Je sors de chez le disquaire, fier de m'être acheté un "Black Sabbath - contemporain", le nouvel album des rois cramoisis du Heavy Metal au titre curieusement superstitieux. Je me rends à ma voiture, enlève le disque qui se trouvait être dans le lecteur, à savoir l’excellent éponyme et bluesy premier album de Black Sabbath (1970), et insère la précieuse petite galette dans le lecteur CD de ma bagnole.
Commence l’instant tant attendu : « End Of The Beginning », place d’emblée un riff gras, dinausorien et couillu de la trempe de « Wheels Of Confusion » (1972, sur Vol.4) dont Iommi a le secret, simplement pour dire que le groupe est vieux, cancéreux (Iommi a hélas le « Big C »), mais toujours debout. Une phrase de guitare presque « clichée » du genre Heavy Metal, un riff « de base » hyper référencé, mais un gros coup de trique de mammouth. La voix d’Ozzy, comme à son habitude, est « habitée » d’une drôle d’opacité satanique, et a plutôt bien vieilli. Elle est encore puissante putain. Pourtant, l’organe a eu le temps d’en subir des coups de gnole et de dope. Alcool à fond la caisse. Et puis à ses débuts, le « SABBATH » comme on peut aimer l’appeler, carburait avant, pendant et après ses nombreux concerts à un régime spécial « bière – pétard – coke », sans doute idéal quand il faut se taper des tournées marathoniennes. Depuis, ils se sont calmés, mais la musique est toujours aussi speed. Et Satan dans tout ça ? Satan est présent par accident dans la musique de Sabbath. Un gros malentendu, lié en partie au fait que chaque membre du groupe a reçu une forte éducation catholique dans une banlieue ouvrière de Birmingham un peu glauque. Geezer, le bassiste, a dit à propos de cela que « on nous parlait sans arrêt du Mal, ça m’intriguait forcément. Au point de m’obséder (…) ».
Dans le “End Of The Beginning” de ce “13”, de gros solos jaillissent de la Gibson SG de Iommi, comme s’il voulait dire à Slash : « T’en imposes sévère mec, mais j’en ai encore dans le ventre moi aussi tu sais, écoutes donc… » Dès qu’on les entend, il y a quelque chose de tourmenté, de distordu… la chimiothérapie à travers le prisme de la musique ?
« God Is Dead ? » ralentit tout de suite le tempo, pose un rythme qui met en évidence la basse « câble métallique » de Geezer. Le riff est encore simpliste, mais qui a dit qu’il fallait faire compliqué ? / Et sur tous les morceaux, il faut noter la puissance de frappe du batteur de Brad Wilk (RATM), lourde, pachydermique, implacable juste ce qu’il faut. Vient ensuite « Loner », le niveau reste bon, mais on frise la complaisance metal avec un riff venu d’une école de musique. La voix d’Ozzy est mise en avant. Il a l’air sincère. A un moment, je n’ai tout de même pas pu m’empêcher de penser à Alice Cooper et son hard rock FM un peu poussif (là c’est un peu plus grave quand même). Heureusement, Ozzy "se tait", et les musiciens redonnent au groupe ce son si percussif. Iommi tente même une petite réverb’ dans son solo final, ce qui donne une couleur un peu rock sympa. La première partie me convainc assez, même si on reste loin de la qualité irréprochable des 5 premiers albums (1970 – 1973), tous des chef-d’œuvres. « Zeitgest », ballade mélancolique un peu rêveuse qui rappelle alors le goût prononcé d’Iommi pour les guitares folk, et la meilleure galette du groupe à ce jour « Sabbath Bloody Sabbath » (1973). A la fin du morceau, le combo part même dans le jazz - folk - prog (ce qui me fait donner un point de plus au groupe, pour la prise de risque).
« Age Of Reason » remet les pendules à l’heure : il est à nouveau grand temps de placer un riff couillu, plein de testostérone, une grande trique d’étalon. Viennent ensuite « Live Forever », « Damaged Soul » et « Dear Father », tous trois excellents.
Ozzy disait qu’il n’avait pas le droit de rater ce disque de « la réunion » des membres du Sabbath, opus qu’ils attendaient depuis maintenant « 13 » ans (réunion manquée – avortée en 2000), 43 ans après la sortie de leur magnifique premier disque, sorti un « 13 » février 1970. On ne peut pas dire qu’ils nous ont pondus là un grand disque de heavy metal, mais il a le mérite d'être au moins honnête, et les gars avaient l'humilité de simplement faire un disque sans faire chier le reste du monde, ce qui est aussi respectable.