migratoire de Trump ça a encore plus de sens. Au milieu de tout cela, il démontre la cécité et la brutalité de l'Etat américain, qui envoie ses agents avec carte blanche pour remonter l'identité de terroristes supposément venu d'Afrique pour se rendre compte qu'ils sont originaires du New Jersey. Voilà un ressort narratif pour le moins percutant ! Pour le reste, même si c'est au détriment des autres personnages, les failles du personnage de Benicio del Toro sont pertinemment abordés, et même avec assez d'originalité pour un blockbuster (la scène du langage des signes est vraiment étonnante) achevant de prouver que Sicario est en train de devenir une franchise hors du commun dans le paysage hollywoodien.
Spider-Man : New Generation (2018)
Spider-Man: Into the Spider-Verse
1 h 57 min. Sortie : 12 décembre 2018 (France). Action, Aventure, Science-fiction
Long-métrage d'animation de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Il est clair que je ne partage pas complètement la hype énorme autour de ce film. Mais force est de constater qu'après "Les Indestructibles 2", le cinéma d'animation prouve une fois encore qu'il bat à plate couture les blockbusters de super-héros en terme d'inventivité, de maturité de mise en scène et d'écriture. Certes, il y a dans les deux films une profusion assez peu utile de personnages secondaires, qui parasite un peu le potentiel dramatique de ce que vivent les personnages principaux. Il n'empêche, l'entrée dans l'adolescence est mise en scène avec des scènes très réussites, et la figure paternelle que représente ce Spider-Man cinquantenaire raté fait tout aussi mouche. Et que dire finalement de la réalisation, explosion de couleur et d'image qui subvertit l'aspect too-mush de la pyrotechnie du genre pour en faire quelque chose de quasiment psychédélique. Difficile de bouder son plaisir, en somme.
First Man - Le Premier Homme sur la Lune (2018)
First Man
2 h 21 min. Sortie : 17 octobre 2018 (France). Biopic, Drame
Film de Damien Chazelle
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
Ce "First Man" me laisse une impression assez indéfinissable : la proposition est globalement très satisfaisante, tant il parvient à donner une épaisseur au personnage principal dont le mutisme est définit singulièrement, mélange de deuil intériorisé, de comportement solitaire et d'une lourde responsabilité qui échoue sur ses épaules. Tous ces éléments sont d'ailleurs parfaitement résumés dans la scène où il annonce son départ à ses deux enfants, et les risques qui l'accompagnent. Mais l'aspect historique, le traitement des ellipses donnent une sensation de glissement, qui dilue quelque peu l'émotion à mon sens, et laisse mitigé en sortant de la salle. Drôle d'impression donc, qui laisse rêveur.
La Ballade de Buster Scruggs (2018)
The Ballad of Buster Scruggs
2 h 13 min. Sortie : 16 novembre 2018 (France). Western, Comédie, Sketches
Film de Joel Coen et Ethan Coen
Marius Jouanny a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Avec un peu de recul, il est indéniable que cette succession de six récits de western est bien plus cohérente et fertile que le précédent opus des frères Coen "Avé César", qui proposait lui aussi une succession de courts-métrages mais sans vraiment l'assumer. On voit bien la jouissance que les deux cinéastes ont dû éprouver à l'écriture, mais ils n'arrivent pas toujours à la transmettre, tant par exemple le premier et le dernier de ces six récits ne parviennent pas à dépasser leur idée de départ, au point qu'on se dise que les frères Coen n'ont pas encore su faire le tri dans leurs différentes idées narratives.
Il n'empêche, on retrouve par exemple dans l'avant-dernier récit tout le sel et le charme des cinéastes, par ce mélange désenchanté mais jamais cynique entre comédie et drame, où enfin des personnages parviennent à trouver une certaine épaisseur. Les autres récits sont tous plutôt réussis, mais c'est bien d'épaisseur qui leur manque, tant les personnages qu'on y rencontre sont tous assez oubliables. Si l'inventivité des frères Coen n'est pas complètement en berne force est de constater qu'ils sont en période de vache maigre depuis leur dernier chef-d'oeuvre "Inside Llewyn Davis".
