Joie ! Michael Jackson a sorti un nouvel album !

Je vous le dis d’emblée : Bruno Mars c’est un gars que je n’ai jamais trouvé intéressant malgré le fait que je reconnaissais ses qualités et que je n’ai jamais pu réellement déclaré un seul de ses morceaux comme “mauvais”. Ses bluettes pour adolescentes étaient mignonnes mais très vite agaçantes. J’ai trouvé Doo-Wops & Hooligans d’un plat et d’un ennui profond - même si The Lazy Song a malgré tout tourné en boucle dans mon iPod en 2011 - et j’avais franchement du mal à comprendre tout ce bruit autour d’un chanteur qui n’apparaissait à mes yeux que comme un autre “loverboy” parmi tant d’autres.

Puis en 2012, Bruno Mars a fait l’impensable … Il m’a surpris avec son titre Locked Out Of Heaven qui me rappelait un souvenir très lointain de The Police, d’une énergie et d'une efficacité redoutables. Un tube calibré pour la radio, mais malgré tout un tube de qualité, bien différent des chansons pop trop lisses qu’il avait proposées jusqu’à présent. Unorthodox Jukebox est sorti, les critiques l’ont salué. Les collaborations promettaient quelque chose de différent, de musicalement plus intéressant et courageux. Mais même si la plupart des productions étaient effectivement plus ambitieuses et bien plus travaillées, et les influences touchant à des styles dans lequel on ne l’aurait pas vu exceller (le reggae de Show Me), l’album s’est révélé rempli de ballades chiantes et de titres radiophoniques faciles et très vite oubliables.

J’étais donc assez sceptique vis-à-vis de ce 24K Magic. Comme tout le monde, j’ai aimé Uptown Funk deux semaines avant de vouloir me frapper la tête contre un mur dès qu’elle passait en soirée ou à la radio, mais je dois avouer que les récentes aventures musicales de Bruno Mars m’intriguaient malgré tout. Mark Ronson, Babyface, James Fauntleroy … Des pistes ici et là permettaient de tracer un chemin vers un album certes pop et mainstream mais qui aurait pu se révéler comme l’affirmation de Bruno Mars ent tant qu’artiste.

Puis le lead single est sorti. Piste-titre de l’album, 24K Magic m’a d’abord fait hurler de rire tellement le mash-up entre des éléments de hip-hop old-school (suis-je le seul à penser à California Love, parmi d’autres, lorsque j’écoute la chanson ?) et Uptown Funk me semblait évidemment. Malgré tout, après mes médisances lors des premières écoutes, le morceau s’est révélé très accrocheur, avec des parties clairement faites pour laisser libre cour à l’imagination de chorégraphes et danseurs à travers le monde, et au final probablement la première fois que je trouvais quelque chose signé Bruno Mars réellement intéressant.

J’ai plus ou moins déchanté à l’écouté de Versace On The Floor. Autant la chanson était loin d’être mauvaise et le ridicule sur lequel jouait Mars ne me gênait pas, une de mes impressions se persistait : le chanteur avait beau proposer quelque chose qui me plaisait plus que d’habitude, l’inspiration venue de tubes de R&B de la fin des années 80, début années 90, qui faisait le charme du morceau me dérangeait profondément. J’écoutais un titre pop de qualité mais j’avais du mal à voir où est-ce que Bruno Mars venait apporter sa touche qui ferait de ce morceau plus qu’un simple bon titre pop, où est-ce qu’il imposait sa signature ?

Et la réponse m’est venue avec la sortie de ce troisième album : nulle part. A travers les neufs titres qui composent 24K Magic, Bruno Mars se contente d’imiter, de reprendre des éléments déjà existants et des influences, et de les recracher sans chercher à y apporter quoique ce soit. Bref, exactement ce qu’il avait fait avec Treasure et - même s’il s’agissait d’un titre de Mark Ronson avant tout - Uptown Funk, c’est-à-dire jouer sur un créneau “original” faussement rétro vu et revu.

