1.001° Centigrades par Benoit Baylé
Pas le temps pour la planète musicale française de digérer le crash de l'astéroïde bizarroïde Kobaïa, que Magma récidive un an plus tard avec 1001° Centigrades. Si le premier album du groupe oscillait étrangement entre jazz et psychédélisme, l'apport plus affirmé de Christian Vander au processus de composition du deuxième va leur permettre de se rénover dans la forme et le fond. L'album se divise en trois longues chansons, étrangement disposées à la manière du célèbre Close To The Edge de Yes, pourtant paru un an plus tard : la première chanson, "Rïah Sahïltaahk", occupe toute la face A du vinyle avec ses 21 minutes ; la face B se retrouve quant à elle divisée en deux chansons d'environ dix minutes.
La musique de Magma s'y retrouve plus expérimentale qu'au sein de Kobaia. Abandonnant l'imaginaire psychédélique pour une plongée plus prononcée dans l'abstrait du jazz, Vander signe la plage de vingt minutes, "Rïah Sahïltaahk". Préfigurant les suivantes expérimentations mägmaïënnes (accents obligent...), le morceau dévoile une nouvelle fois l'étendue du talent de François Cahen, claviériste, et de Teddy Lasry, saxophoniste/flûtiste, déjà décisifs dans Kobaia. Au cours d'une démultiplication incroyable de thèmes, cuivres et voix s'accompagnent comme une obsession autour de l'histoire épique du peuple Kobaien de retour sur Terre pour sauver les habitants qui la peuplent. Aussi l'influence de l'école de Canterbury sur Vander (Fourth de Soft Machine, assurément) permet-elle d'apporter à l'ensemble un souffle plus jazzy, plus fou et héroïque, presque homérique.
Moins mémorables, les deux autres morceaux dépareillent et marquent une certaine régression au style présent sur Kobaia, ce malgré le départ du guitariste Claude Engel. Le premier, " "Iss" Lanseï Doïa ", assoit la domination des cuivres. Malheureusement, le désormais sextet se perd dans un psychédélisme jazzy plutôt confusant, le morceau étant pourtant souvent consacré par le snobisme bien connu de l'amateur de jazz (chaque cliché a sa part de vérité...) comme un des meilleurs du groupe. Plus c'est abscons, plus ils aiment... Le second, "Ki Ïahl Ö Lïahk", permet le retour bienvenu sur le devant de la scène du clavier de François Cahen, qui retrouve la mélancolie si opportune du premier album.
1001° Centigrades, deuxième opus du sextet français, s'apprécie en tant que transition. Ce n'est qu'à partir du suivant que Magma devient réellement Magma, cet agrégat réunissant folie et science fiction, cette smala indescriptible à laquelle il faut appartenir.