Au départ Rush était un groupe de hard rock assez classique influencé par Led Zeppelin avant d’évoluer vers quelque chose de plus « progressif » et de devenir le véritable créateur du hard progressif (bon c’est vrai y a également Kansas sur le coup !). Le changement était déjà palpable sur le très bon « Flight by night » sorti en 1975 mais avec « 2112 » le trio canadien nous livre non seulement son meilleur album mais surtout il signe le grand classique, le chef d’oeuvre du genre musical naissant.
Sur la première face un seul titre de 20 minutes, “2112”, must absolu du style, celui qui en délimite le cadre, monument incontournable du hard progressif. “2112” alterne les ambiances, le tout dans une atmosphère futuriste très SF (science-fiction que l’on retrouve dans les textes, Rush étant fan de ce genre littéraire), où passages calmes et passages énergiques se succèdent ; quasiment pas de synthé, une rythmique (Neil Peart/Geddy Lee) aérienne et puissante, un gros travail d’Alex Lifeson à la guitare, 20 minutes époustouflantes, notamment le final à couper le souffle (tel un volcan en éruption), une composition de haute tenue technique et instrumentale, les différentes parties s’enchaînant remarquablement sans fausse note, calmes et titanesques, formant un bloc cohérent, le tout sans passages ennuyeux ou faibles.
Tels des funambules sur une corde les trois musiciens font un numéro de haute voltige, en parfaite osmose, sur le fil du rasoir mais leur maîtrise est totale. Du grand art qui n’a rien à envier à un Yes ou à un Van der Graaf Generator (en plus hard évidemment). Et qui influencera maints et maints groupes à commencer par Dream Theater.
Je sais que beaucoup ont un peu de mal avec la voix assez spéciale de Lee mais en ce qui me concerne elle ne me gêne pas du tout, bien au contraire, quoique parfois à la limite de la rupture.
La seconde partie est différente mais Rush propose 5 très bons titres au format plus traditionnel, des compos hard plus classiques.
« Passage to Bangkok » est délicieux avec sa petite touche de musique venant tout droit d’Asie du sud-est et qui colle aux textes.
Egalement « Something for nothing », tout aussi bon, puissant, l’un des titres les plus hard de Rush, avec une voix qui en devient presque féroce.
Entre ces deux morceaux bien ficelés, très hard, trois “ballades” ou morceaux plus calmes : « Twilight zone », et « Lessons » deux magnifiques ballades rock en trompe l’oeil, qui n’en sont d’ailleurs pas vraiment, mi ballade mi morceaux heavy rock, des titres qui débutent en douceur (intro à la guitare acoustique très plaisante pour “Lessons”) et qui en fait s’enflamment très vite, un domaine musical où d’ailleurs Rush excelle également, passages musclées, rythmes enfiévrés et passages légers voire acoustiques se répondent, d’excellentes chansons qui s’emballent très vite pour notre plus grand plaisir. J’adore particulièrement les titres de ce genre que le groupe a sorti tout au long de ses 40 ans de carrière.
Quant à « Tears » c’est la ballade plus classique, plus mielleuse, plus triste, mélancolique, moins rock mais non moins belle.
La deuxième face est moins réputée et certes largement moins audacieuse mais elle reste d’un très bon niveau avec cinq titres qui tiennent la route bien que plus classiques. Loin d’être du remplissage.
Jusqu’au début des années 80 Rush sortira d’autres bons voire très bons disques (disons essentiellement de “Fly by night” à “Moving pictures”) avant de connaître une carrière en dent de scie (à partir de 1983, le groupe prenant un virage plus synthétique avec des claviers omniprésents) jusqu’à son dernier album « Cloakwork angels » (2012) qui renoue en partie avec le style de ses plus belles années ; le groupe suite au décès du batteur Neil Peart en janvier 2020 a définitivement tiré sa révérence.
Si le nom de Rush est connu en France son œuvre musicale reste néanmoins encore relativement ignorée et certainement pas appréciée à sa juste valeur (la faute au public mais aussi au groupe qui n’est quasiment jamais venu jouer dans notre pays) et il est encore temps de réhabiliter entièrement les fondateurs et maîtres du hard progressif et en premier lieu son meilleur album « 2112 ».