J’avais écouté il y a quelques mois l’interprétation que fit Michel Béroff de ces Douze Études de Debussy, redoutables de difficulté à l’instar de celles, plus connues, de Chopin. Et elle est à mon sens bien inférieure à cette version que propose Mitsuko Uchida, qui m’a même fait, devrai-je dire, redécouvrir cette œuvre splendide d'audace et de modernité sous un jour totalement différent.
Plus posée, la pianiste japonaise parvient à faire ressortir la poésie discrète de ces pièces, œuvres tardives dans la vie de Debussy et préfiguratrices à bien des égards de la musique pour piano seul qui sera composée au cours du XXe siècle. Le compositeur français mêle habilement l’exigence pianistique aux colorations impressionnistes de son style, à l’image de l’ultime Étude, « Pour les accords », chef-d’œuvre de délicatesse enchâssé dans un écrin de fougue complètement dantesque.
C’est là sans doute le point fort d’Uchida par rapport à Béroff : elle prend davantage son temps dans les moments qui imposent un ralentissement, fait décanter cette musique qui n’est à première vue qu'aride rigueur technique : ainsi l’Étude no. 5, « Pour les octaves », qui passe d’une exécution de 2’23 chez Béroff à 3’08 chez Uchida, la no. 11 (de 4’07 à 4’48), ou bien encore la no. 12 (de 3’55 à 5’08 !). Tout cela dénote forcément d’une plus grande patience face au texte, qui permet de retranscrire véritablement la profondeur des pièces, au-delà de leurs qualités pianistiques.
Et puis, que dire de la qualité sonore de l’enregistrement… C’est du Philips des années 1990 : le must en d’autres termes. On a l’impression d’avoir un grand piano devant soi, de pouvoir se saisir des notes en vol afin d’en apprécier l’intégrale coloration. C’est quand même dingue cette clarté inégalée pour Debussy chez ce label, je suis toujours bluffé, parce que trente ans plus tard on n’a toujours pas fait mieux !