Michael Jackson semble clairement être l’influence principale de 24K Magic. Toutes les chansons up-tempo semblent de près ou de loin venir tout droit de Off The Wall. Bruno Mars ne s’arrête pas à la production ou à la composition de ses chanson à ce niveau là, même sa façon de chanter semble être calquée sur celle du “King of Pop”. Alors vous allez me dire “oui mais Michael Jackson a une influence très importante sur les chanteurs pop, il n’y a pas que Bruno Mars qui fait ça”. Et je vous l’accorde complètement ! Je suis tout à fait conscient de l’influence qu’a pu avoir MJ sur la pop et particulièrement sur un artiste tel que Bruno Mars, mais il y a une claire différence entre s’inspirer d’un artiste et complètement pomper son travail. Il y a un degré de différence entre le clin d’oeil, l’hommage et la copie conforme.

24K Magic fourmille de pleins d’autres influences, qu’elles viennent du R&B des années 90 ou du new jack swing de la deuxième moitié des années 80. Il y a un air de Boys II Men dans les ballades de l’album, du R. Kelly par moment lorsque Mars cherche à jouer la carte du sexy, une bonne dose de Bobby Brown quand les choses deviennent plus rythmée, du Marvin Gaye et du Stevie Wonder ici ou là … Et grâce à ces influences, le disque s’avère loin d’être aussi désagréable que ma critique semble vouloir le faire croire.

Comme je l’ai dit plus tôt, le single 24K Magic rempli bien son contrat et s’avère aussi accrocheur que Locked Out Of Heaven après plusieurs écoutes. Calling Out My Lovelies est aussi très efficace, très séduisant grâce à son influence 80s qui fonctionne réellement bien ici. La ballade Versace On The Floor fait aussi son effet, mélodique, chaude et bien exécutée sans trop en faire (ce qui est le problème de l’autre ballade de l’album, Too Good To Say Goodbye qui tape dans la quasi-parodie). Même Perm - qui ne manque pas de rappeler James Brown - ou That’s What I Like sont des pistes véritablement entraînantes, servies par des rythmes auxquels on peut difficilement résister.

Ce qui caractérise aussi 24K Magic c’est l’autodérision que le chanteur utilise jusqu’à épuisement. Le but réel de cela m’est assez inconnu : est-ce pour se moquer de la personnalité de “chanteur qui se la raconte” de Bruno Mars ? Est-ce pour mieux faire passer la pilule du manque d’originalité parfois évident ? Pour ajouter une dose d’humour sur des productions trop sérieuses ? Parce-que Mars est un auteur désastreux donc il est obligé d’en faire des tonnes pour le cacher ? Tout du moins, l’écriture reste un mystère sur cet opus. Bruno Mars avait prouvé sur son premier album qu’il était capable d’écrire des morceaux certes un peu niais mais malgré tout sympathiques, sur 24K Magic c’est le vide abysmal !

Le manque d’inventivité, de caractère et d’originalité de Bruno Mars et de 24K Magic rendent le disque peu intéressant et pas mémorable. Le type d’album pop qu’on écoute une fois avec un petit sourire en remuant de la tête, un sentiment de fausse nostalgie dans le coeur. Trois chansons qu’on retient et qu’on rejoue pendant deux semaines avant de tout balancer par la fenêtre, passer à un autre album pop qui vient de sortir et ne jamais y revenir.

Je ne cherche en aucun cas à remettre en question les qualités d’“entertainer” de Mister Mars. Une chose est sûre : il sait faire son show, comme le prouve son énergie bien souvent contagieuse ou ses performances survoltées. C’est aussi un perfectionniste : les productions - toute réalisée en partie par lui - sont admirables, dignes de celles de Jimmy Jam & Terry Lewis, très bien construites avec une attention aux détails remarquable pour frapper dans l’authenticité d’un style musical et d’une époque. Mais si Bruno Mars a les capacités, il ne semble pas avoir la vision nécessaire à faire de lui un artiste à part et pas une autre pop star marchant sur les pas de Michael Jackson et ses collègues, comme il y en a eu tant d’autres.

Key tracks : Calling All My Lovelies, Versace On The Floor.