Cold War (2018)
Zimna Wojna
1 h 28 min. Sortie : 24 octobre 2018 (France). Drame
Film de Paweł Pawlikowski
Marius Jouanny a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
La forme est sublime. Le format de l'image, son grain, sa bande-son, ses décors, la composition de ses plans convoquent les plus belles rhétoriques esthétiques du cinéma d'Europe de l'Est. Du coup, je suis forcément indulgent avec la faiblesse du fond, tant ce portrait du couple maudit est assez fortement éculé. Son traitement est tout de même assez intelligent, car il instrumentalise le bloc soviétique pour pouvoir rendre les retrouvailles plus difficiles et pour rendre matériel le gouffre tragique qui sépare les amants. Il ressort de ces sauts dans le temps et l'espace une impression vaporeuse, où la passion se dilue intentionnellement dans un enchaînement narratif un peu répétitif mais qui n'en devient pas redondant. Il n'empêche qu'en diluant la passion censée être exacerbée, le cinéaste dilue aussi l'émotion que l'on peut ressentir, ce qui est assez frustrant. Reste qu'il touche avec cette atmosphère lancinante une infinie tristesse, ce qui est assez rare pour être remarquable.
En liberté ! (2018)
1 h 48 min. Sortie : 31 octobre 2018. Comédie, Policier
Film de Pierre Salvadori
Marius Jouanny a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
C'est indéniable qu'il y a de grosses facilités d'écriture et que certains ressorts comiques fonctionnent moins bien que d'autres. Mais tout de même, quel vent de fraîcheur ! Le mélange de registres poétique et comique, avec un soupçon de drame, est appréciable aussi bien dans les dialogues, l'interprétation des acteurs (je crois que j'adore définitivement Adèle Haenel) que dans certains partis pris visuels assez osé, comme le jeu avec l'esthétique sado-maso qui m'a fait hurlé de rire.
Tout cela reste assez léger et n'a pas de grandes ambitions dramatiques, en atteste la relation quasi-inexistante entre le personnage principal et son fils. Mais en mélangeant un tel ensemble d'idées, Salvadori parvient à rester cohérent et jamais maladroit, ce qui sur le papier n'était pas du tout gagné d'avance. La spontanéité et l'ambivalence des sentiments qu'il exprime touchent finalement assez juste.
Battleship Island (2017)
Goonhamdo
2 h 12 min. Sortie : 14 mars 2018 (France). Action, Drame, Historique
Film de Ryoo Seung-Wan
Marius Jouanny a mis 6/10.
Annotation :
Bon, c'est vrai que toute la dernière partie tombe dans l'outrance et le pathos total. L'utilisation d'un morceau Ennio Morricone fonctionne pourtant très bien tout en frôlant l'excès, la ligne rouge est franchie plutôt sur la longueur.
N'empêche, un blockbuster qui croit en ce qu'il raconte et qui est aussi bien réalisé, c'est rare et précieux. La narration est très dense (les scènes s'enchaînent à toute allure) et pourtant difficile de décrocher. Et puis toutes les scènes dans les mines de charbon sont virtuoses, très immersives et non plus être tape-à-l'œil.
Enfin, on peut le voir rien que pour la curiosité de s'intéresser à l'un des films qui a eu le plus de succès en Corée du Sud. Et quand on sait que le réalisateur déclare ne pas avoir eu pour intention d'alimenter le sentiment antijaponais des coréens, cela prête à sourire. Rien que pour cet aspect, c'est un objet filmique vraiment curieux.
Ready Player One (2018)
2 h 20 min. Sortie : 28 mars 2018. Action, Aventure, Science-fiction
Film de Steven Spielberg
Marius Jouanny a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
J'ai beaucoup de mal à me placer sur ce film. En tant que fan de Spielberg et de la démarche ludique du film venant tout droit des Wachowski ou Edgar Wright, j'ai clairement pris mon pied. Surtout quand ce qui aurait pu être un simple patchwork de référence propose des scènes aussi marquantes que le détournement génial de "Shining" ou le très bon climax. Le problème c'est que le film manque clairement d'originalité visuelle : à force de reprendre des codes et des critères esthétiques déjà existant, il manque finalement de personnalité visuelle, ce qui est dommage pour un film de Spielberg, qui d'autre part est tout aussi virtuose concernant le rythme, le montage du film. Enfin, en terme d'écriture on ressent bien que le développement des personnages est sacrifié, et ça dessert les intentions du cinéaste de proposer un grand spectacle émouvant. En terme de porte-étendard plutôt mature de la culture geek "Ready Player One" est réussi. En terme de film de cinéma de science-fiction à l'univers et aux personnages marquants, ça l'est moins.